Les sirènes des eaux troubles

Le Gardien des Abysses

Jacques se redressa lentement, le poids de son nouveau fardeau pesant lourdement sur ses épaules. Autour de lui, l'atmosphère était plus calme, mais cette tranquillité n'était qu'une façade. Les abysses murmuraient encore, les voix anciennes se faufilaient dans son esprit, prêtes à reprendre leur chant hypnotique à tout moment. Il sentait leur présence, leur vigilance, comme si les créatures de l’océan attendaient son prochain pas.

La fille aux cheveux noirs se tenait toujours près de lui, son regard perçant semblant lire dans ses pensées. Elle ne dit rien, se contentant de l'observer. Jacques savait qu'il devait agir, qu'il était à un carrefour décisif. Devant lui, la grande salle du temple s'étendait, mystérieuse et intimidante. Les inscriptions le guidaient vers une direction bien précise : les profondeurs encore inexplorées du temple.

Ses pas résonnèrent doucement contre le sol de pierre froide. Chaque pas semblait le rapprocher d'une vérité qu'il craignait autant qu'il la désirait. Il sentait l’énergie de la perle noire, chaude et vibrante contre sa peau, comme une boussole qui le guidait dans l’obscurité.

Soudain, il se retrouva devant une grande porte en pierre, ornée de motifs gravés dans la roche. Ils représentaient des créatures indescriptibles, des entités venues d’un autre temps, d’un autre monde. Les motifs se mouvaient presque imperceptiblement sous la surface, comme animés d'une vie propre. Jacques posa une main tremblante contre la porte, et une vague d'énergie l'enveloppa. Il comprit alors que ce qui se trouvait derrière cette porte n'était pas simplement une vérité, mais une épreuve.

La porte s'ouvrit en silence, révélant une pièce plongée dans une lumière étrange, irisée comme l'intérieur d'une coquille d'huître. Au centre de la pièce, une statue colossale s’élevait, représentant une figure mi-humaine, mi-aquatique. Ses yeux, faits de pierres brillantes, semblaient fixer Jacques avec une intensité surnaturelle.

Il s’approcha, conscient que c’était là l’étape finale de son initiation. La statue tenait une immense coupe dans ses mains, remplie d’un liquide sombre et mouvant. Jacques savait ce qu’il devait faire. Sans hésitation, il prit la coupe et porta le liquide à ses lèvres.

Le goût était amer, métallique, mais une chaleur immense l’envahit aussitôt. La sensation était à la fois terrifiante et exaltante. Ses veines semblaient brûler de l’intérieur, et des visions défilèrent devant ses yeux : d’immenses créatures s’éveillant dans les profondeurs, des tempêtes ravageant les côtes, des hommes et des femmes perdus dans les eaux, appelant en vain à l'aide.

Jacques tomba à genoux, son esprit submergé par ces images, incapable de distinguer le réel du rêve. Pourtant, au milieu de ce chaos, une voix familière perça le brouillard.

« Jacques, » murmura la fille. « Tu vois maintenant. Tu comprends ce que nous sommes. »

Il ouvrit les yeux et la vit devant lui, son visage serein, ses yeux emplis de ce mystère insondable qu’il avait tant cherché. Elle lui tendit la main, et cette fois, Jacques la prit sans hésitation. Ensemble, ils se redressèrent, et il sentit enfin la véritable nature de sa transformation.

Il n’était plus un simple homme. Le monde de la surface n’avait plus de prise sur lui. Il était devenu un serviteur des anciens dieux de la mer, un gardien des abysses. Et désormais, avec la perle noire comme guide, il irait là où aucun mortel n'avait jamais osé poser les pieds.