Chapitre 5 : Río Raúl RAMÍREZ

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PDV de Río :

Je n'ai jamais raconté ça à personne. Même en parler maintenant, avec Nessy, ça me noue la gorge. Mais il y a quelque chose en elle, une douceur, qui me pousse à le faire.

- Mon vrai nom, c'est Río Raúl Ramírez, je commence, la voix un peu tremblante. J'ai grandi à Medellín, avec ma mère, mon petit frère Lyrío et ma petite sœur Alya. On n'avait pas grand-chose, mais on avait mon père. Il était tout pour nous. Pour moi. Un homme droit, fort... Je voulais être comme lui.

Je fais une pause, fermant les yeux pour essayer de chasser les images qui me reviennent. Mais c'est impossible. Elles sont gravées dans ma mémoire.

- J'avais 12 ans quand ça s'est passé. On était dehors, devant notre maison. C'était une journée comme les autres, ou du moins, c'est ce que je croyais. Mon père était là, à discuter avec un voisin, et moi, je jouais pas loin. Puis, ils sont arrivés. Un groupe d'hommes, armés, avec des regards froids, vides. J'ai senti quelque chose de mauvais dans l'air, mais je n'ai pas eu le temps de réagir. L'un d'eux s'est avancé, et sans un mot, il a sorti une arme. Je me souviens encore du son de la détonation, du corps de mon père qui s'effondre, de son sang qui éclabousse le sol. C'est arrivé si vite. Je me suis figé, incapable de bouger, incapable de crier. J'ai juste... regardé.

Je m'arrête, ma voix se brisant. Le silence qui suit est lourd, presque oppressant.

- Ces hommes... ils sont repartis aussi vite qu'ils sont venus. Personne n'a bougé, personne n'a rien fait. J'étais là, pétrifié, à côté de mon père. Il n'y avait plus rien à faire. Il était déjà parti. Ma mère... quand elle a vu ce qui s'était passé, elle a hurlé. Un cri qui me hante encore. Je voulais faire quelque chose, mais j'étais juste un gamin, Nessy. Un gamin terrifié.

Je prends une grande inspiration, essayant de contenir les larmes qui montent.

- Après ça, tout a changé. J'ai dû grandir d'un coup. Ma mère... elle n'a jamais vraiment réussi à s'en remettre. Elle est restée à Medellín, près du cimetière où mon père est enterré. Moi, je n'avais pas le choix. J'ai dû m'occuper de Lyrío et Alya, les protéger, les faire passer avant tout. J'ai mis de côté ma douleur, ma colère, pour survivre, pour qu'ils puissent survivre. J'ai dû faire des boulots, n'importe lesquels, pour qu'on ait de quoi manger. Je n'avais pas le temps de pleurer, pas le temps de faire mon deuil.

Je lève les yeux vers Nessy, cherchant dans son regard un peu de réconfort, une compréhension.

- Parfois, je me demande si je vais vraiment m'en remettre. Si je pourrais un jour oublier ce que j'ai vu. Mais te dire tout ça, Nessy... c'est peut-être un début. Peut-être que ça m'aidera à enfin faire face à ce que je traîne depuis si longtemps.

Les mots sont sortis, et avec eux, un poids que je n'avais même pas réalisé que je portais encore. C'est douloureux, mais en même temps, je me sens un peu plus léger, un peu moins seul. Je m'arrête un instant, les souvenirs encore vifs dans ma tête. Mais Nessy écoute, et ça me donne la force de continuer.

- Lyrío et Alya... Ils étaient si jeunes quand c'est arrivé. Alya avait à peine cinq ans, et Lyrío, sept. Je ne pense pas qu'ils aient vraiment compris ce qui se passait sur le moment. Ils ont vu notre père s'effondrer, le sang, les pleurs de notre mère... mais pour eux, c'était comme un cauchemar, quelque chose d'irréel. Après ça, Lyrío est devenu très silencieux. Il ne parlait presque plus. On aurait dit qu'il essayait de disparaître, de se faire oublier. Il passait son temps à dessiner, remplissant des pages et des pages de cahiers avec des images sombres, des visages effrayés, des scènes de violence. Je crois qu'il essayait de mettre des mots sur ce qu'il ressentait, mais il ne trouvait pas les mots, alors il dessinait. Alya, elle, s'est accrochée à moi comme à une bouée. Elle refusait de dormir seule, elle pleurait souvent la nuit. Elle était tellement effrayée que quelque chose de terrible arrive encore. Elle avait besoin de moi, et je devais être fort pour elle, pour eux deux. Mais à l'intérieur, je n'étais qu'un gosse perdu, terrifié par ce qui pourrait nous arriver.

El Cartel GONZALOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant