Les ombres de la Teranga ( Tome 1 )

chapitre 5: Les chemins de la technologie

Aminata regagna Dakar avec le corps affaibli et l'esprit tourmenté par les événements de Bambali. La fièvre l'avait terrassée, l'enfermant dans une torpeur presque délirante pendant plusieurs jours. À son retour, son appartement lui semblait à la fois familier et étranger, chaque ombre dansant sur les murs évoquant des fragments des cauchemars qu'elle avait vécus dans le village. Mais malgré la fatigue, une urgence sourde la poussait à replonger dans son enquête.

Dans la lumière crue de son bureau, Aminata contempla le tableau d'affichage qu'elle avait soigneusement construit au fil des semaines. Des photos, des coupures de presse, des notes griffonnées de sa main étaient épinglées, reliées par des fils rouges, noirs et bleus, formant un réseau complexe de connexions, de soupçons, de vérités incomplètes. Le visage de M. Fall dominait le tableau, entouré de points d'interrogation et de flèches menant vers des articles obscurs et des correspondances privées.

Elle s'assit lentement, un frisson traversant sa colonne vertébrale alors qu'elle se remémorait les paroles du sage de Bambali. Ses mains tremblantes effleurèrent les symboles qu'elle avait dessinés, des reproductions des gravures énigmatiques vues dans les villages. "Retrouve tes origines... la foi..." avait murmuré le vieil homme sous les étoiles, laissant planer une ambiguïté troublante sur la véritable nature de son enquête.

Un coup de téléphone inattendu interrompit ses pensées. C'était Yacine, le hacker excentrique avec qui elle avait déjà collaboré. La voix de Yacine était empreinte d'une nervosité inhabituelle.

Aminata, il faut qu'on parle. J'ai découvert quelque chose. Ça dépasse tout ce qu'on avait imaginé...

Malgré sa faiblesse, l'instinct professionnel d'Aminata reprit le dessus. Elle se força à quitter l'appartement et se dirigea vers le repaire souterrain de Yacine, un petit local encombré de matériel informatique dans un quartier discret de Dakar. Là, dans une lumière bleutée, entourée de machines cliquetantes, elle se retrouva plongée dans un tourbillon de données et de révélations choquantes.

Yacine avait réussi à infiltrer des bases de données sécurisées et avait déterré des informations compromettantes. Les victimes des meurtres étaient toutes liées, d'une manière ou d'une autre, à un projet de développement touristique controversé. Des transactions suspectes, des contrats cachés, des courriels cryptés... Tout pointait vers une vaste conspiration, impliquant non seulement M. Fall, mais aussi plusieurs figures politiques et des entreprises influentes.

Regarde ça, murmura Yacine en ouvrant un fichier. Il y a des traces de paiements à des sociétés-écrans, toutes liées .

Le terme "sacrifices" résonna dans l'esprit d'Aminata, la ramenant aux histoires terrifiantes entendues à Bambali. Le vieil homme parlait-il vraiment d'un culte au Djinn, ou s'agissait-il d'une métaphore pour ces manœuvres corrompues et sanglantes?

Avant qu'elle ne puisse formuler ses pensées, une série de bruits étranges retentit à l'extérieur du repaire de Yacine. Des pas précipités, un murmure indistinct, puis le son sourd de coups sur la porte. Yacine, habituellement si calme, pâlit.

Ils nous ont retrouvés, balbutia-t-il, la peur visible dans ses yeux.

Aminata n'eut pas le temps de poser des questions. D'un coup sec, la porte explosa sous l'impact, projetant des éclats de bois dans la pièce. Des hommes en noir, leurs visages dissimulés sous des cagoules, se ruèrent à l'intérieur. Yacine poussa un cri étranglé avant d'être plaqué au sol, tandis qu'Aminata, le cœur battant à tout rompre, s'élança vers la sortie arrière.

Elle courut dans les ruelles sombres de Dakar, ses poumons brûlant d'effort, ses pas résonnant comme des coups de tonnerre dans le silence de la nuit. Derrière elle, des ombres menaçantes la suivaient de près. Les battements de son cœur se mêlaient aux échos des pas, chaque virage pris à l'aveugle la rapprochant d'une terreur inconnue.