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Je suis en retard. Vraiment très en retard. Et j'ai l'impression qu'aujourd'hui le sort s'acharne sur moi. Tout va de travers et mon intuition me dit que c'est loin d'être terminé.
Il n'est que neuf heures du matin... La journée s'annonce longue.
Je me suis réveillé avec vingt-cinq minutes de retard. Me suis piqué les doigts avec l'épingle de ma cravate. J'ai raté mon bus et me voilà maintenant coincé dans les bouchons.
Le chauffeur de VTC fait allègrement tourner le compteur. Je suis tombé sur le pire de la ville. Lui et son taxi sentent le rance et le tabac froid. Je sens déjà les odeurs imprégner mes vêtements...
C'est une blague, une caméra cachée, un cauchemar je vais me réveiller...
Je savais en me levant ce matin que j'aurais dû rester au lit. Bien évidemment c'était hors de question que je rate mon premier jour de stage. J'ai travaillé si dur pour le décrocher...
Peut-être est-ce un retour de karma ? La chance m'a sourit pour mieux me reprendre ce qu'elle m'a offert... Madame Kim va sûrement me virer, je vais arriver avec quinze minutes de retard et dans ce milieu ça ne pardonne pas. C'est inadmissible.
Je l'entend déjà me hurler dessus, me dire que je suis un incapable et qu'elle aurait mieux fait de ne pas se fier à mon dossier mais plutôt à son intuition.
Ça va être ma fête je le sens.

— Vous vous sentez bien monsieur ?
Si je me sens bien ? J'ai envie de vomir tant l'odeur qui émane de cette carcasse roulante est nauséabonde. Bien sûr je ne vomirais rien de plus que mon café car c'est tout ce que j'ai eu le temps d'avaler ce matin. Alors évidemment que je ne me sens pas bi-
— Je vais bien merci.
De là d'où je viens on s'écrase et on la ferme. C'est le milieu qui veut ça. La loi du plus fort s'applique davantage ici qu'ailleurs.
— Vous êtes sûr ? Vous avez l'air pâle...
J'aurais été moins pâle sans la nausée conna-
— Je suis pâle de naissance.
Il me lance un regard à travers le rétroviseur, peut-être pour m'assurer que je ne referai pas la déco des sièges avec le contenu de mon estomac.
J'ose un bref sourire, assez mal à l'aise et il détourne les yeux.

Me voilà enfin arrivé. J'ai payé ma course sans laisser de pourboire, cela va sans dire au vu de la qualité du service...
Ce n'est pas la première fois que je viens ici, mais les immenses baies vitrées qui recouvrent la façade du bâtiment me font toujours un drôle d'effet. C'est mon premier jour à l'agence...
Je suis surexcité et en même temps le stress m'étouffe. J'ai l'impression que mon cœur va exploser tant il bat à la chamade.
Je me précipite dans l'entrée, cherche mon badge de stagiaire dans mon sac afin de le biper à l'entrée pour pouvoir passer les portiques de sécurité.
Je me sens minuscule dans ce gigantesque hall. Tout y est grand, immaculé. Des dizaines de personnes vont et viennent à toute vitesse, le temps c'est de l'argent après tout. C'est si immense que le moindre murmure, le moindre claquement de chaussure résonne contre les paroies vitrées.
J'arrive devant l'accueil, le pas pressé, tout transpirant et déconfit. Je ne sais pas encore à quelle sauce je vais me faire manger. Je me vois déjà devoir trouver un autre stage au plus vite. Il faut que je valide ce fichu stage pour valider mon semestre. Sans ça, je suis bon pour redoubler.

— Vous êtes ? demande la dame de l'accueil avec un air dédaigneux.
— Kim Taehyung, madame je suis là pour le-
— Ah ! Monsieur Kim ! Vous voilà enfin ! Je commençais à croire que vous vous étiez perdu !
Je suis foutu.
La voix de la directrice Kim retentit dans le couloir, ses talons tapent bruyamment contre le carrelage à mesure qu'elle se rapproche de moi.
Je ferme les yeux, prêt à recevoir mon châtiment sans pour autant avoir envie de le regarder en face.
— Eh bien ! Ne restez pas planté là ! On a du pain du pain sûr la planche !
Je rouvre les yeux, étonné de ne pas avoir été réprimandé.
Elle me tend son sac à main, sans m'accorder un regard et me fait signe de la suivre. Nous passons les portiques de sécurité sans avoir besoin de montrer nos badges et s'ensuit une course effrénée jusqu'à l'ascenseur. Elle marche vite avec ses échasses de dix centimètres.
À peine devant les portes en acier que celles-ci s'ouvrent déjà, c'est comme si Marraine La Bonne Fée attendait Madame Kim dans un coin pour ouvrir toutes les portes sur son passage.
Cette femme m' intimide autant qu'elle m'impressionne.
Les portent se referment derrière nous et il y a un temps de latence tandis qu'aucun de nous deux n'appuie sur les boutons de l'appareil.
— Qu'est ce que vous attendez ? Neuvième étage, hop hop hop !
Je m'excuse à la hâte, enclenche le neuvième bouton et... J'attends. On attend.
Je recule, me place dans son dos, son sac toujours précisément collé contre moi. Ce truc vaut plus que ma vie, très certainement.
Je m'autorise à l'observer un peu plus prêt. Cette femme est une icône, un emblème respecter partout au sein de l'industrie. C'est bizarre de se tenir là, près d'elle. J'ai du mal à me dire que je vais travailler pour La Kim Sae-rin.
Mannequin dans sa jeunesse, elle est rapidement devenue la préférée des meilleurs créateurs de mode du pays. Tout le monde se l'arrachait.
Elle a malheureusement dû mettre fin à sa carrière de mannequin après un scandale. Une histoire assez sombre...
Cependant, elle n'a pas pour autant raccroché. Elle a ouvert sa propre agence et il faut dire que c'est très vite devenue la numéro un. SR Models jouent dans la cour des grands, sur la scène internationale.
Et moi... Je me trouve en présence de la fondatrice de la boîte...
La journée n'est pas si mauvaise en fin de compte.
Elle n'a rien perdu de sa beauté. Ses traits sont certes plus durs, mais l'âge lui donne un certain charme. Son visage est moins anguleux qu'il l'était, ses lèvres sont moins charnues, ses yeux moins brillants, mais pour une cinquantenaire elle n'a rien à envier à personne.
— Rappelez-moi vôtre nom.
Je suis un peu décontenancé, perdu dans mes pensées je ne m'attendais pas à ce qu'elle m'adresse la parole.
— Kim Taehyung, Madame...
Elle acquiesce sans rien ajouter, sans même me lancer un regard et soudain les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur le neuvième étage de l'immeuble.

BEAUTIFUL HIM [Taekook] 🔞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant