- Comme vous pouvez le constater, je suis venu ici chercher Mademoiselle Lucinda Vitale et je ne partirai pas sans elle, avec votre permission, bien sûr, ma Mère, dis-je à la Mère supérieure du couvent.
Elle me couvre d'un regard condescendant, prête à me réprimander comme si j'étais un enfant de chœur. Cependant, elle semble avoir oublié qui je suis et d'où je viens.
- J'entends bien votre requête, Monsieur Cesareo, me dit-elle en soulevant un sourcil grisonnant. Le souci est que Mademoiselle Vitale est sous la protection de ce lieu saint. De plus, comment pouvez-vous venir ici et me demander, ou plutôt exiger, de vous remettre une femme ? Nous sommes dans un couvent ici, Monsieur Cesareo. Dans mon monastère, les femmes ont fait vœu de piété et certaines même vœu de silence. Mademoiselle Lucinda Vitale est sous la protection de l'Église et donc de Dieu, ajoute-t-elle avec colère dans les yeux, le menton levé en guise de défi.
- Nous avons donc un problème, ma Mère, je lui réponds laconiquement en écartant mes jambes pour prendre plus d'aisance sur mon siège, lui signifiant ainsi que je me soucie peu des conventions de l'Église.
- Ha bon, et lequel ?, me demande-t-elle en s'approchant de plus près de son bureau, marquant à son tour qu'elle n'a que faire de mes démonstrations de force ou d'intimidation. Je commence à l'apprécier, du moins son courage. Beaucoup d'hommes n'ont pas osé me regarder ainsi, mais ni sa robe de bonne Mère ni son statut ne changeront quoique ce soit. Ce que je veux, je l'obtiens, quel qu'en soit le prix. Je reprends la parole.
- Nous voulons la même chose, Lucinda Vitale, mais de nous deux, une seule personne sera satisfaite et j'ai une proposition à vous faire..., dis-je avant d'être interrompu par la Mère supérieure, relevant légèrement son visage pour regarder derrière moi.
-Viens, ma petite, et pose ici le café, ordonne-t-elle.
Une jeune Sœur, habillée tout en noir, arrive avec un plateau de tasses de café et une assiette de biscuits secs. Je déteste ces biscuits aussi secs que le bitume.
- Sœur Bénédicte, sers à Monsieur je te prie, lui ordonne-t-elle d'une voix plus douce. Cette dernière s'exécute et me donne une tasse, ses mains tremblent légèrement et je saisis rapidement la tasse avant qu'elle ne tombe sur moi. Je constate qu'elle porte une alliance à son annulaire, symbole qu'elle est bien fiancée au Christ.
- Buvez, c'est un très bon café, m'invite la Mère supérieure avec un léger sourire sur ses lèvres. Vous savez, les graines de ce café viennent d'Éthiopie. Ce sont des Sœurs d'un couvent qui s'en occupent. La Mère Supérieure reprend une autre gorgée, et semble méditer tout en continuant son monologue, c'est le meilleur café du monde, car les graines sont traitées avec amour, avec dévotion et elles sont rares car elles n'existent qu'en Éthiopie et dans une région reculée, très reculée. La rareté fait son excellence. N'est-ce pas?, me demande-t-elle avec un rictus aux lèvres.
- Oui, sans doute, je lui réponds machinalement, lui donnant la réponse qu'elle souhaite entendre. Alors que la jeune religieuse s'apprête à partir, la Mère Supérieure l'interpelle.
- Sœur Bénédicte, reste un moment je te prie et ferme la porte.
Les négociations peuvent alors commencer mais en présence d'un témoin, cela me semble incongru.
La jeune religieuse ferme la lourde porte en bois massif moyenâgeuse, personne ne peut nous entendre. Puis elle se dirige vers la grande fenêtre en face du bureau. Je ne m'attarde pas à la regarder. Elle est comme une ombre noire avec son voile blanc qui couvre une grande partie de son visage.
- Que voulez-vous réellement à Mademoiselle Lucinda, Monsieur Cesareo ?, me demande la Mère Supérieure, à nouveau, avec cette condescendance dans sa voix tout en buvant une autre gorgée de son café.

VOUS LISEZ
Vœu Sicilien - Romance Mafia - Clan Cesareo
RomansaJeune fille de Little Italy, ma vie devait suivre un chemin tracé : études, travail, et peut-être un mariage avec quelqu'un que j'aurais choisi. Mais tout a basculé lorsque mon père, pour rembourser une dette colossale, m'a vendue à la famille Cesar...