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Après cette confrontation, Gabriel ne savait plus quoi penser de Jordan Bardella. Pourquoi agissait-il ainsi ces derniers jours ? Depuis leur dernier débat, quelque chose avait changé. Et que voulait-il dire exactement par ce « bien au contraire » en chuchotant qu'il ne le détestait pas ?

En retournant à l'intérieur, Gabriel ne pouvait s'empêcher de ressasser ces questions. Ses pensées tourbillonnaient, jusqu'à ce qu'il tombe nez à nez avec les trois personnes qui l'avaient critiqué et moqué dans son dos. L'étrange échange avec Jordan l'avait presque fait oublier combien il s'était senti mal quelques instants plus tôt, mais la réalité le rattrapa.

« Monsieur Attal, » lance la seule femme du trio avec un sourire sarcastique. « Vous avez terminé votre petite discussion avec monsieur le ministre ? » ajoute-t-elle, l'ironie suintant de chaque mot.

« Vous aviez sûrement beaucoup de choses à vous dire », renchérit un autre, dans le même ton moqueur.

Gabriel baissa instinctivement les yeux, submergé par un sentiment d'impuissance. Tout en lui criait de fuir, de s'éloigner de cette humiliation. Pourquoi le monde semblait-il s'acharner ainsi contre lui ? Sa cravate grise, parfaitement assortie à son costume trois pièces luxueux, lui serrait la gorge comme si elle voulait l'étouffer. Il sentait sur lui les regards méprisants de ses collègues, leurs yeux lourds de jugements. Ses propres yeux se brouillèrent à nouveau sous la pression, les larmes menaçant de couler à tout moment. Il se sentait faible, pathétique, incapable de répondre à leurs provocations. Cette situation lui rappela un souvenir bien trop familier, celui qui revenait inlassablement hanter ses cauchemars chaque nuit.

C'est alors qu'une voix familière coupa court à la scène :

« Si vous trouvez amusant de répandre des rumeurs infâmes sur votre collègue, je pourrais très bien me joindre à ce petit jeu. Peut-être que le ministre serait ravi d'apprendre que ses propres collaborateurs se moquent ouvertement de l'homosexualité d'un de ses adjoints. Je doute qu'il apprécie de tels propos, surtout quand ils frôlent l'homophobie. »

Cette voix, Gabriel la connaissait désormais trop bien. Ce n'est vraiment pas mon jour se mit-il à penser. Il pensait que Jordan était parti après leur échange précédent, mais non. Il se tenait là, imposant, ses larges épaules et sa stature dominante captant immédiatement l'attention. Son regard glacial, presque noir, ne trahissait aucune émotion. Il semblait froid, calculateur, et Gabriel ne put s'empêcher de se demander pourquoi Jordan réagissait ainsi.

Le silence tomba lourdement, une tension palpable flottant dans l'air. Les trois collègues, pris au dépourvu par l'intervention de Jordan, échangèrent des regards nerveux. Gabriel, figé sur place, tentait encore de comprendre ce qui venait de se passer. Comment, en l'espace de quelques secondes, la situation avait basculé si radicalement ?

« Nous nous excusons de notre comportement, monsieur Bardella », balbutia la femme du groupe, la tête baissée, presque honteuse. Les deux autres l'imitèrent immédiatement, baissant les yeux, l'air mal à l'aise.

Jordan, toujours impassible, leur lança un regard perçant. « Il me semble que ce n'est pas moi qui mérite vos excuses », rétorqua-t-il froidement, sa voix ferme mais contrôlée. Il ne montrait aucune trace d'émotion, juste une détermination inébranlable.

Les trois se tournèrent aussitôt vers Gabriel, qui restait debout, toujours en proie à la confusion. « Nous sommes désolés de vous avoir blessé avec nos propos infâmes », dirent-ils en chœur, leurs regards implorant une réaction de la part de Gabriel, comme s'ils cherchaient désespérément à éviter une confrontation supplémentaire avec Jordan.

Gabriel hocha la tête, presque par automatisme, encore perdu dans ses pensées. Il ne comprenait toujours pas bien la tournure des événements, mais leur soudaine soumission et leurs excuses le déstabilisèrent davantage. Jordan, debout à ses côtés, le scrutait attentivement, cherchant à déceler la moindre trace de mécontentement dans son expression. Pourtant, Gabriel restait impassible, presque déconnecté de la scène.

Par-delà les discoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant