Chapitre 12-Annulation-

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Crépin courait le long de l'infinie rue pavée, le vent matinal de cette belle journée d'automne lui arrachant de temps à autre quelques toussotements. Ses vieilles jambes fatiguées ne semblaient plus pouvoir le porter bien longtemps et ses poumons ne cessaient de lui envoyer des messages d'alerte mais Crépin ne s'en souciait guère, il avait des informations très importantes à communiquer. C'est à bout de souffle et après d'interminables minutes que le vieil homme arriva devant l'immense château.

-Halte-là !

Les gardes présents devant les portes de bois massif l'arrêtèrent d'une lance sur la poitrine.

-Je dois rencontrer le roi ! S'écria Crépin.

-Pas question, il n'est pas encore l'heure des doléances, le roi dort, répliqua l'un des gardes.

-Alors réveillez le ! Maintenant !

Voyant que les gardes ne bougeaient pas, il ajouta :

-On va tenter de l'assassiner !

A ces mots, les chevaliers échangèrent un regard et celui de droite s'écria :

-Ouvrez les portes!

L'immense cour du château se présenta alors devant les yeux éblouis de Crépin.
Ce dernier n'y avait jamais mis les pieds, n'ayant aucune raison valable et les entrées et sorties étant filtrées avec la plus grande vigilance.

-Suivez moi !

Crépin emboîta alors le pas à trois gardes et traversa la cour, l'écho de leurs pas se répercutant sur les pavés froids.
Un principe simple établit que l'on désir ce que l'on ne peut avoir. Crépin se surprit donc a rêver de la vie de château en contemplant les luxueux couloirs qui le conduisaient jusqu'au roi.

-Arrêtez vous.

Crépin se figea devant une gigantesque porte de bois sombre.

-Tournez vous.

On le fouilla brièvement, retirant son poignard de son pantalon puis un garde qui devait dépasser Crépin d'environ trois têtes ouvrit la porte et le poussa à l'intérieur.
La salle du trône était gigantesque et sa décoration aux luxueux meubles de velours rouge offrait un étonnant contraste avec l'apparence austère de l'extérieur du château. Des tapisseries représentant le roi sur son cheval de guerre habillaient tous les murs de la pièce. Un lustre de cristal projetait des lumières bleues sur le majestueux trône constitué uniquement d'or et de diamants.
Crépin se sentait déplacé en raison des modestes habits que sa profession d'apothicaire lui permettait de s'offrir.
Le roi Robert entra par la porte située de l'autre côté de l'immense pièce, encadré par deux gardes qui se placèrent des deux côtés de la porte.
Le roi semblait furieux d'avoir été tiré du sommeil et cet aspect était encore renforcé par sa barbe noire mal peignée .
Il s'assit en soupirant et regarda Crépin en lui faisant signe d'approcher.
Ce dernier s'inclina puis commença :

-Votre Majesté, je suis navré de vous avoir tiré du sommeil mais j'ai couru de longues minutes afin de vous rencontrer. Je suis apothicaire et ce matin même, votre fils Ulrich est venu me trouver avant même l'ouverture de ma boutique.

A ces mots, le roi sembla sortir du sommeil et analyser chacun des mots que Crépin prononçait.
L'apothicaire lui raconta alors que le prince était venu acheter les ingrédients nécessaires à la préparation d'une fiole d'élixir de Wigenwelt.
Le roi le coupa :

-D'élixir de quoi ?

-D'élixir de Wigenwelt.

-Et qu'est ce ?

-Il s'agit d'un poison très violent.

Robert sentit toute force quitter son corps. Son fils avait l'intention de l'empoisonner. Il ne pouvait dire que cela l'étonnait. Ulrich voulait accéder au pouvoir maintenant que sa sœur allait en être écartée.
Le roi jugea l'apothicaire du regard mais celui ci semblait être honnête et il ne voyait pas pour quelle raison il lui mentirait à propos d'une accusation si grave.

-En êtes vous absolument sûr ? demanda-t-il avec espoir.

-Il a voulu acheter mon silence alors je pense que je peux l'affirmer en effet.
Robert avala sa salive avec difficulté.

-Et bien, en tout cas merci de me l'avoir dit.

-Mon roi pas une seconde je n'aurais pensé à garder cela pour moi.

Crépin commençait à s'approcher du roi.
Les gardes s'emparent de lui et commencèrent a l'emmener vers la porte de sortie.

-Je suis votre dévoué ...

La porte se referma sur lui, laissant Robert seul en tête à tête avec cette vérité qui venait de le percuter.
Son fils, Ulrich, son propre sang voulait sa mort.
Mais quelque chose l'importait plus encore que de perdre la vie, c'était de laisser le royaume aux mains d'Ulrich.
Il ne savait pas si il pouvait empêcher son assassinat, ne pouvant se résoudre à faire emprisonner son fils. Toutefois, il pouvait empêcher l'accession au pouvoir de son fils.

***

Crépin venait d'être jeté hors du château. Il se releva lentement, les genoux douloureux et épousseta son pantalon
Aussitôt, il s'indigna d'avoir été jeté de la sorte après ce qu'il venait de faire pour le royaume.
Après avoir regardé le château une dernière fois, il repartit en direction du village, tout en faisant un détour par la forêt afin d'amasser quelques ingrédients. Depuis la colline où se situait le château, on pouvait contempler la mer et ses milliers d'ondulations apaisantes. Crépin avait toujours aimé cette odeur rassurante de marée qui lui parvenait lorsqu'il était dans la forêt, cherchant les plantes nécessaires a la préparation de ses potions.
C'est donc l'esprit tranquille et le cœur apaisé que Crépin prit sa dernière inspiration, son sang se déversant déjà le long de son torse où la lame de Théodore venait de se plonger.

-Pas de témoin, murmura alors Théodore à l'oreille de l'apothicaire, son accent plus fort que jamais.

***

Les pas pressés de Robert résonnaient dans les longs couloirs silencieux du château de Wayton.
Il avait demandé à Guillaume de réunir un conseil restreint exceptionnel.
Il ouvrit la porte de chêne avec violence et pénètra dans la pièce. Cette dernière était circulaire en raison de sa situation à l'intérieur d'une des quatre tours du château, les trois autres servant de chambre pour Aure, Ulrich et Robert.
Il s'assit autour de la table également en forme de cercle et attendit l'arrivée de ses conseillers même si cette fois ci, sa décision était déjà prise.
Après quelques minutes, les dix huit sièges avaient tous un occupant.
Robert leva la main et le silence se fit tout autour de la table.

-J'ai pris une importante décision.
Il fit signe aux scribes de commencer a prendre note et continua:

-Le mariage entre François, fils d'Edouard et d'Adélaïde d'Anburg et d'Aurore, fille de Robert et de Blanche de Wayton est désormais annulé. Prenez toutes les précautions nécessaires.

Aure Pourpre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant