La rencontre

6 0 0
                                    

C'était par une douce soirée de mai. Dehors, il faisait chaud, les étoiles brillaient au firmament et le soleil orange écarlate se préparait à quitter notre monde, encore une fois.

Je me promenai seul, dans les ruelles de mon petit village. La douce brise du printemps caressait ma peau et s'engouffrait dans mes vêtements et mes cheveux. Je la sentis dans tout mon être, par tous mes sens, et elle m'enivra. Ivre de plaisir ! J'ai déambulé ainsi, chassant de mes pensées ma terrible ennemie, l'horrible mélancolie.

Je ne savais où j'allais ni où je me trouvais, je n'étais que plaisir, que vie et qu'allégresse ! Je ne pouvais être mieux, déconnecté de la réalité, perdu dans mes pensées, rêvant de tout, trouvant en chaque chose une beauté, m'extasiant intérieurement devant la plus simple des choses.

Soudain, je revins à moi, mes yeux bleu acier retombèrent à terre, rompant l'échange silencieux entre les astres et mes pensées. J'ai secoué la tête, renversant mes cheveux châtains encore ébouriffés de la veille. Et je revins sur terre, dans ce monde que j'avais cherché à fuir à tout prix depuis maintenant dix-huit ans.

Je me trouvai au bord du fleuve, devant cette étendue mystique abritant mille mystères et autant de secrets. L'eau bouillonnait à mes pieds, comme semblant m'appeler. Alors, sans plus hésiter une seconde, je courus vers le majestueux saule pleureur, dont les branches plongeaient telle une grosse cloche, fabuleux abri qui se trouvait là et...

Une fois disparu aux yeux du monde extérieur, après avoir vérifié que personne ne se trouvait dans les parages, je me mis à ôter tous mes vêtements. Une fois cela fait, je me suis laissé plonger dans les méandres du cours d'eau. Les courants, contre ma peau frêle, ainsi que les nombreux et divers poissons, me firent me sentir en grande connivence avec mon environnement, en osmose avec la nature, en union avec le monde. Je fis partie d'un tout, d'un merveilleux ensemble, de la pyramide naturelle.

Après plusieurs longues minutes dans cet état d'extase sensorielle, je rouvris les yeux que j'avais fermés quelques instants plus tôt. Je sentis alors une présence étrangère à mes côtés. Inquiet, je me mis à chercher d'où pouvait venir cette sensation désagréable, celle de quelqu'un qui vous observe. J'en ai vite trouvé la source.

Une silhouette était apparue, elle s'était approchée sans que je l'aie remarquée. Effrayé, je bondis. Puis je me suis calmé. À travers les branches du saule, j'ai remarqué qu'il s'agissait d'une jeune fille de mon âge, tout aussi surprise que moi. Je lui avais fait peur en me relevant aussi brusquement.

Tandis que je replongeais, en me confondant en excuses, je la vis qui, prise par un élan de gêne, détourna le regard et rougit. Alors, j'ai profité qu'elle avait le regard détourné pour remonter sur la berge et enfiler mes sous-vêtements, mon pantalon et mes chaussures en un éclair, tel un sprinteur sur la course des 100 mètres.

Quelques instants plus tard, je l'ai abordée, avec un sourire désolé.

— Bonsoir, désolé de t'avoir fait peur. Ce n'était pas mon intention, lui dis-je.

Elle était confuse de m'avoir découvert, mais tenta de garder contenance. Après un silence pesant, je me suis décidé à lui parler.

— Moi, c'est Alex, et toi ?

Je la voyais hésiter à me répondre. Elle se mordait la lèvre, intimidée par ma présence. Après une légère attente, elle me répondit :

— Moi, c'est Lily.

— Enchanté, Lily, lui répondis-je. Que fais-tu à cette heure-ci, dehors ?

— Je flânais, rien de plus, me répondit-elle.

— À cela, je lui ai répliqué : As-tu envie de flâner ensemble ?

— Pourquoi pas, rétorqua-t-elle.

J'ai ramassé ma chemise posée un peu plus loin et l'enfilai immédiatement.

— Je suis prêt, dis-je alors.

C'est donc sur ces mots que notre périple crépusculaire commença.

Nous avançâmes, tous deux, dans les sombres ruelles qui parsèment le village, nonchalamment et sans peur, goûtant enfin la totale liberté.

Nous marchâmes en silence, d'abord, puis, au fur et à mesure que montait dans le ciel la lune Opaline, nos langues se délièrent, et nous discutâmes allègrement.

Nous parlâmes de nous, de nos vies, de nos goûts et de nos peurs. C'était fabuleux. C'était rare que je parle autant, moi, l'homme froid et taciturne. C'était exquis. J'en ai même pleuré.

L'air était frais ce soir-là. Et on commença à éternuer. Alors, nous décidâmes de rentrer. Je l'ai raccompagnée. Nous échangeâmes nos adresses, à défaut de numéro de téléphone. Puis, je repartis. Je suis rentré chez moi. La tête dans les nuages, ivre encore de cette soirée.

Je me suis couché, épuisé, sans avoir même mangé. Je me suis écroulé, l'esprit encombré de rêves, de balades nocturnes et de créatures fantastiques.

Quelques heures plus tard, je me suis réveillé dans la douceur matinale, au son de la brise contre les volets, à la lumière du doux soleil doré à peine sorti de son œuf. Je me réveillai toujours à l'aurore. Mais jamais, je n'eus d'aussi bonne humeur qu'aujourd'hui.

Je me trouvai euphorique. Je ne savais ce qui m'animait, mais une chose était sûre, celle-ci était bénie.

Après avoir mangé, m'être habillé, m'être apprêté, je sortis de chez moi. Je me rendis chez Lily, pour voir comment elle allait.

Ravie, elle m'ouvrit et nous allâmes flâner. Nous revînmes au fleuve que nous longeâmes. Nous grimpâmes la colline, traversâmes les plaines, les champs, les blés. Ce fut une merveilleuse aventure.

Nous marchâmes côte à côte, admirant l'horizon et parlant. Nous blaguâmes, pleurâmes. Nous ressentîmes tout. C'était incroyable. Lily et moi, dans ces moments, semblions inséparables. Pourtant...

Nous partageâmes tant de moments comme celui-ci que je ne saurais plus les compter. Nous partageâmes bien des heures, des jours et des semaines. Nous étions vraiment proches.

Mais notre lien, aussi résistant soit-il, ne pouvait résister aux assauts du temps et des sorts. Un jour, nous dûmes nous séparer. Nous déménagions tous deux. Elle s'en allait au sud, vers de lointains rivages, moi, j'ai dérivé au nord, pays aux nébuleuses montagnes.

Hélas, en plus de cette séparation, nous n'avions aucun moyen de nous contacter. Seule notre ancienne adresse nous reliait. Nous étions donc à jamais séparés. Tels Roméo et Juliette que la mort avait éloignés, nous étions deux fantômes, condamnés à errer l'un sans l'autre pour toute l'éternité.

À partir de ce jour, je n'ai plus trouvé le repos. Nulle part, je n'étais chez moi. Partout, j'étais étranger.

J'ai marché, marché... Un beau jour, je me suis arrêté et vous ai raconté mon histoire...

Ainsi se finit donc mon histoire, celle d'Alex, éternel vagabond. 

Une vie sans toi (Correction en cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant