J'attrape la main que l'on me tend et souris de la façon la plus élégante et sûre de moi que possible. Je serre d'une paume moite et sens mes jambes trembler. Le jeune me sourit et me mate sans gêne, un immense sourire sur ses joues fines. Je réprime un mouvement de dégoût et essuie, à la place, ma main sur ma jupe. Aloïs ne m'avait pas menti sur Elise : c'est une maquilleuse hors pair et très gentille. Je l'ai beaucoup apprécié. Elle parlait beaucoup et respirait la joie et le dynamisme. Elle a pris soin de ma tenue et a remonté mes cheveux en une queue de cheval haute. J'arbore le look typique de la "bleue" qui rentre dans une nouvelle entreprise : jupe tailleur grise et veste costard assortie sous laquelle je porte une chemise blanche impeccablement repassée. Tout me va extrêmement bien. Elle a retouché les pièces devant moi ce matin, pour les ajuster au mieux à ma taille. Je ne m'étais moi-même pas reconnue dans le miroir et mes joues parsemées de rose m'ont semblé étrangement belles. Je me sens à l'aise dans ces vêtements. Cela fait si longtemps que je n'ai pas eu ce sentiment, j'ai eu l'impression de renaître. Le temps de quelques heures seulement. Je me sens désormais assez gênée et j'essaie de ne pas m'imaginer vue de l'extérieur.
La journée a été très fatigante, entre la peur de me tromper dans ma couverture, la rencontre avec toutes les parties prenantes, les regards insistants des hommes, ceux jaloux des femmes et la découverte de mes nouvelles missions... Mais, ce qui me dérange le plus, c'est que je ne suis pas allée au travail avec le fou ce matin, contrairement à ce qu'il m'avait dit. Elise m'a réveillé, s'est présentée et m'a dit qu'il avait eu une urgence et qu'il avait dû s'y rendre plus tôt. Elle m'avait acheté un pain chocolat pour déjeuner et m'a conduite sur un parking vide où j'ai rencontré le fameux Luis. Il a une voix douce et des manières très calmes (à l'inverse de son "collègue" le fou). Je pense que l'on s'entendra bien, avec plus de temps. J'ai besoin de me familiariser avec tout ce qu'il se passe. Ma vie a changé d'un coup, j'ai été bousculée pour passer d'une cellule sans personne à un open-space plein à craquer de travailleurs curieux qui cherchent à savoir qui je suis et d'où je viens. J'ai failli tomber plusieurs fois de panique, mais Luis m'a sauvé.
J'ai rencontré mon équipe. À midi, j'ai mangé avec Luis et eux. Ils n'ont pas cessé de me poser des questions sur mes rencontres avec des personnes connues et j'ai insulté plus d'une fois le fou pour m'avoir créé un CV trop voyant.
- Tu as vraiment rencontré Danilo Martuccelli, le fameux sociologue italien ? Me demande Franck sans cacher sa joie, le quinquagénaire de mon équipe. Comment est-il ? Aussi timide que ce que l'on dit ?
- Euh... pas si mal. Enfin, je veux dire, très... intéressant...
- La chance ! Tout le monde voudrait le rencontrer ! On a vraiment de la chance de t'avoir dans notre équipe ! Tu es hyper qualifiée ! (Un peu trop qualifiée oui, je m'entends réfléchir en esquissant un sourire gêné en espérant que cette discussion se finisse vite). Et tu lui as posé des questions j'imagine sur son ouvrage sur la modernité ?
- Euh... Oui oui bien sûr ! Je déglutis, la bouche pâteuse, et attrape une grosse bouchée de mon plat.
- Que lui as-tu demandé ? Ses yeux brillent et tout le monde attend ma réponse.
Ma gorge se noue tandis que je prends mon temps pour avaler. Je ne connais même pas cette personne ! Putain, c'est qui, merde ?
- Tu m'avais parlé de questions sur la limite de l'individu et de la société, ce qui est possible et impossible, non, Anna ? Me sauve Luis avec un sourire bienveillant. Tu te souviens ?
- Ah... Oui ! Ça remonte un peu cette rencontre ! Je ne me souviens plus de tout ce dont nous avons discuté en détail... C'était trop intéressant et dense...
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Freyja
RomanceFreyja fuit pour la deuxième fois l'Entité dans laquelle elle a grandi. Suivi par Elven, son fils, elle rêve de lui offrir une vie normale, loin de la violence et de la peur. Mais son expédition à l'extérieur de l'Entité ne va pas durer longtemps, c...