Le froid mordant de la nuit semblait étrangement apaisant comparé à la tempête intérieure qui faisait rage en lui. Jordan marchait rapidement dans les rues presque désertes de Paris, ses pas résonnant sur le pavé humide. **Tout ça ne peut pas être réel**, pensait-il, ses mains serrées dans ses poches. Il sentait encore la pression des lèvres de Gabriel sur les siennes, comme une brûlure qui refusait de s’éteindre.
Ses pensées tourbillonnaient sans cesse. Comment était-il passé d’un débat politique acharné à ce moment de vulnérabilité inattendu ? Rien dans son parcours ne l’avait préparé à une telle situation. Tout ce qu’il savait ou croyait savoir sur lui-même semblait se fissurer sous la pression de cette rencontre. **Ce n’était qu’un moment d’égarement**, se répéta-t-il.
En arrivant devant l’entrée de son immeuble, il s’arrêta un instant, prenant une profonde inspiration pour tenter de calmer ses nerfs. L’immeuble était plongé dans le silence. Pas un bruit, pas une lumière dans les appartements. Il avait toujours aimé cette tranquillité nocturne, cette impression que le monde se taisait enfin. Mais ce soir, même ce calme habituel ne parvenait pas à l’apaiser.
Une fois chez lui, Jordan se laissa tomber sur le canapé, les yeux fixés sur le plafond. Il repassait en boucle la soirée dans sa tête. Il pensait à ce qu’il aurait dû dire, ce qu’il aurait dû faire différemment. Mais surtout, il pensait à Gabriel. À cette proximité inattendue. À ce baiser qui n’aurait jamais dû arriver.
Son téléphone vibra soudainement sur la table basse, interrompant le flot de ses pensées. Un message. Sans même réfléchir, il tendit la main et ouvrit l’application.
**Gabriel Attal** : « J'espère que tu es bien rentré. On doit parler. »
Jordan fixa l’écran, les doigts suspendus au-dessus du clavier. Son cœur s’accéléra à nouveau, cette même sensation d’étouffement revenant. Parler ? De quoi ? De ce qui venait de se passer ? Il n’était pas prêt. Pas maintenant. Pas jamais, peut-être.
Il effaça la réponse qu’il était sur le point de taper et balança son téléphone sur le canapé. **Je ne peux pas lui répondre tout de suite**, se dit-il. Il n’était pas encore capable de faire face à cette nouvelle réalité. Il avait besoin de temps, de distance.
Il se leva et alla vers la fenêtre, observant les lumières lointaines de la ville. La question qui tournait en boucle dans sa tête refit surface : **Pourquoi Gabriel ? Pourquoi maintenant ?** Ils avaient toujours été des adversaires, des opposés politiques. Et pourtant, quelque chose d’indéfinissable les avait rapprochés ce soir-là. Était-ce une simple tension qui avait dégénéré ? Ou y avait-il plus ?
Il serra les mâchoires. « Ça n’a pas de sens », murmura-t-il. Il ne pouvait pas se permettre de perdre le contrôle de cette manière, surtout pas à cause d’un homme comme Gabriel Attal. Et pourtant, malgré tous ses efforts pour se convaincre du contraire, une partie de lui savait que ce qu’il ressentait était bien plus qu’un simple égarement.