Chapitre 25 -Décision-

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Firmin poussa Aure à l'intérieur de la pièce et ferma la porte avec violence derrière eux. Celle-ci tomba au sol dans un bruit sourd.

Les cloches continuaient de faire entendre leur carillon incessant, annonçant une intrusion à l'intérieur de l'enceinte du château de Wayton.
Tout le château s'éveillait, de sorte que bientôt des gardes se présenteraient ici.

Aussitôt, Firmin se saisit de quelque mobilier qui entrait dans son champ de vision afin de barricader la porte. Cette scène eut, pour lui, une impression de déjà vu, à la différence que cette fois, l'ennemi se trouvait des deux côtés de la porte.

-Firmin ! s'offusqua Aure en se relevant difficilement et avec rage. Mais qu'est ce que tu fais ?

Il se retourna avec violence et lui fit remarquer sans se délester de son calme froid :

-Ce serait plutôt à moi de te poser cette question.

Aure se renfrogna, baissant les yeux. Elle n'osait pas affronter son regard accusateur. Aussi, Firmin décida que c'était le moment d'attaquer. Il avait percé sa carapace, il devait maintenant la travailler au corps.

-Comprends ma surprise. Je t'ai aidée à t'échapper pour ne pas que ton père réclame ta tête.

Il insista sur ce dernier mot et exagéra volontairement la sentence.
Même si Aure n'y laissait rien paraitre, les paroles de Firmin la touchaient.
Ce dernier le perçut et continua donc son récit :

-Je suis des lors rentré, pensant que mon rôle était fini et ait préparé mes affaires pour quitter Wayton. Il y a à peine quelques heures, Flore est venue me supplier d'aider Louise, qui était enfermée dans les geôles du château. Elle m'a alors expliqué qu'elle avait été accusée à tort du meurtre de ton père et que depuis, ton frère vous avait asservis toi et le royaume.

Firmin lança un regard interrogateur et de reproche à Aure, comme s'il attendait sa réponse et qu'elle défende sa position.

-Louise a tué mon père, murmura Aure, comme si elle essayait elle-même de se persuader de ce qu'elle avançait.

-Et Ulrich est un saint, termina Firmin.
Oui, je connais ton refrain.

-Ulrich est un monstre ! s'écria-t-elle alors avec violence, faisant ainsi sursauter le jeune homme. Lorsqu'il croisa son regard, celui-ci crut y percevoir de la peur mais, également et surtout, de la terreur.

A cet instant, de violents coups se firent entendre de l'autre côté du panneau de bois. Les gardes royaux essayaient de pénétrer à l'intérieur de la pièce.

-Princesse Aurore ? appela l'un d'eux.

-J'espère que tu sauras accepter la vérité, déclara simplement Firmin.

Puis, il se dirigea en hâte vers le bord de la fenêtre, et après un regard désolé en direction de Aure, sauta.

A cet instant, la porte et sa barricade cédèrent et les gardes pénétrèrent à l'intérieur de la pièce.

Ils jetèrent tout d'abord un regard à la barricade, puis à Aure et lui demandèrent d'un ton pressant :

-Où est-il ?

Ils n'eurent pas besoin d'attendre sa réponse, la fenêtre ouverte la donnant pour elle.
Aure tourna elle aussi, instinctivement la tête vers la fenêtre, juste avant d'apercevoir un document, posé sur son rebord. Elle était la seule à pouvoir l'apercevoir depuis sa position, mais les gardes ne tarderaient pas à le découvrir.
Firmin avait du le faire tomber dans sa fuite.

Sans se poser de question, Aure se précipita à la fenêtre et posa ses bras sur le papier pour ne pas qu'ils l'aperçoivent.
Afin que son action ne paraisse pas suspecte, elle se mît à pleurer à chaudes larmes.
Les soldats furent surpris de son geste. Neanmoins, l'un d'entre eux compatit à son chagrin. Elle s'apprêta à justifier son état, exposant la peur qui l'avait terrassée lorsque cet individu avait pénétré dans sa chambre, mais avant qu'elle n'ait pu dire un mot, l'un d'eux demanda :

-C'est à cause de l'exécution ?

-L'exécution ? répondit Aure, sans comprendre, sortant la tête de ses bras pour la première fois.

-Vous ne savez pas ? Louise va être jugée au lever du soleil.

Cette fois-ci, les fausses larmes firent place aux vraies. L'air lui manquait, son rythme cardiaque s'accélèra, sans qu'elle ne parvienne à le faire revenir à la normale.
Aure regarda par la fenêtre, dans le vide.
Cette fois-ci c'était fini. Même son intervention ne changerait rien.
Il aurait fallu un miracle pour bousculer le cours des choses.

Lorsque les gardes eurent inspecté la forêt et ses environs du regard, ils furent forcés d'admettre que l'intrus avait bel et bien disparu.
Ils s'excusèrent auprès d'Aure et sortirent de la pièce à reculons, sachant pertinemment que le roi ne pardonnerait pas cette faute.

Le bruit de la porte se refermant ramena la princesse à la réalité.
Aure, une fois qu'ils eurent disparu sortit le parchemin que ses mains avaient transformé en boulette afin de le dissimuler et s'employa à le défroisser.

Qu'est ce que contenait ce parchemin, et pourquoi Firmin le possédait-il ? Il s'agissait certainement de ce qu'il venait de dérober.

Après quelques secondes, le titre apparut clairement :

"Pacte d'assistance mutuelle"

C'est par la présente, et pour le bien de leurs états respectifs que les souverains de Wayton et de Pyrgos se sont réunis ce jour.
Un pacte d'assistance mutuel a été énoncé oralement. Le voici :

Moi, Petrus, seigneur de Pyrgos m'engage a fournir a Wayton des forces militaires et à appuyer le souverain Ulrich dans son accession au trône.

En échange, moi Ulrich, seigneur de Wayton m'engage a verser 30 % des bénéfices des mines d'or et de diamants de Wayton au royaume de Pyrgos.

Les royaumes de Wayton et de Pyrgos s'appuieront en cas d'attaque ennemie, car les ennemis de mes amis sont mes ennemis. Ils s'engagent également, par la signature de ce texte à ne fomenter aucun complot, d'aucune sorte envers l'état nouvellement allié.

Les termes de ce contrat devront rester secrets jusqu'à nouvel ordre.
Seul le non-respect des engagements permettra à son titulaire de rendre l'affaire publique et d'exiger la destitution de son trône au fautif.

Le contrat est approuvé par les deux partis.

En effet, il l'était. Deux signatures s'étalaient en bas de la page, surélevées de deux sceaux.
L'un était celui de Wayton, représentant une colombe volant par delà la mer, une dague dans le bec.
Aure avait toujours aimé cette image qu'affichait Wayton. La colombe, symbole, comme chacun sait, de paix et de pureté, pourtant représentée avec une arme mortelle.
Wayton était, à son image, un lieu de paix et de complaisance, mais qui pouvait se transformer, face à un ennemi quelconque, que ce soit le sien ou l'un de ses alliés, en adversaire mortel.

L'autre, Aure ne le connaissait pas. Il devait s'agir de celui de royaume de Pyrgos, symbolisé par un aigle, perché au sommet d'une montagne, observant le col avec attention. Cette image ne laissait augurer rien de bon, selon elle.
Elle s'était toujours figurée ce rapace comme un prédateur. Il attendait, dissimulé dans les hauteurs, guettant sa proie, le meilleur moment pour fondre sur elle et lui asséner le coup fatal.

Aure reporta son attention vers les deux signatures, et plus particulièrement vers l'une d'elles.
La signature, d'une épaisse écriture irrégulière, qu'elle ne connaissait que trop bien, était bien celle d'Ulrich, il n'y avait aucun doute là-dessus.

Ulrich était bel et bien le responsable. Il avait comploté pour l'accession au trône. Louise était innoncente. Aure jeta avec horreur un regard vers la fenêtre de sa chambre. Des lueurs rosées commençaient à apparaître, ce qui signifiait l'arrivée du soleil, et avec elle, celle de l'exécution de Louise.

Firmin avait raison. Elle était la seule à pouvoir encore faire quelque chose.

Aure Pourpre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant