Chapitre 3

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Face à cet homme du passé, ou plutôt Liam, mon esprit s'est détaché de la réalité, glissant doucement vers ces souvenirs que j'avais tenté d'enfouir au plus profond de moi.

Mais ils étaient toujours là, tapis dans l'ombre, prêts à surgir à chaque instant de faiblesse.

Les cris. Ce sont les cris qui reviennent en premier, toujours. Des cris déchirants, pleins de terreur et de douleur. Ils résonnent encore dans ma tête, comme un écho incessant que je n'arrive pas à faire taire.

Parfois, ils me réveillent en sursaut au milieu de la nuit, mon cœur battant la chamade, mes draps trempés de sueur.

Ce son, ce hurlement, me hante, même quand j'essaie de me concentrer sur autre chose, de penser à autre chose. Il suffit d'un moment de silence, et voilà que ces cris me rattrapent.

Les images, elles, sont floues, fragmentées, comme des morceaux d'un puzzle que je ne peux pas assembler. Des éclats de lumière, des mouvements brusques, des visages déformés par l'horreur.

Je me revois là, debout, les mains tremblantes, couvertes de quelque chose de chaud et d'épais, qui coulait doucement, qui s'infiltrait sous mes ongles, qui s'incrustait dans ma peau. La sensation me revient parfois, comme un fantôme tactile, et je me frotte frénétiquement les mains, essayant d'effacer ce qui ne partira jamais.

Et puis, il y a cette odeur. Elle était partout, envahissant mes narines, mon esprit. Une odeur métallique, âcre, qui m'a pris à la gorge, m'empêchant de respirer correctement.

Même maintenant, parfois, je la sens revenir sans prévenir. Elle m'accompagne comme une ombre invisible, me rappelant ce que j'ai fait, ou plutôt ce que j'ai vécu.

Parce que le faire... Je ne me rappelle pas de tout. Peut-être que mon esprit, en se protégeant, a effacé certains détails, les plus insoutenables. Mais l'odeur, elle, reste gravée.

Les bruits aussi, sont omniprésents dans ces souvenirs. Des bruits sourds, des coups, des chocs contre des surfaces dures. Le claquement sec, presque mécanique, qui m'a glacé le sang.

Et ce dernier souffle, un souffle qui n'en était plus vraiment un, une sorte de râle qui me hante, qui se glisse dans mes pensées quand je suis seule. C'est ce bruit-là, ce son à peine humain, qui me réveille parfois, m'arrachant à mes rêves avec une violence inouïe.

Je me rappelle aussi de la lumière, ou plutôt de son absence. Tout était sombre, indistinct. Les ombres semblaient danser autour de moi, amplifiant chaque sensation, chaque son. La pièce était plongée dans une pénombre oppressante, comme si le monde entier s'était rétréci autour de moi, m'étouffant sous son poids.

Pourtant, je me souviens d'un éclat lumineux, quelque chose qui a traversé l'obscurité, brièvement, et qui m'a aveuglée. Peut-être une lampe qui a bougé, peut-être autre chose. Je ne suis pas sûre.

Mais cette lumière m'a figée sur place, comme si elle avait révélé ce que je ne voulais pas voir.

Mon corps se tend alors que ces souvenirs me submergent. Ils sont comme des vagues qui viennent s'écraser contre moi, m'emportant dans un tourbillon où le passé et le présent se mélangent, se confondent.

Il y a aussi cette sensation de froid, ce frisson glacial qui m'a parcourue ce soir-là, qui m'a figée sur place. Même en y repensant maintenant, ce froid me prend aux tripes, comme si je retombais dans ce moment précis.

L'homme en face de moi parle encore, mais je n'entends plus ses mots. Ses lèvres bougent, mais le son est couvert par le vacarme de ma mémoire. Je me sens soudain nauséeuse, comme si l'horreur de ce moment revenait m'assaillir.

FRAGILITÉ MORTELLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant