Chapitre 2 - L'eveil de la terreur

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La nuit s'était abattue sur Nantes comme une chape de plomb. Les rues, humides après une pluie fine, brillaient sous la lumière blafarde des réverbères. Le silence pesait lourd, interrompu seulement par le clapotis régulier des gouttes d'eau tombant des toits. C'était une de ces nuits où l'on se sentait épié, où l'ombre semblait plus vivante, plus menaçante.

Dans une ruelle étroite, une silhouette se détachait de l'obscurité. La femme avançait d'un pas incertain, presque erratique, comme si elle cherchait à se fondre dans l'ombre et, en même temps, luttait contre une invisible urgence qui la poussait à aller plus vite. Ses vêtements, légèrement trop larges, pendaient mollement sur son corps, accentuant sa démarche étrange. Elle se tenait souvent le bras gauche, le pressant contre elle comme pour réfréner une douleur ou une angoisse sourde.

De temps à autre, elle s'arrêtait net, écoutant le silence autour d'elle. Ses cheveux, trempés par la pluie, collaient à son visage, elle ne s'en préoccupait pas. Le vent soufflait légèrement, et à chaque rafale, la femme jetait un coup d'œil derrière elle, nerveuse. Son regard fouillait l'obscurité, passant de l'ombre d'une fenêtre à celle d'une porte, comme si elle cherchait quelqu'un, ou quelque chose.

Elle se figea devant un vieil immeuble. Son souffle s'accéléra soudainement, et ses doigts, crispés sur son manteau, tremblèrent légèrement. Un appartement, quelque part ici. Oui, elle le savait. Il était là, tout près. Lentement, la femme s'approcha de la porte de l'immeuble. Ses mains tremblaient alors qu'elle effleurait la poignée, ses doigts humides glissant sur le métal froid.

Elle hésita un instant, la poitrine soulevée par des respirations irrégulières, comme si elle pesait le poids de ce qu'elle s'apprêtait à faire. Ses yeux fixaient la porte avec une intensité presque malsaine. Puis, comme mue par une force invisible, elle pressa doucement la poignée. La porte ne bougea pas. Fermée. Un sifflement de frustration échappa à ses lèvres.

La femme recula d'un pas, son visage se tordant dans une expression indéchiffrable. Puis, comme si une décision s'était imposée à elle, elle fouilla nerveusement dans la poche de son manteau et en sortit une clé. Ses doigts la faisaient tourner maladroitement, comme si ce simple geste demandait un effort surhumain.

Elle l'inséra dans la serrure et la tourna lentement, presque précautionneusement. Chaque cliquetis résonnait dans le silence de la rue déserte, ajoutant une note de tension qui semblait suspendre l'air lui-même. Lorsque la porte finit par s'ouvrir, elle la poussa avec une lenteur calculée, les gonds grinçant sinistrement dans la nuit. La femme jeta un coup d'œil rapide à gauche, puis à droite, avant de pénétrer dans le hall faiblement éclairé.

L'atmosphère à l'intérieur était lourde, chargée d'humidité et de cette odeur particulière de vieux bois et de pierre. Elle grimpa lentement les escaliers, chacun de ses pas produisant un léger craquement qui lui faisait serrer les dents. Elle se déplaçait comme un spectre, silencieuse mais étrangement oppressante. Ses doigts effleuraient parfois les murs, cherchant un ancrage, une réalité dans cet instant d'ombre.

Arrivée devant une porte, elle s'arrêta. Elle savait que c'était là. Ses mains tremblaient plus que jamais alors qu'elle posa doucement une paume sur le bois. Ses ongles, sales et rongés, tapotèrent nerveusement contre la surface, comme si elle hésitait encore.

Un murmure s'échappa de ses lèvres. Quelque chose d'incompréhensible, un nom peut-être. Sa respiration s'était faite plus haletante, comme si chaque seconde passée devant cette porte représentait un défi insurmontable. Elle regarda autour d'elle, ses yeux écarquillés d'une lueur de frénésie.

Puis, lentement, elle tourna la poignée.
La femme avançait lentement à travers l'appartement plongé dans l'obscurité, chacun de ses pas résonnant faiblement sur le parquet silencieux. Elle était comme une ombre, se déplaçant sans un bruit, ses yeux fixés droit devant elle. Une étrange détermination semblait guider chacun de ses mouvements.
Arrivée devant la porte de la chambre d'Annie, elle s'arrêta. Son souffle se fit plus court alors qu'elle observait la porte fermée. Ses doigts glissèrent doucement sur le bois, comme pour en sentir la texture, avant de s'arrêter sur la poignée. Un instant, elle resta immobile, hésitant. Derrière cette porte se trouvait la petite fille endormie.
Le cœur battant, elle prit une profonde inspiration, ses mains tremblant légèrement sous l'émotion qui l'envahissait. Puis, avec une lenteur calculée, elle posa la main sur la poignée.
Alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir la porte, son regard tomba sur un petit détail qui l'arrêta net. Gravé dans le bois, juste au-dessus de la poignée, le prénom Annie apparaissait en lettres maladroites. La femme fronça les sourcils, une lueur de confusion et de colère traversant son visage. Sans un mot, elle sortit une clé de son trousseau, et, avec une détermination froide, elle commença à graver le prénom Aline à la place. Le bruit métallique du grincement contre le bois résonnait sinistrement dans le silence de la nuit.
Une fois le travail achevé, elle recula pour observer son œuvre, satisfaite. Puis, d'un geste brusque, elle tourna enfin la poignée et poussa la porte
Annie sursauta dans son sommeil, sentant une pression sur son bras. Quand elle ouvrit les yeux, elle fut immédiatement assaillie par une vague de panique. Une femme se tenait là, penchée sur elle. C'était la voisine — ou quelqu'un qu'elle avait déjà aperçu dans le quartier ? Ses cheveux désordonnés tombaient sur son visage dans la pénombre, et son regard était à la fois étrange et intense.

« Aline, réveille-toi, on doit partir », murmura la femme, sa voix tremblante d'une étrange urgence.

Annie, encore à moitié endormie, fronça les sourcils. « Quoi... qui êtes-vous ? » Elle essaya de se libérer, mais la poigne de la femme se fit plus forte, presque brutale.

« Aline ! » insista la femme avec une froideur menaçante. « On n'a pas le temps de discuter. Tu viens avec moi. »

Annie commença à paniquer. « Lâchez-moi ! Je ne suis pas Aline ! » Elle tira de toutes ses forces sur son bras, mais la femme ne lâcha pas prise. Elle se mit à crier, espérant que quelqu'un l'entendrait, que sa maman reviendrait. Mais l'appartement resta silencieux.

« Tais-toi ! » gronda Isabelle en couvrant la bouche d'Annie avec une main tremblante, ses yeux écarquillés d'une frénésie inexplicable. « Tu vas réveiller tout le monde ! On doit partir maintenant, c'est pour ton bien. »

Annie mordit instinctivement dans la main d'Isabelle, cherchant à se libérer. La douleur fit reculer la femme, et Annie se dégagea, trébuchant en arrière. Elle courut vers la porte de la chambre, mais Isabelle la rattrapa avant qu'elle ne puisse l'ouvrir.

« Aline ! » hurla Isabelle cette fois-ci, ses doigts s'enroulant autour des poignets d'Annie, la traînant presque vers la sortie. « Pourquoi tu fais ça ? Tu sais très bien qui je suis ! Je suis ta mère ! »

Les larmes montèrent aux yeux d'Annie. « Non ! Vous n'êtes pas ma maman ! Je veux ma maman ! » Elle se débattait de toutes ses forces, essayant de se dégager des griffes d'Isabelle, mais la femme était plus forte, déterminée. Annie sentait sa panique grandir à chaque instant. Son souffle devenait court, ses jambes tremblaient.

« Arrête de mentir ! » siffla Isabelle, la voix brisée par un mélange de colère et de folie. « Ne me force pas à être méchante. On part maintenant, et tu seras en sécurité avec moi. Ta vraie maman. »

Annie cria de nouveau, tentant désespérément d'appeler à l'aide, mais Isabelle l'entraîna hors de l'appartement, la nuit froide les enveloppant dans un silence presque oppressant.

Annie criait encore, sa voix déchirant le silence de la nuit alors qu'Isabelle la traînait sans ménagement vers la sortie. Son cœur battait à tout rompre, la peur se propageait dans son corps comme une vague glacée. Elle se débattait, ses petits bras cherchant à échapper à l'étau d'Isabelle, mais la femme ne faiblissait pas.

« Arrête ! Laisse-moi ! » hurla Annie, terrifiée. Ses pieds heurtaient le sol alors qu'elle essayait de ralentir leur progression vers l'extérieur.

Soudain, dans un éclat de rage incontrôlable, Isabelle se retourna brutalement. « Ça suffit ! » s'écria-t-elle, le visage déformé par une colère fiévreuse. Sa main fendit l'air avant de s'abattre violemment sur la joue d'Annie.

Le choc fit taire la petite fille instantanément. Le silence s'installa brutalement, seulement troublé par la respiration haletante des deux femmes. Annie porta la main à sa joue brûlante, les larmes ruisselant silencieusement de ses yeux. La douleur physique se mêlait à celle, plus profonde, de la peur qui la paralysait.

Isabelle se figea, comme si elle venait de prendre conscience de ce qu'elle venait de faire. Son regard s'adoucit un instant, la folie semblant se dissiper brièvement. « Oh... Aline... je... je suis désolée... mais tu m'obliges à agir comme ça », murmura-t-elle avec une voix tremblante, presque suppliante.

Annie, choquée, ne répondit pas. Ses petites jambes cessaient de résister, ses membres se raidissant sous l'effet de la peur grandissante. Elle comprit à cet instant que quelque chose n'allait pas chez cette femme. Elle n'était pas seulement effrayante, elle était dangereuse. L'instinct de survie d'Annie se réveilla brutalement. Elle ne devait plus crier, plus résister. Si elle voulait s'en sortir, il fallait obéir.

Elle baissa les yeux, effaçant toute rébellion dans son regard. Les battements affolés de son cœur ralentirent tandis qu'elle murmurait d'une voix cassée : « D'accord... je viens. »

Isabelle, apaisée par cette soumission apparente, soupira de soulagement. « C'est bien, Aline, c'est comme ça que ça doit être... » Elle passa une main douce sur la tête d'Annie, comme pour effacer la violence précédente, son ton redevenu étrangement tendre. « Je te promets qu'on sera bien, toi et moi. »

Annie hocha la tête sans rien dire, retenant ses sanglots. Elle avait compris. Si elle voulait survivre à cette nuit, elle devait jouer le jeu.

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Ce chapitre est un flash back 👀
Pour comprendre la suite...

Aline Où les histoires vivent. Découvrez maintenant