Journal de Bord

01.08.24

Du haut de son perchoir fait de marbre, il observait l'horizon. Une seule tâche le maintenait impartiale face à toutes intempéries, la promesse de sauvegarder les siens et de revoir ses frères un jour. Parant aussi bien les assauts ennemis que les rudes rayons du soleil d'été, son bouclier reposait devant ses jambes. Son regard ne faiblissait jamais, hypnotisé par le paysage lointain qu'il avait vu des milliers de fois. Il attendait l'arrivée, son arrivée ou le jour de sa destruction, quand la pierre blanche de son corps noircira et que le monde sera plongé dans le chaos.

Tel est le sort des soldats de pierre, sculptures intemporelles dépassant les âges et les dynasties en l'attendant, elle et son champ de ruines.

Au pied de cet étrange autel de marbre, assis sur le sol, la tête baissée, la main tendue vers son panier brisée, elle patientait. Personnes ne remarquées cette silhouette brisée sur le pavé, un voile recouvrant son visage. Habillée tout de sombre, elle avait l'allure d'une mendiante, mais se contentait seulement des apparences était Naïf. D'ailleurs, le voici. S'inclinant face à cette pauvre âme, il jeta deux pièces de cuivre dans son panier brisé. Un sourire compatissant sur le visage, dépourvu de réel charité, Naïf se releva et continua son chemin assuré de rejoindre son Dieu pour deux pièces de cuivre inutilisables. Mendiante avait jeté son dévolu sur lui, la silhouette se tordit de douleur et s'éleva vers les cieux. De ses guenilles, ne resta qu'une toge sombre, scintillante d'une divine richesse. Naïf ne se retourna pas, il ne sentit pas la faux lui trancher la peau alors que la mort s'inclinait face à cette pauvre âme pour la cueillir. Naïf s'effondra dans ses bras, plongeant vers les limbes des enfers et son jugement dernier. Son Dieu ne l'aida pas, deux sous de cuivre ne valaient rien, même pas pour une Mendiante.