CHAPITRE 11

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SUGURU

Cet été-là, nous étions surchargés. Sûrement à cause des nombreux incidents de l'année précédente. Les fléaux grouillaient comme des vers.

Exorciser et absorber, encore et encore.

Au-delà des missions que je devais accomplir, je passais le reste de mon temps libre à l'hôpital auprès d'elle. L'espoir qu'elle se réveille après une année de coma profond était faible, mais toujours présent au fond de moi, tel un fil qui me retenait de tomber au fond du gouffre.

Exorciser. Absorber. Espérer.

Ainsi était mon quotidien. Personne d'autre ne connaît le goût des fléaux. C'est comme avaler un torchon qui a servi à nettoyer du vomi.

Exorciser. Absorber. Espérer.

Ce que je voyais en mission n'était pas habituel, juste la laideur humaine ordinaire. Malgré cela, en tant qu'exorciste, j'avais fait le choix de sauver les gens.

C'est ce que je me répétais depuis ce jour-là. Ce jour où elle m'avait été arrachée. Tous les jours. Je devais tenir bon. J'avais des responsabilités.

Sales primates.

           10 Août 2007

J'étais souvent seul. Satoru était devenu le plus fort et il accomplissait ses missions en solo. Shoko n'était jamais envoyée sur les boulots dangereux, alors fatalement, je me retrouvai à travailler en solitaire.

Ma journée avait été longue et routinière, je marchais en direction de l'hôpital comme tous les soirs, le cerveau embrumé de pensées obscures en permanence. J'entrais dans l'établissement aseptisé et froid, dont je détestais l'odeur et les bruits. Je n'en pouvais plus de venir ici, mais mon cœur m'y emmenait sans que je puisse l'en empêcher.

Je me dirigeais vers la chambre numéro 150, les mains dans les poches et la tête baissée vers le sol, pour ne pas croiser le regard d'un malade traînant dans le couloir. J'avais de plus en plus de mal avec eux. Les non-exorcistes.

"Salut Suguru."

Je fus accueilli dans la pièce sans vie par Diana, qui, comme moi, rendait visite à Hana dès qu'elle le pouvait. Elle était assise sur une chaise près d'elle, sa main tremblante dans la sienne inerte.

"Salut Diana."

Je remarquais que ses yeux étaient rougis et que son maquillage avait coulé légèrement, signe qu'elle avait pleuré. D'habitude, elle ne montrait pas ses émotions, elle essayait même de positiver pour me remonter le moral. Mais aujourd'hui, c'était différent.

"Il... il faut que je te parle..." commença la jeune fille aux cheveux rouges en me regardant avec compassion. "Les nouvelles ne sont pas bonnes..."

"Comment ça ?" Demandais-je alors que la nausée m'envahissait.

"Son activité cérébrale chute d'heure en heure... Les médecins pensent que ce n'est qu'une question de jours..."

J'avais tant redouté cet instant que de l'entendre enfin me soulageait presque, c'était comme si on enlevait un énorme poids dans mon cœur pour le remplacer par... du vide.

"Suguru ?" m'appela mon amie alors que je ne réagissais pas. "Ça va ?" Aucun son ne pouvait sortir de ma bouche. "Je vais te laisser seul avec elle..."

Avant de partir, Diana embrassa sa meilleure amie sur le front, lui laissant quelques gouttes salées sur son visage, dissimulé sous les machines qui la maintenaient en vie. Elle vint ensuite vers moi et hésita un instant avant de me prendre dans ses bras furtivement, alors que je ne bougeais toujours pas.

LOVE BEYOND CONVICTIONSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant