Sur le retour du collège, je flânais.
Devant l'établissement, l'effervescence des élèves rendait la rue impraticable. Bien sûr, les autres, autour de moi, se regroupaient en bandes gueulardes pour se ruer en ville, fêter la bonne nouvelle du jour. Leurs airs ravis ou non exposaient leurs résultats. On félicitait les alpha d'être les futurs grands de ce monde, les oméga d'en être la mère nourricière et on tapotait les épaules des bêta. Pas de chance. Peut-être dans une prochaine vie...
Tout en fendant la foule, je resserrai ma prise sur l'anse de mon sac. À l'intérieur, pliés en huit, se trouvaient mes résultats, ceux que je devrai transmettre à ma mère. Depuis cet après-midi, la vérité s'exposait aux yeux de tous et j'avais obtenu la combinaison la moins flatteuse : oméga dominant.
Depuis des années, elle me rabâchait que si j'étais du mauvais genre, je devrais partir de la maison. Ce soir, le couperet tomberait.
Je n'avais pas hâte de la retrouver, de m'enfoncer dans cette maison sombre et d'avouer ce que j'étais, maintenant officiellement. Comme elle, pire qu'elle. « Engeance parasite », me rappela sa voix sèche.
Alors, je pris mon temps. Une fois éloigné du brouhaha des élèves, je fis un détour par le bazar où le gérant, un homme d'une stature imposante dont la moustache fournie sautillait quand il parlait, me donna un pain au chocolat en me faisant signe de ne rien dire à la patronne qui ronflait derrière la caisse. Nous rîmes gentiment à ses dépens, puis je quittai la boutique avec un geste de la main énergique.
En déambulant un peu dans les rues étroites, à l'abri du soleil puissant du début de l'été, je passais voir Mabrouk et Nala, les rottweillers de madame Lee, la tenancière du bar clandestin du quartier. Là où tous les sans-le-sou se précipitaient pour une bière de mauvaise qualité à prix réduit.
J'offris les quelques friandises aux chiens puis je les autorisai à lécher mes mains à travers le grillage fin. Ce médiocre filet ne les retiendrait jamais si les molosses venaient à s'énerver, mais je savais que ça faisait partie du sentiment de terreur qui entourait ces races particulières.
Je ris en secouant mes doigts pleins de bave avant de les essuyer sur mon jean et saluai les faux chiens de garde.
— On se voit plus tard les toutous !
En traversant le quartier des plaisirs, aux maisons colorées, mais délabrées et aux enseignes lumineuses clignotantes, je fus gavé de sucreries par les prostituées qui me connaissaient toutes. J'en avais rencontré une bonne partie un jour où ma mère m'avait mis à la porte. C'était sa « période compliquée du mois » et elle avait reçu la visite d'un homme immense. Du haut de mes six ans, j'avais alors erré au gré du vent et j'avais atterri ici. L'une des prostituées m'avait trouvé et pris pour une fille. En une seconde, j'étais devenu l'attraction du quartier et depuis, elles étaient un peu toutes mes tatas gâteau.
— T'as toujours pas déniché l'alpha de ta vie, mon chéri ? me lança Mélinda.
De l'autre côté de la rue, elle m'envoya un baiser de la main, et je mimai de l'attraper.
— Eh non !
Même pour elles, mon genre ne faisait aucun doute. Depuis ma naissance, on me confondait avec une fille, nous savions donc tous que mon sort serait pire que la mort.
Continuant mon chemin, je longeai le parc et son repère de camés. Certains me fixèrent, se demandant combien ils pourraient me vendre s'ils connaissaient les bons acheteurs. D'autres tournèrent des regards plus que lubriques vers moi et j'accélérai le pas, mal à l'aise.
Quand la situation n'était pas encore catastrophique, nous venions souvent ici avec ma mère. Je prenais plaisir à tremper mes pieds dans l'eau froide du lac, à admirer la faune et la flore qui subsistait à la ville dans cet écrin de verdure.
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Prince pantin [MxM - α/Ω - DarkRomance]
RomanceNathan n'a jamais connu la douceur de la vie. Enrôlé de force par la mafia à quatorze ans, il vit sous l'emprise d'Adryan, un alpha impitoyable qui tient son existence entre ses mains avides de tortures. Quand il passe au service de Jared, il croit...