XI - Imposture

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— "Suis-moi, Blake"

Ces mots frappaient Mark comme une migraine, résonnant en boucle, martelant son front depuis l'intérieur de son crâne. Il se trouvait au milieu de toutes les émotions négatives qu'il avait connues jusque-là : il fuyait la tristesse en courant vers la déception, se cachait de la peur aux côtés du dégoût...

Il venait de voir son père partir avec l'homme qui semblait incarner la source de toute la violence du monde, l'homme qui paraissait commander aux androïdes de semer le chaos !... Et là, sa mère, la femme qui l'avait élevé, gisait morte au sol, une dague plantée dans le cœur... Charles n'avait montré aucun signe d'affliction, pas le moindre.

Mark devait agir rapidement. Sa mère était étendue sans vie, et l'homme qui détenait la vérité s'échappait un peu plus à chaque seconde de réflexion qu'il s'autorisait. Il fallait faire preuve d'esprit critique et non céder à l'émotion, mais c'était bien plus facile à dire qu'à faire...

Mark fit quelques pas vers la porte, et chacun d'entre eux lui donnait l'impression d'être un monstre sans cœur, abandonnant ainsi sa mère. La culpabilité le rongeait, mais il en voulait encore plus à son père, qui, à cet instant, semblait l'avoir trahi, lui, et toute la ville d'Aurum.

Ses pieds marquaient le bois craquelant du sol, portés par la colère qui s'éveillait en lui. D'un geste brusque, il frappa la porte, comme pour exiger qu'elle lui cède le passage avec respect. Quelques passants le regardèrent avec surprise.

Mark tourna la tête frénétiquement pour repérer Blake et son père, mais il semblait déjà trop tard. Un dilemme s'imposa à lui : devait-il continuer sa recherche ou courir prévenir la brigade de la présence de Blake en ville ? Cette décision devait être prise rapidement, et même s'il avait l'impression de trop réfléchir, ce qui lui parut une éternité ne dura en réalité qu'une poignée de secondes.

Il se décida. Mark se précipita. La direction choisie fut aléatoire, il avait seulement prit soin d'emprunter le chemin le plus désert, car il pensa bien que Charles ne voulait pas semer la confusion sur sa route en se traînant un homme à la couleur unique.

Il fila à toute allure à travers cette sombre ruelle qui, par son étroitesse, ne laissait filtrer aucune lueur du soleil. C'était le genre de passage que personne n'osait emprunter à Caldera, car il évoquait trop le quartier de Noctis, réputé pour son insécurité. À Caldera, on murmurait souvent que Noctis était la capitale de la voyoucratie. Et à Noctis, personne ne murmurait quoi que ce soit.

Les pas effrénés de Mark portaient la marque du désespoir, et il savait pertinemment que ses chances de retrouver la trace de Blake et de son père étaient minces. Il haletait, un sanglot d'agonie étranglant sa respiration, tandis que la douleur de la trahison lui provoquait des crampes au cœur, une souffrance aussi intense que déconcertante.

C'est alors qu'il entendit des murmures sur sa droite et s'arrêta net. Il passa discrètement sa tête, se cachant derrière un mur de pierre craquelée. Là, dans une cour abandonnée, Charles et Blake discutaient. Blake se tenait debout, marchant en cercle, tandis que Charles, assis sur une chaise vieille d'au moins un siècle, le regardait silencieusement.

— Je suis navré de devoir vous dire cela, prince, mais puisque le créateur nous veut sincères, je vous avoue que, malgré mes efforts, vous faire confiance me paraît impossible, dit Blake en ponctuant ses mots avec soin.

— Je vous assure, Blake, que cette méfiance est tout à fait mutuelle. Permettez-moi de vous rappeler que vous m'avez fait tuer ma femme. J'ai d'ailleurs obéi immédiatement, si cela ne vous suffit pas, vous avez probablement un pire crime en tête, dit Charles en esquissant un sourire.

— Rien de ce que nous faisons ne doit être considéré comme un crime, prince, j'aimerais ne plus entendre ce mot de votre bouche. Le créateur n'aurait jamais accepté qu'un homme auquel il a donné le Coeur épouse une humaine lambda. Je ne l'ai moi-même pas reçu, mais j'ai eu mieux !... J'ai eu l'éducation du maître. Et c'est pourquoi je peux affirmer que cette femme avait, elle, commis le réel crime : arracher la place d'une autre en vous épousant, rétorqua Blake gravement.

— Blake, j'ai accepté de suivre vos directives, car je crois vraiment que vous êtes unique et que vous agissez dans l'intérêt de l'humanité. Cependant, je dois vous avouer quelque chose. Vous savez probablement que le Cœur donne un grand pouvoir d'intuition ? demanda-t-il d'un air rhétorique.

— Un grand pouvoir d'intuition ?... Prince, si cela est baliverne...

— Oh ! Alors vous ne savez pas !... Écoutez, ce grand pouvoir d'intuition, il ne m'a jamais menti. Et aujourd'hui, le grand Blake, l'homme qui fut choisi !... Il se tient devant moi, et pourtant, pas un seul de ses mots ne me donne l'impression qu'il est autre chose qu'un complet ignorant, le coupa Charles.

— Comment ? Il est de plus en plus difficile de vous croire, prince. Si j'en écoute vos paroles, je devrais en conclure que le créateur m'aurait menti ? envoya Blake, méfiant.

— Oh, non ! Nous savons combien il déteste le mensonge. Je ne crois pas qu'il vous ait menti, mais plutôt qu'il a omis de vous dire toute la vérité.

Mark écoutait cette conversation sans en comprendre un mot. L'agacement montait en lui face à ces histoires de mensonge et de vérité. Il savait que l'humanité était trompée, mais il ignorait à quel sujet... Cela aurait pu être n'importe quoi, peut-être avait-on menti à l'humanité sur les satellites, sur les animaux, sur le sable, le temps, les arbres... Il se rappela qu'Echo avait dit que tout était un mensonge, mais alors dans ce cas Echo mentirait aussi ?... C'était sans fin, un paradoxe dont on espérait trouver la solution. Mais les paradoxes n'en ont pas.

Il se pencha et ramassa une pierre pointue au sol. Il sortit de sa cachette, le rocher en main.

— Père ! lança t-il avec rage.



Eeeet... C'est la fin du chapitre ! 

N'oubliez pas de voter s'il vous a plu.

Alors, à votre avis, que voulait dire Echo par "Tout" ?

Ce Blake, ce Charles, que pensez-vous d'eux ?

ps: le livre va reprendre son rythme de publication initial.

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