Dieu est triste

14 1 0
                                    

Dieu resta assis sur son trône, immobile, les yeux fixés sur la terre. Il avait entendu le fou. Chaque mot s’était imprégné dans son être, comme une lame invisible perçant lentement un cœur qui ne saignait plus depuis des millénaires. Le vent céleste portait toujours avec lui les prières des hommes, mais ce jour-là, seul le cri du fou résonnait dans son esprit.

« Qu’est-ce que je fais... ? » murmura Dieu, sa voix à peine perceptible, un souffle, un murmure qui se perdit dans l’immensité de l'univers.

Il laissa échapper un soupir. Ce soupir n’était pas celui d’un être fatigué, mais celui d’un créateur dont le monde lui échappait. Il baissa la tête, ses doigts effleurant la surface dorée de son trône. Un fou... C’était un fou qui avait su voir là où tant d’autres étaient aveugles. Un fou qui, malgré sa raison perdue, posait les questions que personne d’autre n’osait formuler.

Dieu leva les yeux vers l’infini, cherchant une réponse dans ce ciel qu’il avait lui-même créé.

« _Est-ce que je suis trop distant ?_ » se demanda-t-il.

Les siècles avaient défilé, les prières s’étaient accumulées, les vies s’étaient succédées... et Lui, Dieu, avait continué de régner. Mais régner sur quoi ? Une humanité brisée, déchirée par ses propres guerres, ses propres ambitions. Ils cherchaient tous la paix, mais prêchaient la violence. Ils demandaient justice, mais infligeaient eux-mêmes la souffrance.

« Est-ce moi qui les ai mal faits ?» s’interrogea-t-il, un léger tremblement dans la voix. Ai-je créé un monde destiné à l’échec ?

Le créateur du ciel et de la terre se sentit pour la première fois si minuscule face à l’immensité de ce qu’il avait engendré. Des pleurs, des cris... des silences... Et au milieu de tout cela, Lui, éternellement seul.

« Je ne peux pas tout arranger...» murmura-t-il, comme pour se convaincre. Je ne peux pas tout surveiller, tout entendre. Et pourtant, il savait que ces excuses ne suffisaient plus. Chaque larme humaine était un rappel de sa propre responsabilité. Chaque guerre, chaque famine, chaque injustice pesait sur ses épaules.

Il posa son regard sur ses mains. Des mains qui, autrefois, avaient façonné les étoiles, les montagnes, les océans... et ces mêmes mains restaient maintenant impuissantes devant les souffrances de ceux qu’il avait créés.

« _Est-ce que je suis un mauvais père ?_ » demanda-t-il, une tristesse indicible dans la voix. Suis-je devenu sourd à leurs prières ? Suis-je devenu aveugle à leurs douleurs ?

Il se souvenait du jour où il avait insufflé la vie dans l’homme. Ce jour où, pour la première fois, il avait senti l’excitation d’un créateur fier de son œuvre. Mais aujourd’hui ? Aujourd’hui, il se demandait si cette fierté n’avait pas été mal placée.

« _Peut-être qu’il avait raison, le fou..._ » avoua-t-il à lui-même, ses mots lourds de sens. Peut-être que je me suis perdu dans les détails. Peut-être que j’ai donné trop aux uns et trop peu aux autres.

Dieu se leva lentement, son regard toujours posé sur la terre. Les hommes se battaient, s’aimaient, se déchiraient, tout en priant ce Dieu qu’ils ne comprenaient pas. Et comment auraient-ils pu le comprendre ? Il était distant, incompréhensible, silencieux dans leurs pires moments.

« _Mais je ne les ai jamais abandonnés..._ » murmura-t-il, presque en supplication. Ils ne le savent pas... Ils ne savent pas à quel point je les aime, malgré tout.

Dieu se surprit à sourire tristement. Il pensait à Abraham, à Moïse, à Marie... à toutes ces âmes qu’il avait guidées, qui avaient cru en lui sans jamais douter. Et aujourd’hui... aujourd’hui, même les fous doutaient de lui.

« _Est-ce que je suis devenu distant et lointain ?_ » demanda-t-il à l'univers, à personne en particulier. Est-ce que j’ai laissé ce monde courir à sa perte sans intervenir ?

Il fit un geste de la main, et un ouragan dévasta une forêt. Un simple geste... Et il pouvait tout détruire, tout remodeler. Mais ce pouvoir absolu était aussi sa plus grande malédiction. Régner sans partage, sans voix contradictoire.

« _Pourquoi... pourquoi est-ce que je pleure ?_ » se demanda-t-il soudain. Une question à la fois absurde et terriblement réelle. Je suis Dieu. Je ne suis pas censé pleurer. Et pourtant, les larmes coulaient, sans fin, emportant avec elles des siècles de frustration, de solitude, de culpabilité.

« _Peut-être que je ne suis pas si différent d’eux, après tout..._ » souffla-t-il en regardant à nouveau la terre. Peut-être que moi aussi, je cherche une réponse... peut-être que moi aussi, je me sens perdu dans cette création qui m’a échappé.

Dieu resta là, assis, seul dans le silence de l'éternité. Et pour la première fois depuis des millénaires, il se sentit vulnérable. Oui, Lui, le Tout-Puissant, le Créateur des Cieux et de la Terre, avait des problèmes. Des problèmes auxquels, malgré tout son pouvoir, il ne trouvait pas de solution.

Le fou avait raison. Il était peut-être aussi fou que lui.

Et c’est ainsi que Dieu, les yeux remplis de larmes, resta à contempler un monde qu’il ne comprenait plus vraiment, avec cette question lancinante qui résonnait dans son cœur divin :

« _Est-ce que moi aussi... j’ai besoin d’aide ?_ »

Il se mit à réfléchir, chaque pensée étant un pas vers une résolution. Il fallait agir, réagir, réformer ce système qui ne tenait plus debout. Mais comment le faire sans interférer dans la libre volonté des humains ?

« _Peut-être_ ... » murmura-t-il, ses yeux scrutant l’horizon, « _peut-être que je dois donner plus de voix à ceux qui n’en ont pas. Faire émerger des leaders parmi les opprimés, des sages parmi les fous. Mais comment choisir ceux qui seraient dignes de cette tâche ?_ »

Il se souvint des enfants, des innocents piégés dans des conflits sans fin. Il pourrait envoyer des rêves, des visions, des éclairs d’inspiration pour éveiller les consciences. Mais n’était-ce pas un autre acte de manipulation ?

« _Que faire des prières qui ne sont jamais entendues ?_ » se demanda-t-il. Sa pensée se tourna alors vers la compassion. Il devait faire naître un élan de solidarité, une volonté d’agir ensemble pour le bien commun.

En s’imaginant dans la peau des humains, il se sentit pris au piège. Ses résolutions devraient être délicates, calculées, comme un architecte élevant une structure fragile. Les larmes qu’il avait versées pour le fou n’étaient que le début. Il devait semer des graines d'espoir et d'humanité, un défi encore plus grand que jamais.

Alors qu'il murmurait ces résolutions, un éclair de détermination brilla dans son regard. Et si la prochaine étape était de se faire entendre d'une manière nouvelle, une voix dans le désespoir ? Peut-être qu'en devenant un humble messager au milieu des souffrances humaines, il pourrait inspirer un changement durable.

La tâche ne serait pas facile, mais il était prêt à relever le défi.

Le fou avait ouvert une brèche dans son cœur, et Dieu savait maintenant que la voie à suivre était semée d'embûches, mais pleine de promesses. Qui sait ? Peut-être qu'une nouvelle ère était à portée de main.

Une nouvelle qui changerait notre monde... Ton monde...

Merci de voter et de commenter ☺️

DIEU AUSSI A DES PROBLÈMESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant