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Gabriel est assis à son bureau, absorbé par ses dossiers, le regard fixé sur les documents devant lui, mais son esprit, lui, commence à vagabonder ailleurs. Malgré tous ses efforts pour se concentrer, son esprit revient sans cesse à cette journée au Salon de l'Agriculture. Il repense à la scène, à l'incident avec cet homme ivre, et surtout à l'intervention inattendue de Jordan.

Un léger froncement de sourcils apparaît sur son visage. Cette relation entre lui et Jordan, son adversaire politique, lui paraît toujours aussi étrange. Il ne comprend pas pourquoi le jeune homme agit ainsi, pourquoi il semble flirter, parfois à la limite du provocateur, sans jamais franchir totalement la ligne. Cela le perturbe.

Un moment, Gabriel se surprend à se dire que, malgré tout, Jordan est vraiment beau. Ces traits affirmés, cette assurance naturelle qui l'entoure... Il secoue la tête pour chasser ces pensées gênantes, mais il sent la chaleur monter à ses joues. Pris de court par sa propre réaction, il rougit légèrement et détourne le regard de ses dossiers, comme s'il craignait que quelqu'un puisse lire ses pensées.

Il soupire, essayant de se ressaisir. "Non, je ne peux pas penser à ça. C'est absurde..." murmure-t-il, la voix basse, se forçant à se recentrer sur son travail. Pourtant, l'image de Jordan continue de s'imposer dans son esprit, à son grand désarroi.

Gabriel ferme son ordinateur portable avec un soupir. Les pensées parasites qui l'ont accompagné toute la matinée ne l'ont pas laissé en paix, mais il a réussi à boucler quelques dossiers avant de devoir se lever. Il jette un coup d'œil à sa montre. Une pause café ne serait pas de trop avant la réunion de l'après-midi. Il se lève, attrape sa veste posée négligemment sur le dossier de sa chaise et se dirige vers la porte de son bureau.

Dès qu'il franchit la porte, un changement subtil dans l'atmosphère l'interpelle. Ses collègues, dispersés dans le couloir et près des bureaux adjacents, baissent légèrement la voix dès qu'ils le voient. Certains échangent des regards furtifs tandis que d'autres continuent leur conversation en chuchotant, comme si sa présence les mettait mal à l'aise. Gabriel n'en fait pas grand cas, au début. Ce genre de comportement n'est pas nouveau pour lui. Il a depuis longtemps appris à ignorer les murmures et les jugements silencieux de ses collègues. Travailler au ministère, surtout en tant que figure politique en pleine ascension, attire souvent des critiques et des commentaires qu'il préfère ne pas entendre.

Il avance dans le couloir, les mains dans les poches, le regard fixé devant lui. Mais cette fois, quelque chose semble différent. Les chuchotements ne cessent pas vraiment. Il peut sentir les regards sur lui, plus insistants que d'habitude. Une vague de malaise commence à le gagner, mais il serre les dents, refusant de laisser transparaître son trouble. « Ne leur donne pas ce plaisir », se répète-t-il en silence.

Alors qu'il tourne au coin du couloir pour se rendre à la machine à café, Gabriel aperçoit Lila, l'une de ses collègues, accoudée près de la porte. Elle est plongée dans son téléphone, mais contrairement à son attitude habituelle, il n'y a pas de sourire malicieux sur ses lèvres cette fois-ci. Quand elle le voit approcher, son expression change légèrement, un mélange de sérieux et de préoccupation dans ses yeux. « Gabriel, » l'appelle-t-elle d'une voix plus basse qu'à l'accoutumée.

Il s'arrête, quelque peu surpris par son ton. « Oui ? » répond-il, essayant de masquer son inquiétude derrière une façade détendue.

Lila s'approche de lui, son visage grave, et lui tend son téléphone sans un mot, comme si elle hésitait à lui montrer ce qu'elle a découvert. « Je pense que tu devrais voir ça, » dit-elle finalement, sa voix trahissant une certaine réticence.

Ce qu'il voit le fait soudainement se figer. C'est une photo. Une photo de lui et... Jordan. Son estomac se noue alors qu'il observe l'image. Elle a été prise lors de leur rencontre au Salon de l'Agriculture. Jordan est penché légèrement vers lui, sa main posée sur son dos dans un geste qui semble à la fois protecteur et rassurant. Gabriel, assis sur un banc, a le regard baissé, visiblement encore sous le choc de l'incident qui venait de se produire. La scène, vue sous cet angle, paraît bien plus intime qu'elle ne l'était en réalité.

Par-delà les discoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant