Freyja

Chapitre 1 - Le refuge

Voilà maintenant plusieurs jours que nous avions trouvé ce "refuge". Les deux hommes qui tiennent l'auberge, des frères, m'avaient gentiment proposé de rester quelques jours gratuitement. Je n'ai nulle part où aller et rien pour les payer. Voilà trois jours que nous étions là, cloitrés dans la chambre, les repas apportés par nos hôtes. Je n'ai pas confiance, malgré tout, en eux. Je ne les connais pas, et bien qu'ils soient accueillants, je ne leur ai pas ouvert la porte depuis notre arrivée, si bien qu'ils se sont décidés à laisser le plateau-repas derrière la porte une fois par jour. Elven et moi avions passé ces trois derniers jours blottis l'un contre l'autre dans le lit, nos corps semblant trouver du réconfort et se détendre enfin. Tout ça est derrière nous désormais. Jamais plus nous ne retournerons là-bas. Je ne laisserai plus Elven mettre un pied à l'Entité. Ils ont déjà fait bien assez de mal comme cela. Je n'ai qu'une seule préoccupation : le protéger. Rien d'autre ne m'importe.

Son ventre finit par faire du bruit, me ramenant doucement à la réalité. Ils ne nous ont pas apporté le repas aujourd'hui. Ils ne sont pas obligés, et peut-être qu'ils sont vexés de mes précédentes réactions, froides, distantes et pas assez reconnaissantes pour ce qu'ils font pour nous. J'ai été bête, je n'aurais pas dû agir comme cela. Mais nous ne savons jamais. Nous venons d'échapper à l'Entité, encore une fois, et il m'est impossible de faire confiance à nouveau.

Nous avons été trahis. Deux fois. D'abord par mon père, puis par celui que je pensais être mon mari, mon confident. Jamais je n'aurais cru qu'il se retournerait contre nous. Je pensais que nous étions une famille, ensemble, tous les trois. Moi, Elven, et lui. Mon cœur se serre en pensant à lui et mes yeux s'embuent. Je chasse son image en un mouvement de tête et enlève les bras autour de son petit corps. Je n'ai pas le temps de penser à ça. Ce dernier ne bouge pas, me regarde simplement et je sors en fermant la porte derrière moi. Je l'entends, après quelques minutes, fermer la porte à clé de l'intérieur. Comme nous avons l'habitude de le faire.

Je croise les pans de mon gilet gris et abîmé. Je me sens sale malgré la douche que nous avions prise en arrivant dans la chambre de l'auberge. Il fait froid ici. Il faisait moins froid à l'Entité, me souffle ma petite voix intérieure. En plus, vous étiez bien nourris. Comment vas-tu faire maintenant, sans un sou? Je décide de l'ignorer et descends les escaliers en bois qui mènent au rez-de-chaussée. Je ne peux pas m'empêcher d'être sur mes gardes, quand bien même je pense que nous sommes en sécurité ici. Les voix sourdes s'intensifient tandis que j'arrive dans une grande salle, remplie de personnes plus ou moins alcoolisées, qui discutent bruyamment, sourires au visage. Je me perds dans ce brouhaha. Voilà longtemps que je n'avais pas vu autant de monde au même endroit, et je sens une douleur aiguë monter jusqu'à mes tempes. Punaise, j'étais restée tellement longtemps à l'Entité que j'en avais oublié ce que c'était que le bruit ! Je ne peux retenir un petit sourire. Soudain, j'entends une voix sarcastique à ma gauche m'interpeller :

- Bonjour chère Madame ! Enfin vous daignez sortir de votre antre !

Debout derrière le bar, l'un des deux frères qui tient l'auberge me regarde, d'un air amusé, en lavant un verre nonchalamment. Je décide de m'approcher de lui, un peu gênée et ne sachant trop quoi dire. J'espère qu'il acceptera aujourd'hui aussi de me donner de quoi manger gratuitement. Dès demain, je devrai partir ou trouver une solution pour payer notre dû.

- Bonjour...

- Nous pensions vous avoir fait peur, ou que vous étiez partis par la fenêtre ! Vous ne répondiez pas à la porte mais vous mangiez bien la nourriture que nous vous donnions !

Je sens le rouge monter à mes joues. C'est vrai que ce n'est pas poli. Mais nous avions besoin de temps pour nous reposer. Et nous retrouver.

- Désolée, nous... avons été quelque peu occupés et nous avions vraiment besoin de repos.