CHAPITRE • 4

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Passé



Il y a quatre ans.

Nous sommes à quelques mois de mon quinzième anniversaire. Je suis avec ma mère, assise au milieu d'une centaine d'autres filles arrivées en demi-finale de la sélection.

Depuis des semaines, maman me dit tout les jours que l'émission pour laquelle je m'apprête à auditionner est Un Truc Énorme. L'annonce du casting indique seulement qu'il s'agira d'une << série musicale inspirée par la K-pop >>, mais d'après ses sources internes, le studio compte utiliser cette série afin se lancer un nouveau girls group.

– C'est une formule qui a fait ses preuves. Ils espèrent sauter dans le train de la pop asiatique avant qu'il ait quitté la gare, me répète-t-elle pour la troisième fois depuis notre arrivée. En plus, un show télévisé avec plusieurs premiers rôles de jeune femmes franco-asiatiques? A mon époque, de telles aubaines n'existaient tout simplement pas.

Maman voulait être actrice. A la fin du lycée, contre l'avis de ses parents qui sont des immigrants d'origine taïwanaise, elle est partie s'installer à Paris. Son rêve s'est rapidement évaporé. Au bout d'un an, elle s'est retrouvé sans un sou, mais elle était bien trop entêtée pour rentrer chez mes grands parents la queue entre les jambes. C'est à cette époque qu'elle a rencontré mon père, un producteur hongkongais: elle avait été sélectionner pour incarner un personnage secondaire dans l'un de ses films ( victime numéro 4, sur IMDb ). Leurs histoire n'a été qu'un feu de paille.

Le tournage étant achevé, il est retourné à Hong Kong, et ma mère la quitté, en ne conservant que deux souvenirs de cette relation: un bébé de trois mois ( moi ) et une révélation. Au lieu de batailler bec et ongles avec toutes les aspirantes actrices pour obtenir des rôles minuscules, elle pouvait passer de l'autre côté du rideau et entre dans le club se ceux qui tirent les ficelles, comme mon père.

Nous n'avons aucun contact avec lui. Quant à mes grands-parents, ils n'ont jamais pardonné à leurs fille de s'être rebellée et d'avoir refusé le futur qu'ils lui réservaient. Je sais qu'elle est soumise à de forte pressions. Elle a travaillé incroyablement dur pour nous construire une existence, et elle voudrait que je réussisse la ou elle a échoué.

Courir les auditions est l'un de nos rituels préférés. J'aime beaucoup chanter et me donner en spectacle, mais ce qui me procure le plus de plaisir, c'est son regard brillant de fierté, et les encouragements qu'elle me prodigue tout en brossant mes cheveux ou en maquillant mes paupières au pinceau.

Nous poireautons depuis des heures, et voilà dix minutes qu'elle est au téléphone, en pleine dispute avec ma grand-mère, sans se soucier le moins du monde des coups d'œil agacés des autres parents. Tous les deux ou trois ans, elle entame des pourparlers de paix avec mes grands-parents, sans succès. La joyeuse réunion de famille n'a pas encore eu lieu, et, à l'entendre, il me semble que ce n'est pas aujourd'hui que les choses vont changer.

Comme elle s'exprime en mandarin, j'ai du mal à suivre, je saisis à mener quelques mots épars. Jusqu'à ce qu'elle passe subitement à l'anglais. La au moins je comprends.

– Je t'ai donné des tonnes d'occasions de la voir. Si tu l'avais voulu, tu te serais arrangée pour y parvenir! Non. Non! Ne renvers pas la situation!

Comprenant que c'est de moi qu'elle parle, je me recroqueville sur ma chaîne gênée. Tout le monde nous dévisage.

– Je vais au toilettes, annoncé-je en détalant avant d'être enrolée dans cette bataille mère-fille.

•IDOLS•Où les histoires vivent. Découvrez maintenant