Aure Pourpre [Terminé]

Chapitre 10-Union-

L'homme imposant s'adressa tout d'abord au métisse :

-Merrrci Théodorrre, tou sssais quoi fairrre.

Il s'inclina et repartit, laissant Ulrich seul avec cet inconnu qui contemplait l'endroit d'où le dénommé Théodore venait de disparaître et ses deux gardes dressés de part et d'autre de la porte.
Il s'inquiétait, se sentant piégé, tel un lion en cage et la sueur commençait à perler sur son front.
Il n'osait esquisser un geste, de peur de devenir brusquement le centre de l'attention, ce qui, d'ordinaire, ne semblait nullement l'affecter.

Soudain, le chef revint à la réalité et se tourna vers le jeune prince, ce mystérieux sourire s'étalant de nouveau sur toute la largeur de son visage.

-Parrrdounne-moi Ulrrrich sssi je t'ai effrrrayé en t'amenant ici, mais je ne peux pas me perrrmettre d'êtrrre vu dans les rrrues de Wayton.

Comment connaissait-il le nom d'Ulrich ? Il ne le savait pas mais cela n'engageait rien de bon, au contraire.

-Je t'en prrrie, viens t'assseoir, continua-t-il en indiquant un minuscule espace sur le canapé de cuir rouge situé entre l'accoudoir et son corps imposant qui laissait deviner un certain embonpoint dissimulé sous sa large cape recouvrant son corps des pieds au sommet de son cou .

Ulrich se ressaisit. Il ne devait montrer aucune faiblesse, ou du moins essayer.
Il était le prince de Wayton et, il en était persuadé, le futur souverain. Il se cala donc, la tête haute à l'endroit indiqué, fixant un point imaginaire situé au-dessus de l'encadrement de la porte.

-Je me nomme Petrrrusss, ajouta l'étranger, sssouverrrain du rrroyaume de Pyrrrgosss. Avant de continuer cette converrrsssation, j'ai besoin de sssavoirrr sssi je peux avoir confiance en toi.

Le ton sur lequel Petrus avait prononcé ces mots suffit à faire perdre à Ulrich le peu de confiance en lui qu'il était parvenu à garder.

-B...bien sûr.

Il avait prononcé ces mots d'une voix mal assurée, son apparente froideur disparaissant instantanément au profit d'un mal être grandissant.

-Bien, carrr je peux t'asssurrrer que sssi tou me trrrahis, ce qui ne sssaurrrait arrriver, ajouta-il son sourire plus rayonnant que jamais, il ssse pourrrait que tou sssois malencontrrreusement déchu de ton titrrre de futurrr sssouverrrain et que tou disssparrraissses dans de myssstérrrieuses cirrrconstances. J'essspèrrre que tou m'as bien comprrris.

Ulrich hocha timidement la tête, toute trace de couleur ayant définitivement quitté son visage. Cet homme le menaçait et il était persuadé qu'il tiendrait parole s'il tentait quoi que ce soit. Une chose était sûre, il valait mieux avoir ce Petrus dans son camp et étant donnée la manière dont les choses s'étaient déroulées, il n'avait pas d'autre choix que d'accepter de collaborer avec lui.

-Bien, maintenant que tout cela est rrréglé, continuons, veux-tu ?

Il n'attendit pas la réponse et enchaîna :

-J'ai eu vent que tou avais acheté de quoi confectionner une fiole d'élixirrr de Wigenwelt.

Il marqua une pose, attendant qu'Ulrich confirme ses dire, ce qu'il fit en hochant la tête, sa voix l'ayant visiblement quitté pour une durée encore indéterminée.

-Il me sssemble évident que ce poison est destiné à ton pèrrre.

Nouvelle pose. Cette fois, Ulrich ouvrit la bouche mais Petrus continua, à croire que le jeune prince ne recouvrerait jamais l'usage de sa voix si charmeuse.

-Je ne sssuis pas ssstupide, Ulrrrich. Ta sssœur va ssse marrrier avec le prince Frrrançois, ce qui libérrrerrra le trrrône. Il ne rrressste plus qu'à fairrre disssparrraitre ton pèrrre. Je ne te blâme pas, au contrrrairrre, je sssuis là pourrr t'aider à accomplirrr la dessstinée qui est tienne. Je veux que nous devenions alliés.

Ulrich attendait la contrepartie qu'il allait exiger, sachant pertinemment qu'il ne pourrait de toute manière la refuser.

-Il y a tout de même une condition à notrrre alliance. Je veux que 30% des mines d'orrr et de diamants de Wayton sssoient attrrribués au rrroyaume de Pyrrrgosss.

Ces mines étaient les principaux rendements du pays. Sans elles, l'état sombrerait. Mais avait-il réellement le choix ?

-Grrrâce à cela, nous sssignerrrons un contrat et tu pourrras exerrrcer entièrrrement ton pouvoirrr sssur ton peuple. Il n'en sssaura rrrien, conssserrrvant ssses emplois et ssses sssalairrres.

Ulrich hésitait toujours mais sa soif de pouvoir et sa peur de mourir eurent raison de lui.

-C'est d'accord, articula Ulrich, ayant retrouvé l'usage de la parole, nous aurons une alliance et nos armées s'épauleront.

Pyrgos était un très grand pays servi par des centaines de milliers de soldats et qui comptait de nombreux alliés. Le jeune prince savait que leur force militaire ne serait pas de trop en cas d'attaque ennemie. Mais quelque chose dérangea ce dernier.

-Mon père allie Wayton et Anburg...

-Cela va sssans dirrre que nous conquerrrons Anburrrg également, et il ssse pourrrait même que tou sssois le futurrr ssseigneur d'Algarrrie.

-Alors j'accepte, où est le contrat ? demanda-t-il ayant soudainement retrouvé sa joie de vivre et le sentiment d'être devenu un conquérant faisant pétiller ses yeux émeraude.

Petrus sourit puis appela :

-Marrrie, de l'encrrre et des plumes !

L'étranger rédigea un contrat en deux exemplaires, en conserva un et tendit l'autre à Ulrich qui, après en avoir lu chaque mot, semblait satisfait.

Ce dernier, même s'il n'osait le montrer par peur d'être pris pour un faible, souriait intérieurement.

Il serra la main de Petrus, celant ainsi le pacte qui unissait le destin désormais commun de ces deux nations et prit congé de son nouvel allié, avant qu'on ne remarque son absence au château.

-Vous ne pensez tout de même pas à le faire roi d'Algarie ? s'enquit la dénommée Marie qui venait de surgir d'une porte dissimulée sous une épaisse tapisserie.

-Bien sssûrrr que non, répondit Petrus en levant les yeux au ciel. J'ai mentionné dans le contrrrat qu'il ssserrrait rrroi d'Algarrrie sss'il conquérrrait Anburrrg.

-Et ?...

-Et je puis vous asssurrrer, Marrrie qu'il ne sssaurrrait finirrr cette bataille, si bataille il y a, la tête sssurrr les épaules.