IV - Mutisme

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Stanley, bien qu'il tenta de dissimuler sa peine, était visiblement affecté par la mort de Scott. Contrairement à ce qu'on pouvait attendre d'un commandant, il ne voyait pas ses subordonnés comme de simples pions. Ils étaient ses amis.

— Nous allons préparer une cellule spécialisée pour cet androïde. En attendant, trouvez-lui un nom.

— Un nom ? répéta Steve, surpris.

— Oui. Si nous voulons établir une communication régulière, il faut bien l'appeler autrement que "machine", répondit Stanley calmement.

Steve hocha la tête et se tourna vers ses camarades.

— Des idées ?

— Franchement... je n'ai pas trop envie de le nommer, répondit Emily avec un soupir.

— Je comprends, mais faisons ce que Stanley a demandé. Ça ne devrait pas être si difficile. Que diriez-vous de l'appeler Echo ? proposa Victor.

— Echo ? Pourquoi ce nom ? demanda Steve, intrigué.

— Parce que ce nom symbolise bien un être qui réfléchit, qui fait écho à ce qu'il aurait dû être, mais qui remet tout en question.

Steve acquiesça en silence, puis se tourna vers Emily pour recueillir son avis. Après un court moment d'hésitation, elle hocha la tête à son tour.

La cellule était prête. D'autres brigadiers, postés dans un coin de la pièce, leur firent signe d'avancer. Ils emmenèrent le nouveau détenu dans la cellule sécurisée. Derrière les barreaux, l'androïde demeurait impassible. Toute trace d'émotion ou de conscience semblait avoir disparu, comme si cette étincelle de vie n'avait été qu'une anomalie passagère dans sa programmation, et qu'il était désormais revenu à son état initial.

Steve prit une profonde inspiration avant de tenter une première approche.

— Echo, pour commencer, est-ce que tu es capable de me comprendre ? Si c'est le cas, fais-moi signe.

Le silence s'étira, lourd et pesant. Echo ne bougea pas. Aucune réaction. Steve répéta sa question, cette fois avec plus de fermeté, mais le résultat fut le même : un mutisme total. Stanley observait la scène, et Steve ne pouvait s'empêcher d'appréhender sa réaction.

— Ce n'est pas grave s'il ne répond pas aujourd'hui, Steve. Nous retenterons demain, dit Stanley avec une voix calme.

Le commandant n'était pas déçu, il savait qu'il faudrait du temps. Il avait confiance en la brigade, et en leur capacité à percer ce mystère.

Pendant ce temps-là, à Caldera, le quartier modeste et vivant de la ville d'Aurum, la phase de recrutement trimestrielle battait son plein. C'était l'occasion où chacun, peu importe ses origines, pouvait espérer rejoindre les rangs de la prestigieuse Brigade de Recherche. Parmi la foule des candidats se tenait un jeune homme du nom de Mark Palamon. Depuis son plus jeune âge, Mark nourrissait une fascination profonde pour les androïdes, ces mystérieuses créatures mécaniques. Son seul rêve : intégrer la brigade, non pas pour se battre, mais pour les étudier, comprendre leurs actions.

Cependant, au fil des années, l'essence même de la brigade avait changé. Autrefois dévouée à la recherche et à la connaissance, elle était désormais perçue comme un bastion de défense contre la menace des androïdes rebelles. Les nouvelles recrues, souvent motivées par la peur ou la volonté de protéger leurs proches, s'engageaient pour la guerre, pas pour la science. Mais pour Mark, c'était différent. Il voulait percer les mystères de ces machines, pas les détruire.

Mark savait que son chemin ne serait pas facile. À Caldera, peu de gens comprenaient son obsession pour les androïdes. La plupart voyait en eux des ennemis, pas des sujets d'étude. Mais ce jour-là, face aux officiers recruteurs, il était prêt à prouver que sa passion pouvait faire la différence. Sa motivation ne résidait pas dans l'envie de combattre, mais dans l'espoir de trouver des réponses là où d'autres ne cherchaient que des menaces.

La première épreuve de l'examen de la brigade était un test de connaissances rigoureux. Mark, assis parmi les autres candidats, se concentra sur les questions figurant sur sa feuille. On lui demanda de répondre à des questions sur la vitesse moyenne de déplacement des androïdes, les différents équipements utilisés par la brigade, la fréquence des assauts contre la ville, et même la taille moyenne des androïdes.

Puis vint la question cruciale : "Selon les données actuelles, quand arrivera le prochain assaut d'androïdes ?"

Mark se redressa. Il savait que cette question était décisive. Après une brève réflexion, il inscrivit sa réponse : six jours. Il avait lu et relu les rapports. Pour lui, c'était la seule estimation qui faisait sens.

Une fois l'épreuve terminée, les candidats devaient patienter trois heures avant de connaître leur sort. Mark, confiant, retourna chez lui pour discuter avec ses parents. Il savait que cette première épreuve n'était qu'une formalité pour lui. C'était les étapes physiques et tactiques qui le préoccupaient le plus.

Trois heures plus tard, la lettre tant attendue de la brigade arriva. Mark l'ouvrit d'un geste assuré, ses yeux parcourant rapidement les lignes. Toutes les réponses étaient validées... sauf une.

La dernière question. Celle sur le prochain assaut.

Il s'était trompé. Il n'aurait pas dû répondre six jours, mais quatorze. En rouge, à la fin de la lettre, il y avait un mot qui lui fit l'effet d'un coup de poing : "Recalé".

Mark resta figé un moment, le regard vide. Il avait échoué là où il s'était senti le plus sûr de lui. Il avait du mal à l'accepter, à comprendre comment il avait pu se tromper. La déception l'envahit, un sentiment de trahison envers lui-même.

Six jours plus tard, alors que la ville vaquait à ses occupations, que la brigade continuait à interroger Echo, un assaut d'androïdes se dirigea brutalement vers Aurum. Aucun signal d'alerte n'avait été déclenché. Personne n'était prêt.

Mark, depuis sa fenêtre, regarda avec horreur la fumée s'élever au loin, là où la première ligne de défense venait d'être brisée. Il avait eu raison. Et personne ne l'avait écouté.


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Wouah, c'était riche en retournements, n'est-ce pas ? Alors, que pensez-vous de Mark ? Comment se fait-il qu'il ait eu raison ? Il ne fait même pas partie de la brigade ! 

DissonanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant