Chapitre 3

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Les jours passaient, mais pour Iruka, le temps semblait s'être arrêté. Chaque matin était un combat contre lui-même, une bataille pour trouver la force de se lever, de quitter son appartement, de faire semblant que tout allait bien. Pourtant, il sentait chaque jour un peu plus qu'il perdait pied. La peur qui l'avait envahi depuis cette nuit atroce ne le quittait jamais vraiment. Elle était devenue comme une ombre, constamment présente, même lorsqu'il était entouré de ses collègues ou de ses élèves.

Il avait essayé d'oublier, de chasser les souvenirs de cette agression violente, mais ils revenaient toujours, sournois, dans ses rêves ou lorsqu'il baissait la garde. Parfois, au milieu d'une conversation anodine, son esprit le trahissait et ramenait des images fugaces de cette nuit-là : les coups, la douleur, les menaces murmurées à son oreille. Ces flashs étaient toujours soudains et violents, le laissant déstabilisé, avec une boule dans la gorge et une envie irrésistible de s'enfuir.

Les crises d'angoisse, elles, devenaient de plus en plus fréquentes. Cela commençait souvent par une sensation de malaise, un poids sur sa poitrine. Puis, son souffle se faisait plus court, sa vision devenait floue, et tout son corps se raidissait. Il se sentait piégé, comme cette nuit-là, et le monde autour de lui semblait s'effondrer. Il avait du mal à respirer, son cœur battait trop vite, et tout ce qu'il voulait, c'était fuir. Mais il ne le pouvait pas. Pas à l'Académie. Pas devant ses élèves.

La première fois que cela se produisit en classe, il parvint à masquer la panique en demandant à l'un de ses élèves de lire un passage à voix haute pendant qu'il s'excusait pour se rendre dans la salle des professeurs. Là, seul, il s'était appuyé contre le mur, ses mains tremblantes cherchant à agripper quelque chose de solide pour ne pas s'effondrer. Les larmes lui montèrent aux yeux, mais il se força à les ravaler. Il ne pouvait pas se permettre de craquer. Pas ici.

Mais plus il tentait de garder le contrôle, plus ses émotions le trahissaient. Les sautes d'humeur devinrent une habitude. Il était à fleur de peau, réagissant de manière excessive à la moindre frustration. Un élève qui tardait à répondre, une question idiote, ou même un simple bruit soudain pouvaient déclencher une vague de colère qu'il n'arrivait pas à réprimer. Il haussait la voix, frappait parfois sa main contre la table, et se sentait immédiatement coupable. Les regards surpris et parfois craintifs de ses élèves l'accablaient de honte.

C'était un cercle vicieux. Plus il se mettait en colère, plus il se sentait mal, et plus il se renfermait sur lui-même. Il évitait ses collègues, les rencontres sociales, et même ses sorties dans le village devinrent limitées. Il craignait de croiser des visages connus, peur que quelqu'un devine qu'il allait mal. Il ne voulait pas de la pitié de ses amis, ni de leurs questions gênantes. Chaque fois qu'il croisait Kakashi ou un autre shinobi, il détournait les yeux, espérant qu'ils ne lui demanderaient rien.

Le soir, seul dans son appartement, c'était pire. Le silence pesait lourd, et la solitude amplifiait tout. Il n'y avait plus de devoirs à corriger, plus d'élèves à surveiller, juste lui et ses pensées. Il essayait de lire, de s'occuper l'esprit, mais les mots lui échappaient, et il finissait souvent par fixer le plafond pendant des heures, incapable de trouver le sommeil. Lorsqu'il finissait par s'endormir, ses nuits étaient courtes, interrompues par des cauchemars où il revivait l'agression encore et encore. Chaque fois, il se réveillait en sursaut, le souffle court, son corps trempé de sueur. Il regardait l'obscurité de sa chambre, guettant des ombres imaginaires, et restait éveillé jusqu'à l'aube, incapable de retrouver la paix.

Il avait tenté de manger, mais chaque bouchée lui restait en travers de la gorge. La nourriture lui paraissait fade, sans goût, et il n'avait plus d'appétit. Son corps, déjà épuisé, commençait à en pâtir. Il perdait du poids rapidement, et cela devenait de plus en plus visible. Ses vêtements flottaient sur lui, ses joues se creusaient, et ses mains étaient plus fines, presque fragiles.

Mais ce qui l'effrayait le plus, c'était la perte de contrôle. Parfois, il avait l'impression que quelque chose en lui était sur le point de se briser définitivement. Il n'était plus lui-même. Cette peur constante, cette colère soudaine, cette sensation d'être au bord du gouffre... Il n'avait jamais ressenti cela auparavant. Il était Iruka Umino, celui sur qui tout le monde comptait, celui qui était toujours là pour aider les autres, pour les rassurer. Mais là, il n'arrivait même plus à se rassurer lui-même.

Un soir, alors qu'il tentait désespérément de se calmer après une nouvelle crise d'angoisse, il se regarda dans le miroir de sa salle de bain. Ce qu'il vit le terrifia. Il ne se reconnaissait plus. Son visage était marqué par la fatigue, ses yeux cernés, et dans son regard, il n'y avait plus cette lueur de détermination qu'il avait toujours eue. Il se sentit soudain si vulnérable, si fragile. Comme si, à tout moment, il pouvait se briser en mille morceaux.

Et c'était là la vérité qu'il refusait d'admettre : il était en train de s'effondrer. Lentement, mais sûrement, il s'enfonçait dans un abîme dont il ne voyait pas le fond. Chaque jour, il essayait de se convaincre que ça irait mieux, qu'il retrouverait le contrôle, mais chaque nuit, la même peur revenait, implacable. Il se sentait seul, perdu, et terriblement en insécurité, même dans son propre village. Et ce sentiment, cette impression que rien ni personne ne pouvait l'aider, le rendait fou.

Ses pensées devinrent de plus en plus sombres. Il se demandait parfois s'il n'aurait pas été préférable que tout s'arrête cette nuit-là. La honte de ces pensées le dévorait, mais il ne pouvait pas les empêcher de surgir, encore et encore, comme une obsession.

Iruka savait qu'il devait parler à quelqu'un. Il savait qu'il ne pourrait pas continuer ainsi longtemps. Mais chaque fois qu'il envisageait d'ouvrir la bouche, la peur et la honte reprenaient le dessus. Qui voudrait écouter ? Qui pourrait comprendre ce qu'il ressentait vraiment ? Il était seul dans cette lutte, du moins, c'était ce qu'il croyait.

Et ainsi, chaque jour, il se refermait un peu plus, s'éloignant de ceux qui l'entouraient, s'enfonçant dans une spirale de douleur et de solitude.

Les ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant