Londres, le 10 septembre 1887.
Dans une élégante demeure située en périphérie de Londres, Rosalind Sutcliff observait la pluie marteler doucement les vitres de sa chambre. La lumière des chandeliers, vacillante dans la pièce richement décorée, jetait des ombres mouvantes qui dansaient sur les murs. Pourtant, l'atmosphère feutrée n'apaisait en rien l'anxiété qui la rongeait depuis des semaines.
Assise près de son bureau, elle jouait distraitement avec une lettre qu'elle avait reçue récemment, la relisant sans cesse. L'invitation au bal de la reine Victoria, prévue dans quelques jours, brillait par son prestige, mais pour Rosalind, elle symbolisait davantage un piège potentiel qu'un honneur. Depuis quelque temps, les événements étranges s'étaient multipliés autour d'elle. Des tentatives d'assassinat. Des accidents qui n'en étaient pas vraiment. L'impression tenace qu'elle était constamment suivie. Et maintenant, cette invitation royale, une lumière éblouissante dans une tempête de doutes.
Se levant de sa chaise, elle marcha jusqu'à la fenêtre, le cœur serré. Les gouttes de pluie, comme des larmes, roulaient le long des carreaux, reflétant les lumières tamisées de la ville de Londres en contrebas.
« Qui sont-ils ? » murmura-t-elle, fixant les rues sombres où elle avait souvent perçu des ombres rôder.
Depuis des semaines, elle tentait de comprendre pourquoi quelqu'un voulait la voir morte. Elle n'était qu'une héritière d'une vieille famille aristocratique, sans histoire particulière, sans alliances politiques puissantes. Sa vie avait toujours été discrète, effacée même. Alors pourquoi maintenant ?
Le silence de la nuit fut brisé par un coup discret à la porte. Rosalind sursauta légèrement, puis se retourna.
« Entrez, » dit-elle d'une voix calme mais légèrement tendue.
La porte s'ouvrit doucement, et son majordome, un jeune homme au visage sérieux et aux traits fins, entra dans la pièce. Elias n'avait que quelques années de plus qu'elle, mais son dévouement et son sens du devoir le rendaient plus mature. Il portait l'uniforme impeccable de la maison Sutcliff, bien qu'il n'en soit un membre que depuis quelques mois.
« Mademoiselle Rosalind, » dit-il d'une voix respectueuse mais empreinte de gravité, « nous avons reçu des visiteurs inattendus. Deux hommes prétendant être des agents de la Couronne. Ils disent avoir des informations urgentes à vous transmettre. »
Rosalind fronça les sourcils, son anxiété croissant instantanément. « Des agents de la Couronne ? À une heure pareille ? »
Elias hocha la tête. « Oui, mademoiselle. Cependant... » Il marqua une pause, son regard se faisant plus perçant. « Ils ne m'inspirent pas confiance. Ils n'ont présenté aucun document officiel, et l'un des hommes semblait particulièrement nerveux. »
Rosalind se tourna vers le miroir, tentant de dissimuler l'angoisse qui montait en elle. Des inconnus à cette heure de la nuit, prétendant être envoyés par la Couronne ? Cela ne lui disait rien de bon. Les menaces qui pesaient sur elle devenaient de plus en plus pressantes, et elle devait maintenant faire face à ces visiteurs mystérieux.
« Où sont-ils maintenant ? » demanda-t-elle, tentant de garder une voix neutre malgré l'alarme qui résonnait dans son esprit.
« Je les ai fait attendre dans le salon, comme vous l'auriez souhaité. Mais je ne les laisserai pas sans surveillance, » répondit Elias, ses yeux brillants d'une détermination silencieuse. Rosalind savait qu'il veillait constamment sur elle, malgré son jeune âge et son expérience limitée dans ce domaine. Son instinct protecteur, bien qu'imparfait, avait déjà été utile lors d'incidents précédents.
Rosalind resta un instant silencieuse, contemplant ses options. Elle devait se montrer prudente, mais refuser de les voir pourrait aussi éveiller leurs soupçons, si ces hommes étaient réellement envoyés par la Couronne. Pourtant, tout en elle criait que quelque chose n'allait pas.
« Très bien, Elias, » dit-elle finalement, en croisant les bras pour se donner un peu plus d'assurance. « Je vais les rencontrer. Mais reste à proximité. Si les choses tournent mal... »
« Je serai là, mademoiselle, » répondit-il avec une assurance surprenante, bien que Rosalind décèle une légère nervosité dans ses yeux.
Après un dernier coup d'œil à son reflet, elle ajusta sa robe et son châle, puis sortit de la chambre, Elias sur ses talons. À chaque pas vers le salon, elle sentait une tension grandissante, comme si elle avançait vers une confrontation inévitable.
Arrivant dans le grand salon, Rosalind trouva deux hommes en costume sombre, debout près de la cheminée. L'un d'eux, plus grand, affichait un air confiant et froid, tandis que le plus petit paraissait plus nerveux, évitant soigneusement de croiser son regard. Ils se tournèrent vers elle à son entrée, leurs expressions difficiles à déchiffrer.
« Messieurs, » dit Rosalind d'une voix calme mais glaciale. « On m'a informée que vous aviez des informations à me transmettre. Je vous écoute. »
Le plus grand des deux s'avança légèrement, un sourire pincé sur les lèvres. « Mademoiselle Sutcliff, nous sommes ici pour... discuter de votre sécurité. Il semble que vous ayez récemment été la cible de plusieurs tentatives d'assassinat. Nous sommes envoyés pour vous protéger. »
Rosalind plissa les yeux, son instinct la poussant à la méfiance. « Et de quel service venez-vous exactement ? »
Le plus petit, encore plus nerveux maintenant qu'elle lui parlait directement, hésita avant de répondre. « Nous... faisons partie d'une branche spéciale. Des agents discrets de la Couronne. »
Leurs réponses étaient vagues, dénuées de détails. Et il n'y avait aucune mention de cette branche spéciale dans l'invitation qu'elle avait reçue. Rosalind sentit une bouffée de panique, mais elle la réprima immédiatement.
« Je vous remercie pour votre prévenance, » dit-elle en affichant un sourire froid, tout en se préparant mentalement à une éventualité dangereuse. « Cependant, je suis déjà sous la protection de la Couronne. Il n'est donc pas nécessaire d'ajouter une protection supplémentaire. »
Le plus grand homme échangea un regard rapide avec son complice, et un rictus apparut sur ses lèvres. « Vous croyez vraiment que cela vous suffira ? La Couronne n'a pas encore les yeux partout... et les menaces qui pèsent sur vous sont plus... complexes qu'un simple bal royal. »
Le frisson qui parcourut l'échine de Rosalind confirma ses craintes. Ces hommes n'étaient pas ici pour la protéger. Ils étaient là pour autre chose... et probablement pour la faire taire définitivement.
« Je vous conseille de quitter cette maison immédiatement, » répondit Rosalind, d'un ton plus ferme. « Avant que je n'appelle les autorités. »
Le plus grand homme fronça les sourcils. Il s'apprêta à répondre, mais à cet instant, Elias, debout non loin de l'entrée, fit un pas en avant, le regard fixé sur eux. La tension monta instantanément.
Les deux intrus échangèrent un regard, puis reculèrent lentement vers la porte. « Nous nous reverrons, mademoiselle Sutcliff, » déclara le plus grand avant de sortir, un sourire sinistre aux lèvres.
Une fois qu'ils furent partis, Rosalind se tourna vers Elias, sa façade stoïque s'effondrant un peu. « Merci, Elias. Je crois que... nous venons d'éviter quelque chose de terrible. »
Le jeune majordome hocha la tête, ses poings toujours serrés. « Nous devons rester sur nos gardes, mademoiselle. Ils reviendront. »
Rosalind savait qu'il avait raison. Le bal approchait, et avec lui, une tempête de dangers qu'elle n'avait pas encore pleinement anticipée. Mais une chose était certaine : elle devait découvrir pourquoi sa vie était menacée avant qu'il ne soit trop tard.
VOUS LISEZ
Une autre Sutcliff ? (OC x Ciel Phantomhive)
FanfictionPourquoi ? Pourquoi des gens essaye de me tué ? Je n'ai plus de famille, notre ancêtre Grell s'est suicidé il y a des années, et maintenant...Sa fais des mois qu'on essaie de me tuer. Désormais ma vie est dans les mains de ce jeune Comte. Ciel Phan...