Chapitre 47

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Emma n'en revenait toujours pas. Son corps avait atterri comme prévu, mais son esprit était encore si loin... Elle ne réalisait pas ce qui l'entourait, ne comprenait pas ce qu'on lui disait, répondait machinalement sans même savoir ce qu'elle racontait, ne voyait même pas ce qui était devant elle. Comme si elle était quelque part au fond de son être et qu'elle laissait un pilotage automatique gérer ce qui lui arrivait. Elle était passagère d'elle-même, de la même manière que lorsque l'on prend un train ou un avion : on est assis dedans, mais on met ses écouteurs, on lance un film, on ouvre un livre, on se concentre sur son travail... et on n'a finalement pas du tout conscience du paysage extérieur. Sauf les rares fois où on relève la tête pour jeter un œil à travers la vitre.

Elle ne parvint pas à sortir de sa torpeur, même en arrivant à l'hôtel. Elle n'aurait même pas su dire combien de temps s'était écoulé depuis l'atterrissage, ne se souvenait pas avoir récupéré ses bagages ni même avoir échangé avec la personne qui était venu la chercher dans le hall. Elle se trouvait plantée devant un comptoir d'accueil, laissant la femme à sa droite gérer le côté logistique – avait-elle réellement fait le trajet avec elle depuis l'aéroport ? N'était-ce pas avec un homme ? – avant de récupérer la carte qu'on lui tendait et les horaires de petit-déjeuner. Elle entendit vaguement qu'on lui parlait d'un rendez-vous ; elle acquiesça machinalement et se dirigea vers l'ascenseur. Le numéro 412 était inscrit sur sa carte ; elle en déduisit qu'elle devait se rendre au quatrième étage. Jusque-là, rien de trop compliqué.

Une main vint se poser sur son épaule, ne la faisant même pas sursauter. Il s'agissait de la réceptionniste qui lui tendait son passeport oublié au comptoir au moment de son enregistrement. Ah bon ? Elle avait donné son passeport ? Elle sourit poliment, la remercia et récupéra ses papiers d'identité avant de monter dans la cage métallique. Les portes se rouvrirent au bon étage, et elle n'eut qu'à suivre les flèches pour arriver devant la porte 412. Elle fit glisser la carte sur la poignée et ouvrit, poussant ses valises à l'intérieur. Elle se stoppa net en voyant qu'une autre valise était déjà posée dans la chambre et que deux pieds apparaissaient en bout de lit. Elle faillit faire demi-tour, mais une voix familière qui semblait s'extraire du sommeil se fit entendre :

« Emma ? »

Jamais son propre nom ne lui avait semblé aussi beau, ni dit avec autant de douceur ou de... sensualité ? Soudainement, le monde entier retomba sur ses épaules après deux ou trois uppercuts qui la poussèrent aux portes du K.O. Ses jambes la soutenaient à peine. Comment avait-elle pu oublier ce « détail » ? Comment avait-elle pu oublier Johanne ?

Cette dernière se leva du lit et passa la tête dans le couloir qui menait à la porte. Une vision qui aurait projeté Emma contre le mur si ses pieds avaient été capables de décoller du sol. La violence de ce retour à la réalité était indescriptible. Sa conscience réintégra son corps en une fraction de seconde, avec tout ce que cela engendrait : le stress, la peur, l'insécurité, Sophia, Johanne, les milliers de kilomètres qui la séparaient de son pays, le film, la tournée, l'hôtel... et la chambre commune.

Ce fut trop et elle ne put physiquement pas supporter le choc. Elle s'effondra, prise de vertiges, la respiration suffocante. Une crise de panique. Elle n'en avait jamais faite, ce qui accentua d'autant plus ses inquiétudes, ne comprenant pas vraiment ce qui se passait. Les yeux grand ouverts, elle regarda en direction de Jo, suppliante. Celle-ci se précipita, son inquiétude atteignant son paroxysme. Mais elle reconnaissait les signes et prit un ton doux et rassurant :

« Emma, essaie de te calmer, dit-elle posément. Ecoute ma voix, accroches-y toi. Sers ma main si tu m'entends bien. »

Emma distingua ses propos : les premiers mots semblaient être lointains, mais ils s'étaient rapprocher au fur et à mesure. Elle s'exécuta donc, tout en ayant de plus en plus de mal à faire entrer de l'air dans ses poumons.

DilEmmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant