Chapitre deux

5 0 0
                                    

Le réveil de Rosetta sonna à 6h00. Elle n'avait pas cours avant 9h00 mais elle avait un petit job à remplir ce matin-là. Elle s'habilla en choisissant avec soin ses vêtements, qui étaient pour la plupart sa « tenue professionnelle » : des t-shirts décolletés, des slims au plus près du corps, pas de couleur flash comme on peut penser les trouver chez certaines filles mais des couleurs qui la mettaient en valeur. Rosetta savait s'habiller, mais savait plaire avant tout.

Elle grignota rapidement une barre vitaminée dans la cuisine puis se mit en route. Elle prit soin de refermer la porte tout doucement pour ne pas réveiller sa mère. Elle qui pensait toujours que sa fille prenait de l'avance sur le trajet de l'école. Elle avait toujours le cœur serré en pensant que sa mère se trompait sur son compte, mais la vie n'était pas toujours celle que l'on croyait être. Tout le monde avait ses petits secrets.

Une fois la porte principale de l'immeuble refermée derrière elle, Rosetta enfonça ses écouteurs dans les oreilles pour se réveiller un peu. Elle emprunta le chemin du métro le plus proche. A cette heure matinale, personne n'était dans les rues, à part quelques attardés de la fête nocturne, ou des travailleurs de bon matin. Des hommes et des femmes courageux de travailler tôt pour subvenir aux besoins de leur famille. Elle s'engouffra dans la bouche de métro et attendit au bord de la rame, insouciante. Ce petit manège quotidien durait maintenant depuis un an, elle faisait les choses machinalement. Elle ne pensait qu'à une chose : l’argent. Et tant qu'elle ne laissait aucune trace derrière elle, qu'elle était sûre qu'on ne la prenait pas en photo, ses activités douteuses ne porteraient jamais préjudice plus tard sur sa vie professionnelle qu’elle espérait plus correcte. 

Le métro se présenta à elle, ultime escorte vers sa mission bien matinale. Elle avait rendez-vous dans l'un des quartiers chics de la capitale pour rendre service à un homme politique. Son employeur avait précisé au téléphone que c'était l'un de ses amis, qu'il avait une conférence de presse aujourd'hui et qu'il était stressé. Alors il lui avait proposé l'une de ses filles pour le détendre un peu, lui redonner un petit coup de pompe, comme il aimait si bien le dire.

Quand elle arriva devant la grande bâtisse où se tiendrait la conférence de presse, Rosetta ne put réprimander un sourire moqueur. Décidément, les gens qui ont tout pour eux se réduisent à devoir appeler ceux qui n'ont rien. Et quand elle se mit en marche vers la porte massive, elle se dit que c'était partout pareil : combien de grandes personnalités étaient salies par la drogue, l'alcool, le sexe, toutes ces choses sombres qui tiraient tout le monde vers le bas, sauf ceux qui y étaient déjà, en bas, et qui savaient qu'eux, on ne les embêterait pas. Puisque c'était leur environnement, leur vie, et qu'on s'en foutait royalement.

Elle sonna à la porte et attendit qu'on vienne lui ouvrir. Elle mastiquait son chewing-gum à la menthe en prenant un air décalé, ce qui la faisait un peu vieillir pour ne pas qu'on la traite de gamine. Puis ça donnait un bon parfum dans la bouche aussi.

- Mademoiselle ? En quoi puis-je vous aider ?

- J'ai rendez-vous avec Monsieur Dupré, s'il vous plaît.

- Un instant, je vous prie.

L'homme qu'elle prit tout de suite pour un larbin referma la porte, la faisant patienter à nouveau quelques minutes. Elle soupira.

- Je me les pèle, moi. Qu'il se dépêche un peu, le gros lard.

- Monsieur va vous recevoir. Entrez, je vous en prie.

- Merci ! dit-elle en appuyant sur sa prononciation.

Elle entra nonchalamment, sous le regard désapprobateur de celui qui lui avait ouverte la porte. Elle le suivit ensuite dans toutes les pièces qui se succédèrent avant d'arriver à son client. Celui-ci se tenait derrière un pupitre noir, dans une salle entièrement recouverte de boiseries. Des femmes de ménage en tenue largement plus sophistiquée que celle de sa mère s'affairaient à faire briller la moquette rouge et lustrer les fleurs fraîchement cueillies dans les vases. Qui plus tard, seraient jetées après quelques heures d'existence. Tellement de chichi pour un bonhomme, et tout ça pour quelques minutes de discours. Pathétique.

L'amour est ta plus grande richesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant