Crystal.

Chapitre 7 : L'autre bâtiment

"Ils sont des bâtiments jumeaux à quelques détails près..."

   Maddie s'assoit d'office à côté de moi l'air excédé. Je me balance doucement sur la balançoire avec un demi-rire.

-J'en connais une qui a des problèmes ou qui s'ennuie, à voir...

-Non ça va je ne m'ennuie pas, mais Crys, on a le droit de rien faire sous prétexte que l'on est en 2nde et tu sais pas la meilleure?

   Je la regarde attentive en la questionnant du regard.

-On doit faire la vaisselle! Il y a je ne sais combien de domestiques et on est de corvée!

   Je pouffe alors qu'elle devient écarlate. Elle me fera toujours rire. Reprenant mes esprits, je lui demande si c'est bien la propriétaire des lieux qui les supervise. Elle me répond à l'affirmative et je continue de lui soutirer des informations.

-Je sens tout de même qu'elle est profondément gentille même si elle nous donne des tâches ménagères à faire, elle a dû recevoir des ordres de nos professeurs afin de nous responsabiliser. Mais autrement, elle est très gentille, ajoute-t-elle.

   Je suis alors surprise de ces révélations. Ma sœur a une capacité, assez efficace et impressionnante, à détecter si une personne a un bon fond ou non. Pour le coup, je lui fais à cent pour cent confiance là-dessus. Bizarre, lorsque j'ai croisé cette femme l'autre soir elle paraissait assez aigrie.

-Dis moi Maddie, est-ce que tu sais si la proprio a quitté votre auberge pour venir voir la notre hier soir?

-Je ne crois pas, du moins lorsque l'on était encore debout elle trainait toujours dans les parages.

   Et c'est là que je tilte. Il y aurait alors deux propriétaires? Des jumelles peut-être? Après tout pourquoi pas, finalement nous n'avons pas vraiment eu de présentations officielle des membres qui composent ce domaine. Je demande à Maddie de me prêter un pull, prétexte pour entrer dans l'autre bâtiment, aucune interdiction n'a été donnée à ce sujet. En entrant, je constate quelque chose de flagrant : l'intérieur ressemble trait pour trait au notre mais de taille tout à fait normale, de la largeur et longueur de la bâtisse extérieure. Je rajoute ce détail dans un coin de ma tête. Pas de vitrail, juste de grandes fenêtres très justement dimensionnées. On arrive dans la chambre de Maddie qui parait aussi spacieuse que la mienne. Je remarque qu'au coin de l'étage se trouve la même porte mystérieuse, trois fois moins menaçante que celle qui est à notre étage, mais elle aussi condamnée. Elle me donne son pull et nous quittons l'auberge pour rejoindre les autres dans le jardin. Maddie me fait un debrief de sa première journée qui s'est apparemment très bien passée, puis elle me laisse pour rejoindre ses amis.

   Je retourne vers la balançoire, mon nouveau spot préféré.

-Oups, je t'ai piqué la place Sherlock !

   Je passe ma main dans les cheveux d'Aaron pour les mettre en bataille.

-Eh !

-C'est moi le chef ici, je réplique, laisse moi la place ou sinon...

-Sinon quoi? dit-il d'un air moqueur et les yeux pétillants de malice.

-Rien laisse tomber, j'ai pas d'idée, dis-je en détournant le regard.

    Je me laisse tombée à la place où se trouvait Maddie un peu plus tôt et décide de lui raconter tout ce que je viens d'apprendre. Aaron semble réfléchir à mes conclusions peut-être trop hâtives et me dit :

-Premièrement Sherlock, lorsque vous aurez envie de vous balader dans un endroit interdit prévenez moi afin que je puisse être là pour vous protéger, deuxièmement prenons les choses dans l'ordre, et si nous retournions devant la porte rouge pour essayer de croiser à nouveau la proprio et l'observer?

   Je le regarde admirative. C'est exactement ce à quoi je pensais un peu plus tôt pour vérifier mes théories.

-C'est d'accord, rendez-vous avant le repas de ce soir devant la porte rouge !

-Et maintenant tu veux bien me dire ce que tu t'es fait à l'avant-bras? me questionne-t-il sans relâche.

-Si je te le dis tu ne me croiras jamais.

   Il arrête de se balancer et s'assoit dans l'herbe pour être à ma hauteur en entourant ses jambes de ses bras. Il plante son regard dans le mien, comme chaque fois qu'il veut obtenir une information de moi ou pour me persuader de quelque chose.

-Tu sais très bien que c'est faux, je te crois toujours, regarde où on en est Sherlock.

   Je lui raconte alors l'étrange rêve que j'ai fait cette nuit et lui dis que j'avais sûrement fait la première crise de somnambulisme de ma vie avec tous les évènements agités d'hier.

-Vu que j'ai vu cette blessure de mes propres yeux je penche pour la théorie du surnaturel, dit-il avec un clin d'œil.

-Mouais, dans ce cas comment expliques-tu que les filles ne m'ont pas vue bouger d'un pouce de la nuit?

-Je n'en sais rien et voilà un autre sujet qui s'ajoute à notre liste de choses étranges !

   Je souris et fatiguée je m'allonge dans l'herbe. Ce jardin est plutôt agréable avec cette légère brise. Le ciel est d'un bleu sans nuage et les feuilles des arbres qui bruissent légèrement suffisent à ce que je m'assoupisse un moment. Je sens Aaron me regarder et se perdre ensuite au loin l'air grave avant que je ne plonge dans ma sieste.

   A mon réveil, j'ai le visage d'Aaron un peu trop proche du mien. Il dort à point fermé. Je m'assois et le regarde. Il me parait un peu fatigué et inquiet ces derniers temps. A moins que je ne me fasse des idées. Je regarde les autres qui entrent petit à petit dans leur bâtiment respectif. Je décide de réveiller Aaron tout doucement afin de le prévenir que j'allais faire un tour.

-Attends-moi je viens aussi.

-Non tu as l'air épuisé, va te reposer, quelle idée de faire un footing aux aurores !

-Ne va pas très loin alors, on ne sait pas ce qui se trame ici, s'inquiète-t-il.

-Promis.

   Je l'aide à se lever et il me serre la main avant de se diriger vers la bâtisse en compagnie de Samson et Alois. J'ai besoin de m'aérer l'esprit encore un peu avant notre enquête de ce soir. Je sors enfin un petit carnet que j'avais apporté pour la cueillette aux champignons et décide d'y écrire tous nos soupçons à l'intérieur. Une fois le papier noircie de mes idées les plus farfelues, je marche vers la forêt où nous étions ce matin  et décide de créer un plan du domaine sur mon carnet. La forêt borde le jardin dans lequel les deux bâtisses sont implantées de façon tout à fait symétriques. Mais depuis l'endroit où je me trouve, je ne vois qu'une auberge du fait des arbres qui entourent ces deux-là. Le jardin est immense et la route ne se trouve pas à côté. On est vraiment dans un hameau entièrement piéton. Je continue mon observation quand un bruit de feuilles dans les arbres m'interpelle. Je suis sûre d'avoir vu une forme se dessiner et faire bouger ces feuilles. Sûrement un écureuil, mais je me le note tout de même. Je décide enfin de rentrer, une rencontre nous attend.