L'aube pointait à l'horizon, teintant le ciel d'une lueur pâle, presque spectrale. La voiture filait sur l'autoroute déserte, le ronronnement du moteur se mêlant au chuchotement du vent qui s'engouffrait parfois par une fenêtre légèrement entrouverte. La route était encore humide des pluies de la nuit, et les flaques renvoyaient des reflets d'un soleil timide qui perçait peu à peu les nuages. Les premières lueurs du jour caressaient la campagne endormie, dévoilant des ombres allongées le long des collines.
Isabelle, les mains crispées sur le volant, fixait la route droit devant elle. Ses yeux, pourtant fatigués, brillaient d'une intensité étrange, un mélange de détermination et de confusion. Ses pensées tourbillonnaient, entrelacées de souvenirs lointains et de visions de ce qui l'attendait à Paris. Sa mâchoire était serrée, les traits de son visage tendus, comme si elle luttait contre une tempête intérieure.
De temps à autre, elle jetait un coup d'œil furtif dans le rétroviseur. À l'arrière, Annie était blottie contre la portière, les genoux repliés sous son menton, son visage à moitié caché derrière ses bras. Les yeux de la petite fille, écarquillés, reflétaient l'incompréhension et la peur. Elle ne comprenait toujours pas ce qui se passait. Pourquoi cette femme l'avait-elle appelée « Aline » ? Pourquoi l'avait-elle arrachée de son lit en pleine nuit, l'emportant loin de chez elle ?
Le silence à l'intérieur de la voiture était pesant, seulement troublé par le bruit régulier des pneus sur l'asphalte mouillé. Annie osait à peine respirer, chaque mouvement d'Isabelle la faisant sursauter. La petite n'avait plus tenté de parler depuis la gifle. Elle sentait, sans savoir pourquoi, que la moindre parole pourrait réveiller la violence enfouie dans cette femme qui oscillait entre douceur inquiétante et accès de colère.
Les lumières matinales traversaient les vitres, créant des ombres mouvantes sur le visage d'Isabelle. À un moment, son regard croisa celui d'Annie dans le rétroviseur. Un sourire étrange, presque apaisé, se dessina sur ses lèvres. « Ne t'inquiète pas, ma petite Aline. Tout va bien se passer. On rentre à la maison... » murmura-t-elle, comme pour se convaincre elle-même autant que pour rassurer l'enfant.
Annie détourna les yeux, tremblante. Ce nom... Aline... Ce n'était pas le sien. Mais elle n'osait pas le dire. Pas après ce qui s'était passé.
Le téléphone d'Isabelle vibra sur le tableau de bord, rompant le silence lourd qui régnait dans l'habitacle. Un nom familier apparut à l'écran : "Maman".
Elle hésita un instant, ses doigts tremblant légèrement au contact du téléphone.
Depuis combien de temps n'avait-elle pas parlé à sa famille ? Des mois, peut-être des années.
Ses relations avec eux s'étaient dégradées, empoisonnées par l'incrédulité, les disputes et ce fossé béant entre la réalité et les fantasmes dans lesquels elle s'enfonçait chaque jour un peu plus.
Elle prit une profonde inspiration et décrocha.
— Allô ? Isabelle ? fit la voix rauque et hésitante de sa mère à l'autre bout du fil.
Isabelle serra le volant d'une main encore plus fort, ses jointures blanchissant sous la pression.
— Oui, Maman, répondit-elle d'une voix crispée.
Je... je viens à Paris.Un silence lourd s'abattit sur la conversation.
Annie, à l'arrière, tendit l'oreille, bien que ne comprenant pas tout. Elle sentait la tension dans l'air, palpable, presque suffocante.
— À Paris ? Pourquoi maintenant, Isabelle ? demanda sa mère avec une prudence teintée d'inquiétude. Nous avons déjà... parlé de tout ça.
Le ton de sa mère éveilla une vieille colère en Isabelle, une rage sourde qui lui brûlait la poitrine. Elle sentit ses mains trembler.
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Aline
Mystery / Thriller"Aline" est un thriller psychologique captivant qui suit l'enlèvement d'Annie par Isabelle, une femme convaincue qu'Annie est sa fille perdue, Aline. Souffrant de confabulation mnésique après avoir perdu son bébé dans un accident traumatisant, Isabe...