OuRunda

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Kampala, Ouganda, Duma


Duma court comme si ça vie en dépendait. Jamais cette expression n'a eu autant de sens pour lui. Il court pour changer de vie, court pour échapper au pire, court pour abandonner sa famille et la ville qui l'a vu naitre.

Duma est né à Kampala, il y a 19 ans, son père chauffeur de taxi arrivait tout juste à survenir aux besoins de leur famille. Depuis tout petit, Duma aime courir. Il s'était dressé sur ses jambes avant d'avoir atteint sa première année et avait effectué quelques pas hésitants dans la cour devant la maison, gonflant le chœur de sa mère de fierté. Quand il a commencé à fréquenter l'école, il s'était vite aperçu qu'il était plus rapide que tous ces camarades. Mais la vraie révélation a eu lieu quand le professeur les a autorisés à jouer avec un vieux ballon dégonflé pendant les récréations. Duma avait trouvé le contact avec cette balle en cuir défoncé tellement naturel. Il n'avait qu'une envie, que les cours se finissent pour qu'il puisse taper dans le vieux ballon et lui courir après, inlassablement.

Sa mère, soucieuse de son épanouissement avait insisté pour l'inscrire à l'équipe de foot du quartier. Il était vite devenu la nouvelle coqueluche de l'équipe et par extension la fierté du quartier. Alors qu'il était encore préadolescent, on lui prédisait déjà un avenir radieux. Avenir dans lequel même lui avait du mal à se projeter. De nombreux entraineurs avaient rendu visite à ses parents pour les convaincre de laisser le jeune Duma jouer pour leurs équipes.

Sa mère en avait longuement discuté avec son père, son plus grand souhait étant qu'il soit diplômé avant d'envisager une hypothétique et aléatoire carrière de sportif. L'instituteur qui l'avait initié au ballon rond, ayant entendu les hésitations de ses parents s'invita un soir dans leur modeste demeure. Il annonça aux parents réunis qu'il offrait à Duma des cours du soir qui lui permettrait de ne pas prendre de retard sur le cursus scolaire. Duma étant par ailleurs un élève sérieux et appliqué, l'effort à fournir ne serait pas insurmontable. Rassurés ces parents acceptèrent la proposition du Villa Sport Club, une équipe des faubourgs de Kampala. Il n'avait alors que 13 ans

Les années qui suivirent, furent certainement les plus heureuses de sa courte vie. Il se sentait tellement bien sur le terrain, comme si pour lui la vie tournait au ralenti et la course était son rythme de marche naturel. Conscient de la chance qu'il avait, il s'appliquait tant la journée sur le rectangle vert, que le soir pendant les cours de rattrapage que lui donnait son professeur.

Duma étant de nature amicale et ouvert, il s'intégra facilement dans ce nouvel univers et trouva sa place facilement dans l'équipe d'adolescent. Mais il se lia plus particulièrement d'amitié avec Moses qui avait rejoint l'équipe la même année. Moses était autant massif et petit que Duma était grand, élancé et véloce. Si Duma se démarquait par sa vitesse et son agilité, Moses lui se faisait remarquer pour sa solidité et son efficacité. Si Duma était extraverti et joyeux, Moses était plus réservé mais dégagé une confiance rassurante et une force tranquille imposante.

Moses venait de Akright City, à l'extrémité sud de la capitale Ougandaise. Pour se rendre au centre d'entrainement il devait prendre pas moins de trois bus et le trajet se comptait en heure. Quelques fois, lorsque l'entrainement se finissait trop tard et que Moses avait raté son bus, Duma l'invitait à dormir chez lui et ils faisaient ensemble les 30 minutes de marche qui les ramenait au domicile de Duma.

Rapidement sa mère, bien qu'ayant déjà trois enfants, se prit d'affection pour Moses. Elle proposa aux parents du garçon de l'accueillir tous les soirs de la semaine. Ainsi il pourra aussi profiter des leçons de Duma. Elle avait ajouté un matelas à même le sol de la chambre de Duma. Les deux amis passaient leurs soirées à échanger sur leur rêve de gloire avant de s'endormir. Si Duma rêvait d'Espagne et de Santiago Bernabeu, Moses lui ne jurait que par l'Angleterre et au public qui acclamerait chacune de ses interventions musclées.

Kelis et DidomeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant