L'Orphelin de Kolrid

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Je fus souvent violenté, chaque jour, je m'en souviens qu'on me harcela. Je fus, pour ainsi dire, le souffre-douleur de service ; alors chaque jour, tout le temps, je subis sans cesser plein de nouveaux sévices. Il y avait une raison valable, me disait-on, et celle-ci était que je fus différent, anormal, dangereux, et même contagieux.

Je ne compris pourquoi tant de violence, tant de haine ; les autres me parurent soudain comme des créatures diaboliques, enfantées pour faire le mal, pour faire souffrir, me faire souffrir ! Dans la rue, c'était l'enfer terrestre, je fus traité d'ordure, de bâtard, de sale orphelin ; cela me pourfendit le cœur. Je ne pus tenir.

Je me suis alors réfugié bien vite dans ma maison, dans la bâtisse qui me servait de toit, dans l'habitation qui, depuis ma naissance, me paraissait être le seul havre de paix, le seul endroit tranquille du monde, qui était mon logis. Cela faisait maintenant quinze ans que cela durait, quinze longues années pendant lesquelles je dus endurer sans broncher. Quinze années que j'ai vécu à l'orphelinat, que personne ne voulait m'adopter, que je vécus seul, sans amis, sans amour, sans aucune autre marque d'affection. Cela devint pesant, tout me parut devenir oppressant.

Ma vie ici parut être comme un orage d'où ne perce nul rayon de lumière, c'en était effrayant.

Et puis, un jour, vint l'impossible, l'impensable, le miracle. Un homme en plein hiver passa la lourde porte en chêne de l'orphelinat. Il était vieux, aussi ridé que peut être un homme. Il paraissait, être sans âge. Il fit quelques pas hésitants avant que ne vînt l'accueillir la responsable. Ils échangèrent quelques mots, puis, à voix basse, conversèrent un moment. Une fois leur messe basse terminée, ils appelèrent les autres enfants pour le dîner ; seul moi, ne fus pas convié au repas.

La responsable me dit de l'attendre dans son bureau, alors c'est ce que je fis. J'ai poussé la porte du bureau et là, je suis tombé nez-à-nez avec le vieil homme, le visiteur inconnu ; il me dit de m'asseoir avec lui, sur l'une des chaises qui se tenaient face au bureau. Il parla d'une voix faible et chevrotante, comme s'il faisait d'immenses efforts pour s'exprimer.

Nous attendîmes, lui et moi, environ dix minutes, c'est le temps que les autres prirent pour engloutir leur souper, et avant que la responsable ne reprît sa place, derrière son bureau. À peine fut-elle entrée dans la pièce, qu'elle ferma la porte et que tout d'un coup, l'atmosphère de la pièce se fit plus inquiétante, plus tendue, étouffante.

Quelques instants plus tard, elle brisa le pesant silence de la pièce, elle dit ces mots :

— Écoute, tu vas bientôt avoir dix-huit ans, nous ne pouvons plus te garder ici. Tu dois partir.

Je fus abasourdi, un poids s'écrasa sur ma poitrine, je ne pus respirer ! À ce moment, l'homme qui était resté de marbre tout le temps du discours, se mit à parler :

— Oui, mon petit, mais tu peux venir avec moi. Tu n'es pas le premier que je récupère ici, je peux te nourrir, te loger, et t'apporter tous les soins dont tu as besoin.

C'était tentant, mais je ne savais rien de lui, il était pour moi un étranger, un parfait inconnu ; tandis que l'orphelinat, ici, c'était la maison que j'avais toujours connue... Mon seul abri face au terrible monde extérieur, ma seule échappatoire à la réalité.

Ce choix fut difficile, mais devant l'insistance de l'homme et de la responsable, je dus bien céder à la proposition.

Je partis donc, le soir même, dans le froid de l'hiver, avec l'homme, curieux personnage. J'ai passé plusieurs jours avec lui, dans une étrange maison, semblable à un institut, un truc dans ce genre. C'était un point très chaleureux...

Je parcourus toute la demeure, je la connus par cœur, sur le bout des doigts... Enfin, c'est ce que je croyais. Après quelques mois, l'homme m'amena dans la cour, et ouvrit une étrange porte, invisible au premier regard. Je ne l'avais pas remarqué. Nous passâmes cette porte, et l'atmosphère se modifia instantanément. Une tension palpable s'installa dans la pièce obscure, dans laquelle je pénétrai. Des dizaines d'adolescents comme moi se figèrent. Le vieil homme m'a dit de m'installer puis, héla un jeune homme d'imposante stature et dit :

— Emmène-le ! Il faut qu'il soit opérationnel.

Le géant acquiesça d'un signe de tête et attendit que l'ancêtre soit parti pour s'adresser à moi de sa voix dure, semblable aux officiers de l'armée que je voyais dans certains films.

Après quelques remarques, il m'envoya me changer, et annonça l'heure du dîner.

À table, nul ne parlait, le silence régna en maître. Nous mangeâmes tous ensemble, sans un bruit, sans un mot notre repas, qui n'était franchement pas très ragoûtant. Après avoir mangé, nous partîmes tous nous coucher, dans des dortoirs communs. Nous étions plus de huit dans la toute petite pièce qui nous servait de chambre.

Nous n'avions qu'à peine dix mètres carrés pour nous tous ; c'était fort désagréable pour moi, mais cela convenait ou semblait convenir à mes camarades. Je n'y compris rien !

Je dormis mal, hanté par toutes sortes de cauchemars dans lesquels je restai enfermé dans une toute petite boîte et que je commençai à m'étouffer. Je me suis réveillé plus d'une fois en sueur parmi mes camarades.

À l'aurore, une sirène retentit, nous réveillant tous en sursauts, il était temps de se lever.

Je suivis les autres, je me suis habillé, avec un uniforme grisâtre. Puis, après avoir fait mon lit au carré, je me mis à table. Nous étions bien cinquante, autour de la grande table de hêtre qui trônait au centre de la salle commune, pourtant le silence était pesant. Nous n'entendîmes seulement que le cliquetis des couverts.

Quelques minutes plus tard, nous prîmes tous la route pour la salle d'entraînement. Nous rentrâmes dans la salle, elle était merveilleusement équipée, mais était aussi véritablement crasseuse. Malgré ma répugnance, je dus user des machines, car sinon j'avais affaire à l'entraîneur, l'homme de forte stature qui m'avait accueilli. Ces yeux étaient remplis de hargne.

L'entraînement dura des heures, il était éreintant, il dura toute la journée, pratiquement sans pauses.

Cela dura pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, nous devînmes des soldats, des machines à tuer.

Un jour, en plein milieu de notre entraînement, le vieil homme qui m'avait enrôlé entra. Il était accompagné de plusieurs hommes, dont quatre gardes du corps, le reste était des hommes en uniforme, des officiers.

Tout le monde dans la salle s'arrêta. On n'entendit plus un bruit.

Soudain, le vieil homme parla :

— Le moment est venu, nous allons vous choisir !

Nous ne comprîmes pas. C'est alors que les officiers se sont dirigés vers nous et nous ont demandé de nous mettre en rang, ce que l'on fit prestement.

Après être passés plusieurs fois parmi nous, les gradés nous sélectionnèrent, ils nous choisirent ; seulement les meilleurs ou les mieux adaptés, d'après leur dire.

Après plusieurs minutes d'attentes pleines de stress, je fus choisi et emmené.

C'est ainsi, que je partis, et que je me fis enrôler de force au Kolrid Kommando, en tant qu'espion, comme tant d'autres avant moi.

Pour ne pas faire comme moi, ne laissez jamais la vie décider, prenez en main votre destin !

Une vie sans toi (Correction en cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant