L'enfance(chapitre 4)

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Une fois arrivé au stade,je vis que celui-ci était déjà occupé par Enzo et plusieurs de ses amis,en train de jouer.Je m'approchai donc d'eux,déterminé à l'idée de leur montrer ce que je pouvais faire :
-Ah,tu es revenu ! me cria Enzo.Ça va,tu as donc fini de pleurer ?
Je me retins de répliquer à sa remarque provocante.À la place,je lui lançai :
-Êtes-vous prêt à m'accepter avec vous ?
-Toi ? me demanda-t-il sur un ton sarcastique.Mais tu ne sais même pas jouer !
Intérieurement,cela me faisait bien rire.Je n'étais certes pas un génie du football à ce moment-là,mais du moins, maintenant que j'avais appris,je savais déjà bien manier la balle.Et ce,grâce à la générosité de Jamel.Ainsi,face à Enzo,je ne me démontai pas :
-Oui,moi.Pourquoi,tu as peur que je te fasse la misère ?
En réalité,Enzo était bien plus fort que moi.Mais pour pouvoir jouer avec lui et ses amis,cela était la seule solution.Étant un garçon fier et surtout arrogant,Enzo refusait de se laisser faire face à ce genre de provocation.
-D'accord,viens sur le terrain.Et montre-nous de quoi tu es capable.
J'esquissai un sourire,déposai mon sac,puis rejoignis la pelouse.Enzo m'interpella :
-Donc,Pedro,tu es avec cette équipe.Voici Hector,Victor,Pablo, Inigo et Rafael.Tu as retenu ?
Cela me fit bien rire.Comment aurais-je pu tous les retenir en si peu de temps ? Cependant,je me contentai d'acquiescer, impatient de jouer.
-Bon,nous remettons les compteurs à zéro,comme Pedro vient d'arriver.Nous,nos cages sont là.Les votres,là-bas,ok ?
-Oui,acquiesçai-je encore tout en hochant la tête.
Puis,Rafael,le garçon au pull rayé,s'adressa à moi juste avant le coup d'envoi :
-Tu es bon au foot ?
Hésitant,et ne m'attendant pas à une telle question,je répondis simplement :
-Ça va,je me débrouille.
Puis je tournai la tête vers le camp adverse, concentré.Ce n'était pourtant qu'un petit match entre enfants du quartier,mais malgré cela,nous étions tous très impliqués.Finalement,le coup d'envoi fut donné.Nous n'avions pas vraiment de postes définis,comme dans les matchs au plus haut niveau.Nous étions donc pour ainsi dire assez dispersés sur le terrain,et le défenseur pouvait se retrouver en attaque,tout comme le gardien,car Enzo avait instauré la règle du "goal volant",ce qui était tout de même quelque chose de risqué.De mon côté,je me positionnai pour ce match en tant qu'ailier,sur le côté gauche,attendant que le ballon arrive dans mes pieds pour mettre en oeuvre ce que Jamel m'avait appris durant ces semaines d'entraînement.Mais l'ennui commença rapidement à arriver.En effet,les actions se déroulaient,les joueurs de mon équipe couraient et tentaient,mais pas une fois,je n'avais reçu le ballon.Pas faute d'avoir essayé,je le réclamai,criant : "Je suis là !".En vain.
Mais alors que je songeais à laisser tomber,me disant que je n'allais pas toucher un ballon,je repensais à ces dernières semaines.À Jamel.À mes parents.Cela me donna un regain d'énergie.Je me mis également à regarder le maillot que je portai,et cela me mit comme une sorte de claque."Pedro,il faut que tu t'investisses.Cours, fais des appels, récupère la balle dans les duels.N'abandonne pas.Tes proches se sont démenés et se démènent pour toi,alors donne tout"pensais-je.
Ainsi,je reprenais espoir.Et de suite après cette remise en question,je courus afin de presser le joueur adverse en difficulté,avec l'aide de Rafael.Finalement,je récupérai le ballon en premier dans ses pieds.Enfin,j'allais pouvoir jouer.Je me mis ainsi à avancer le long de la ligne de touche,la balle au pied,lorsqu'en levant la tête,je vis Victor,qui me faisait un appel à gauche,dans la surface.
-Là,là ! me cria-t-il.
Mais en analysant la situation,je me rendis compte qu'un défenseur était non loin de lui,et que lui donner le ballon entraînerait sûrement une perte de balle.Ainsi,je m'approchai de la surface, toujours libre,et décidai de tromper le défenseur et gardien adverses.En effet,en pénétrant dans la surface,je fis feinte de faire la passe à Victor,en jetant le regard vers lui,mais finalement,je plaçai un impeccable plat du pied dans le petit filet,ce qui surprit totalement le gardien.
Je venais de marquer.Je venais de marquer mon premier but en match.Non officiel bien sûr,mais pour moi,cela représentait déjà une grande fierté.De suite,Victor et Rafael se précipitèrent vers moi.
-Bien joué ! me félicita Victor.On continue !
De l'autre côté du terrain,Enzo,lui, semblait dégouté,et laissait éclater sa rage en jetant violemment sa gourde par terre.
-Allez,on mène 2-1 les gars,commenta Hector.Il reste seulement une dizaine de minutes,on tient.
Motivé et mon énergie décuplée avec ce but, j'acquiescai en signe d'approbation.Le match reprit.Et une deuxième situation s'offrit à moi.En effet,Hector était parvenu à se défaire de deux joueurs adverses,dont Enzo,puis à entrer dans la surface.Un défenseur se précipitant vers lui,je fis un appel au second poteau, absolument libre.Personne ne se trouvait autour de moi.L'occasion semblait pour ainsi dire parfaite.Si la passe était bien donnée,il ne me suffisait plus qu'à pousser le ballon au fond à quelques mètres à peine du but.Je me voyais ainsi déjà célébrer mon deuxième but,être félicité,et donner la victoire à mon équipe.Mais l'inverse se produit.Pourtant,Hector me fit une bonne passe.Mais lorsque la balle arriva dans mes pieds,j'envoyai un tir mou et sur le gardien,qu'il arriva à capter facilement.
-Non,cria Hector,tout en se prenant la tête entre les mains.
Inigo s'approcha de moi.
-Dommage,ce n'est pas grave.
Puis il s'exclama :
-Allez les gars,revenez en défense !
En effet,l'équipe adverse contre attaquait rapidement,avec la volonté d'égaliser.Et malheureusement pour moi,c'est ce qui se produit.Parfaitement servi au point de penalty,Enzo envoya une puissante frappe presque en lucarne,qui trompa complètement Pablo,notre gardien.
-GOAAAAAAAAAALLLLLLLL ! cria Enzo,tout en célébrant à la manière de Messi.
Tous ses coéquipiers le rejoignèrent pour fêter l'égalisation.De mon côté,je me sentais coupable.Mon équipe allait faire match nul à cause de moi.
-Le match n'est pas fini,on peut encore marquer,me glissa Inigo,tout en me tendant la main.Allez,relève toi et joue.
Sa maturité me marqua.Alors que j'étais assis frustré par mon raté,Inigo,lui,était debout,encore motivé,et il ne m'en voulait même pas.Il me redonna de la motivation.Nous devions aller chercher cette victoire.Je le voulais d'abord pour moi,pour être fier de mes progrès,mais aussi et surtout pour faire taire Enzo,qui s'était moqué de moi et de Fernando la dernière fois.
Ainsi,Hector replaça la balle dans le rond central,puis le match reprit pour les trois dernières minutes.Celles-ci furent intenses.La balle fusait de part et d'autre,et les gardiens,qui au début sortaient énormément de leurs cages, campaient désormais dedans,avec la peur de se prendre un but.Cela était simple : celui qui marquait,remportait le match.Et bien sûr,nous voulions tous cela.
Et,alors qu'Hector avait la balle dans le rond central,il me fit,à ma plus grande surprise,une passe latérale,qui arriva jusqu'à moi.À peine le ballon contrôlé,un garçon costaud de l'équipe adverse fonça en ma direction.Il fallait que je le passe.Revenir en arrière n'était pas une option à mes yeux,alors, remarquant ses jambes trop ouvertes,je lui glissai un petit pont,puis récupérai la balle derrière lui.J'entendis tous mes compagnons autour crier "Ohhhhhhhhhhh !".
Mais je restai concentré dans mon action.Ainsi,une fois ce premier défenseur passé,j'en dribblai un deuxième,cette fois d'un simple crochet,puis pénétrai dans la surface,où Enzo me faisait face.Hésitant sur la manière de le passer,j'optai pour un grand pont,comme me l'avait appris Jamel,puis me précipitai afin de récupérer le ballon plus vite que lui.Mais là,alors qu'un face à face avec le gardien se profilait,je fus stoppé dans ma course par Enzo,qui m'attrapa violemment le maillot.Cela me fit tomber,m'empêchant ainsi de finir mon action.De suite,Inigo, Hector,Victor,Pablo,Rafael,tous se précipitèrent en criant :
-Penalty ! Penalty !
Enzo était furieux, tout comme les membres de son équipe.Son manque d'objectivité était à remarquer.
-Mais je ne l'ai même pas touché,se défendit-il pauvrement.
-Arrête,nous avons tous vu l'action,Enzo,objecta Hector.Sois de bonne foi,il y a penalty.
Énervé,Enzo frappa brutalement dans la balle,s'exclamant en même temps :
-Allez-y,tirez le votre penalty !
Puis il rejoignit les tribunes,et s'assit tout en nous regardant.Mes coéquipiers se mirent à rire.
-Il est d'une mauvaise foi,dit Hector.
Enfin le penalty arriva.
-Qui veut le tirer ? demanda Hector.
Inigo se proposa alors.De mon côté,je restai silencieux,ne voulant interférer dans leur discussion.
Puis, après quelques minutes d'échange,Hector m'interpella :
-Tiens Pedro !
Puis il me lança la balle.
Surpris,je demandai :
-Sérieusement ?
-J'ai l'air de te faire une plaisanterie ? Allez, transforme le penalty que tu nous as ramené.
Un sourire se dessina sur mes lèvres.Je sentis que j'allais bien m'entendre avec ce Hector.C'était en effet un garçon au premier abord très généreux et sympathique,tout aussi mature que Inigo.
-Merci,glissai à Hector avant de poser la balle.
Puis,je soufflai un bon coup,me concentrant profondément.C'était un véritable duel psychologique avec le gardien.Celui-ci,était relativement grand pour son âge,et me fixait dans les yeux,comme pour me déconcentrer.
-Tu vas le rater ! me dit-il.
Mais ma bulle était imperméable,et je restai dedans.Je pensai : "Allez Pedro,comme Jamel te l'a appris.Des petits pas d'élan,un saut avant la frappe,une frappe sur le côté,et le gardien est battu."
Hector m'annonça alors qu'il était le moment de frapper.Je reculai,tout en fixant aussi le gardien,puis mis la technique de Jamel à exécution,envoyant une frappe à ras de terre du côté gauche du but.Le gardien était battu.
BUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUTTTT !
De suite,mes coéquipiers se précipitèrent vers moi.Nous nous mîmes à crier avec énergie tout en dansant :
-On a gagné,on a gagné !
Hector me félicita une nouvelle fois :
-Bravo Pedro !
-Oui, félicitations ! renchérit Inigo.
Cela me faisait des mois que je ne m'étais pas senti aussi vivant.Sur le coup,j'étais très heureux.Puis, après avoir fêté la victoire autour d'un goûter,nous nous quittâmes.Pablo,le propriétaire du ballon,nous dit juste avant de partir :
-Prochain match après-demain les gars,seize heures,ici.Ok ?
-Ça marche,répondîmes en coeur.
Puis je rentrai chez moi,ne manquant pas de chambrer Enzo avec notre victoire qui décampa rapidement, très énervé.
-On verra lors du prochain match.Je vais tout détruire,me lâcha t-il.
De mon côté,je passai chez Jamel pour le remercier une nouvelle fois.J'en étais bien obligé, après tout ce qu'il avait fait pour moi.Et justement,lorsque je sonnai à sa porte,c'est lui qui m'accueillit.
-Ah,Pedro,te voilà.Tu veux me parler ?
-Oui, simplement pour te remercier.
-Viens,entre,entre.
Il referma la porte derrière moi.Je poursuivis :
-Je suis venu pour te remercier car grâce à toi,j'ai marqué un doublé pour mon premier match.
-Sérieusement ?
-Oui.
-Bravo Pedro ! Tu te rends compte ?
-Oui,je suis très fier.Mais,c'est surtout grâce à toi.Tu m'as appris tellement de choses en à peine quelques semaines : les règles, plusieurs gestes techniques...
-C'est gentil,Pedro.Mais tu as aussi été un très bon élève.
-Merci,répondis-je simplement.D'ailleurs,je compte continuer à m'entraîner.Mon prochain objectif,c'est d'apprendre à bien jongler.Je n'arrive pas à en faire plus de 3,et ça me frustre.
-Ne t'en fais,prend ton temps et tu y arriveras.Et si tu as besoin,tu n'oublies pas,on se fait une petite séance tous les deux.
-Merci Jamel.Je ne t'oublierai pas.
-C'est gentil.
Puis je le remerciai une dernière fois,et quittai sa maison, retournant ainsi à la mienne.Et en m'allongeant sur le canapé,j'eus comme une envie soudaine de me lever,de prendre un ballon,et de continuer à jouer.Lorsque je me souvins que le lendemain m'attendait une nouvelle longue journée d'école,cela m'énerva.Je sentis ma motivation redescendre en flèche,comme si,tout cela n'avait plus le moindre sens pour moi.En cours,je n'étais pas concentré,et surtout,je m'ennuyais énormément.Seul le football,me rendait véritablement heureux,à ce moment-là."Dommage que ce ne soit qu'un passe temps"songeai-je."C'est pourtant bien la seule passion qu'il y a dans ma vie".
J'étais alors loin de me rendre compte de ce qui m'attendait par la suite.

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