Aminata, après plusieurs semaines d’enquête infructueuse dans les villages de Tivaouane et Joal-Fadiouth, se sentait à bout de forces. Les villages semblaient tous habités par une paix séculaire, leurs habitants souriants et accueillants, mais silencieux et prudents quand il s'agissait de parler des meurtres. Malgré ses questions, elle n'obtenait que des réponses évasives ou des regards fuyants.
C’est avec une fatigue accumulée qu’elle arriva enfin à Bambali, un village éloigné au cœur de la Casamance. Dès son arrivée, elle fut frappée par la singularité du lieu. Ici, la terre rouge était parsemée de baobabs géants qui semblaient surveiller les habitants comme des gardiens éternels. Les cases traditionnelles en paille et en terre cuite étaient disposées en cercle, formant un noyau central autour d’un arbre ancien, bien plus grand que les autres, que les villageois appelaient « Koulougou », l’Arbre du Savoir.
Aminata, avec son regard de citadine, fut fascinée par ce village où le temps semblait s’être arrêté. Les hommes, vêtus de boubous colorés, travaillaient dans les champs, tandis que les femmes portaient des paniers sur la tête, chantant des mélodies en diola, une langue qu’Aminata ne comprenait pas. Les enfants couraient pieds nus, riant, leurs voix résonnant comme un écho lointain.
Malgré la barrière linguistique, Aminata ressentit une étrange connexion avec les habitants de Bambali. Au fil des jours, elle s'intégrera à leur quotidien, apprenant quelques mots de leur langue et participant à leurs rituels. Mais ce qui la fascinait le plus, c'était l'ancienneté et le mysticisme palpable dans l'air, une sensation d’étrangeté qu’elle ne pouvait ignorer.
Au bout de quelques jours, Aminata rencontra le sage du village, un vieil homme au dos courbé et à la barbe blanche comme neige, que tout le monde appelait Grand-Père. Il avait des yeux perçants et un sourire mystérieux, et sa réputation de guérisseur et de marabout lui valait le respect de tous. Grand-Père parlait couramment le français, ce qui permit à Aminata de discuter longuement avec lui. Elle l’aida souvent à broyer des plantes médicinales dans son enclos, écoutant ses histoires sur les génies protecteurs du village et les secrets de la forêt.
Une nuit de pleine lune, alors que le silence s’était abattu sur Bambali et que seuls les cris lointains des hyènes troublaient la quiétude de la nuit, Aminata décida de montrer au sage les symboles et indices qu’elle avait trouvées à travers les différents preuve que Aissatou lui avait donné . Assis sous le Koulougou, les deux observèrent le ciel étoilé, un tapis d'étoiles infinies qui semblait se déployer au-dessus d'eux. L’atmosphère était envoûtante, presque irréelle.
Grand-Père examina les symboles avec attention, ses doigts tremblants parcourant les gravures anciennes avec une sorte de révérence. Après un long silence, il leva les yeux vers Aminata, et ce qu’il dit alors fit frissonner la jeune femme.
« Ces symboles… Ils appartiennent à un culte très ancien, un culte qui vénère un Djinn surpuissant. Ce Djinn, que certains appellent Gami Satta , est un être craint et respecté. On raconte qu'il offre richesse et gloire à ceux qui le servent, mais en échange, il réclame des sacrifices humains. Ces rituels que tu poursuis sont plus anciens que l’histoire de ce pays, et ceux qui les pratiquent croient fermement qu'ils doivent nourrir cet esprit avec du sang pour maintenir leur pouvoir. »
Le regard d’Aminata s'assombrit. Elle savait que ces histoires de Djinns étaient monnaie courante dans certaines régions, mais entendre cela de la bouche du sage, dans cette ambiance nocturne, donnait à cette légende une réalité effrayante.
« Mais pourquoi ce village semble-t-il en paix, alors que les autres sont sous la terreur dès que l'on parle de meurtres ou rituels ? » demanda-t-elle, une pointe d'anxiété dans la voix.
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Les ombres de la Teranga ( Tome 1 )
Mystery / Thrillerl'histoire ce déroule dans un Sénégal moderne où une jeune journaliste nommé Amina va être sous les traces d'un psychopathe bien caché.