Apprends-moi à m'aimer

Chapitre 5

La sonnerie stridente du téléphone de Roxane retentit plusieurs fois avant qu'elle ne se décide à l'interrompre. Enroulée dans ses draps, elle grogna, encore engourdie de sommeil. Le confort de son lit l'invitait à y rester quelques heures de plus, mais elle savait qu'elle ne pouvait pas se permettre de manquer ses cours. Roxane avait cette rigueur tenace : s'absenter n'était envisageable qu'en cas d'extrême urgence ou pour un rendez-vous médical. Même malade, si son état le permettait, elle se rendait en cours. C'était tout de même difficile d'émerger du sommeil après la soirée tardive du bar à laquelle Eva l'avait amenée.

Le visage enfoui dans l'oreiller, elle jeta un coup d'œil rapide à son téléphone : elle avait déjà une demi-heure de retard sur son timing habituel.

- Fais chier, maugréa-t-elle en sentant l'angoisse la saisir.

Elle se redressa péniblement, une douleur lancinante irradiant sa jambe. Pas maintenant, pensa-t-elle avec frustration. D'un geste mécanique, elle avala les antidouleurs qui traînaient sur sa table de chevet avant de se diriger en boitant légèrement vers la salle de bain. Tant pis pour le petit déjeuner, elle n'avait plus le temps de manger.

Alors qu'elle se préparait, ses pensées retournèrent inévitablement à la soirée de la veille. L'image de Thomas, avec son sourire charmeur et ses yeux pétillants, s'imposa à son esprit, déclenchant une vague de chaleur agréable qui lui chatouilla l'estomac. Une foule de questions l'assaillit, alimentées par l'excitation de cette nouvelle rencontre. Est-ce qu'elle lui plaisait vraiment ? Allaient-ils se revoir ? L'avait-il trouvée bizarre ? Et surtout, que pensait-il de son handicap ?

Ces interrogations, bien que naturelles, prirent soudainement une tournure plus sombre. Son handicap. Ce mot envahissait son esprit, se répétant comme un écho dans une caverne. Ses cicatrices, ses jambes affaiblies, sa façon de marcher, sa béquille toujours présente, sa petite taille, tout cela semblait se cristalliser en une seule pensée : « Et s'il ne s'était pas vraiment rendu compte de tout ça hier soir ? » Mais si, à force de l'observer de plus près, il se rendait compte de la réalité et décidait de fuir ?

« Non, oublie tout ça pour l'instant, concentre-toi sur ta journée de cours », se dit-elle fermement, cherchant à chasser les pensées troublantes qui tourbillonnaient dans son esprit. Roxane savait qu'elle devait se recentrer sur ses priorités, même si la pensée de Thomas continuait à lui apporter une certaine dose de joie. Elle savait au fond qu'il serait plus sage de le mettre de côté pour le moment, car tout cela semblait trop beau pour être vrai.

De plus, elle s'était fixée un objectif clair après sa dernière relation, la seule qu'elle ait jamais eue : rester seule, ne plus se laisser entraîner dans une autre histoire. Cette décision, prise pour se protéger, résonnait toujours en elle, rappelée par les déceptions laissées par cette première expérience amoureuse.

Sa routine de préparation terminée, Roxane prit sa voiture et se dirigea vers l'université. Le soleil matinal perçait à travers les arbres, projetant des ombres mouvantes sur la route. Comme chaque jour, elle retrouva Eva en chemin, et ensemble, elles se dirigèrent vers la salle de cours de Roxane. Les bruits de leurs pas résonnaient sur le gravier du chemin, mêlés aux éclats de rire d'autres étudiants autour d'eux.

- Bon, comme d'hab, tu n'as pas répondu à mes multiples messages hier soir, lui reprocha Eva, en passant son bras autour de celui de Roxane, le ton mi-blagueur, mi-exaspéré.

- J'étais crevée, je dormais, se justifia Roxane, en haussant les épaules, un sourire à peine perceptible sur ses lèvres.

- Ne me dis pas que tu as réussi à dormir après ça ! s'exclama Eva, les yeux écarquillés d'étonnement. Genre, tu n'as pas cogité toute la nuit après qu'un beau gosse t'ait demandé ton numéro ? Elle se pencha vers Roxane, cherchant son regard.