Deux mélodies pour Noël [Romance éditée]

Chapitre 2

J-7 : samedi 18 décembre

Boom Clap, Charli XCX

L'esprit encore embrumé de sommeil, je rejoins la joyeuse famille installée dans la salle à manger, où un feu réchauffe la pièce. Je me frotte le visage dans une vaine tentative pour me réveiller.

— Demat*, Mila ! s'exclame Armelle. Le petit déjeuner t'attend.

Sa voix chantante percute mes tympans. Je salue tout ce beau monde d'un geste timide, puis m'assieds à table aux côtés de Kat. Les cheveux emmêlés, son t-shirt de pyjama Fairy Tail* froissé, elle ne semble pas plus éveillée que moi. Sur ses genoux, le toutou remue gaiement la queue sous les caresses que sa maîtresse lui prodigue.

— Je pensais pas me lever si tard, énoncé-je en me massant les tempes. D'habitude, le soleil me réveille.

— C'est sûr que ça change, avec des volets ! T'as bien dormi ?

— Quand tu gigotais pas dans le lit, oui, ça allait.

Elle me tire la langue. Je hausse les épaules, faussement désolée.

Baguette, croissants, pains au chocolat, crêpes, beurre demi-sel, confiture et pâte à tartiner de marque bretonne s'offrent à moi dans une myriade de senteurs sucrées qui me mettent l'eau à la bouche. Mon ventre gargouille. J'attrape une viennoiserie et en croque un morceau pendant que leur discussion dérive sur la parade du lendemain. Tous les ans, Ronan se costume en père Noël. Lorsqu'ils évoquent un sinagot pour remonter la rade, Kat repère la confusion sur mes traits et m'apporte une précision :

— C'est un bateau de pêche traditionnel d'ici avec une coque noire, deux mâts et des voiles rouge-ocre.

— Oh, ça a l'air joli !

— Quand Papa va atteindre le quai à l'autre bout, poursuit-elle, il va grimper dans une calèche transformée en traîneau et défiler dans le vieux Vannes jusqu'à son trône, au village de Noël !

— Sympa. Et toi, du coup, tu joues le petit lutin, c'est ça ? la taquiné-je.

— Ha, ha, ha, t'es bête !

Elle me bouscule l'épaule. J'en loupe la gorgée de l'expresso fraîchement servi par sa mère, et le liquide se renverse sur le bord de la table.

— Kat, attention ! m'écrié-je de surprise.

— Désolée !

Elle s'empresse d'attraper des feuilles d'essuie-tout pour m'aider à éponger les taches et le café qui dégouline sur mon bras, irritant ma peau par sa chaleur.

— Sinon, ajoute-t-elle sans l'ombre d'un remords, oui, j'ai été un lutin. Enfin, pas un vrai lutin. Mais avec Maël, on se déguisait en enfants du père Noël pour les animations.

— Ah, c'était l'bon vieux temps, intervient Ronan, quand mes gosses croyaient encore en la magie de cette fête !

L'homme simule un semblant de peine, ses doigts pinçant l'arête de son nez. Son comportement m'amuse, et mes lèvres s'étirent. Kat, quant à elle, soupire :

— Oh, Papa, arrête ! On y croit toujours, c'est juste qu'on est trop grands pour être crédibles. Encore, moi, ça peut passer avec ma taille. Mais Maël ? s'esclaffe-t-elle. T'as déjà vu un lutin d'un mètre quatre-vingt, toi ?

— Et pourquoi pas ? rétorque-t-il, les sourcils haussés. Tu les aurais vus, Mila, ils étaient si mignons dans leur tenue vert et rouge !

Je glousse devant l'air exaspéré de Katell.