Chapitre 8 : La rencontre

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"Si tu as un rêve, il faut être prêt à le perdre pour l'accomplir."

   En entrant dans la chambre, je surprends les jumelles, Eldon et Alois en pleine discussion. Ça a l'air plutôt sérieux et je décide d'écouter d'une oreille le temps de ranger les affaires.

-Moi je la trouve super, elle est gentille et serviable, elle sourit toujours, dit Eldon.

-Non mais toi t'es pas objectif, réplique Mara.

-Moi j'avoue qu'au début j'étais un peu happé par son charme mais elle renvoie en effet quelque chose d'intriguant, dit Alois.

-D'inquiétant tu veux dire ! T'en penses quoi Crystal?, me demande Mara.

   Je les regarde étonnée qu'il me pose une question sur une discussion dont je ne fais pas partie.

-Vous parlez d'Hortense? (hochements de têtes affirmatifs) Hm, je ne sais pas je ne l'ai pas beaucoup croisée. Elle a l'air normale je crois?

-Eldon l'a surprise avec un sweat noir en train de roder à l'étage et elle s'est faufilée dans sa  chambre  d'un air ultra suspect en jetant des regards partout, raconte Saëlle, comme  si...

-Comme si rien du tout je pense qu'elle était fatiguée c'est tout, coupe Eldon.

-Je ne suis pas d'accord, tu es dans un déni complet mon grand, dit Mara, c'est ultra bizarre comme comportement, non?

   Je les regarde tour à tour. En fait, je n'avais pas remarqué que les autres se posaient des questions également. Il faut dire qu'après l'activité du matin, le quartier libre de l'après-midi est moins excitant et peut-être tout le monde cherche-t-il à trouver des mystères là où finalement il n'y en a pas pour s'occuper... Même moi? Je décide de hausser simplement les épaules et de sortir de la chambre, les laissant à leur débat. Hortense serait alors aussi étrange? Je me note ça, sait-on jamais.

   A l'étage, avant de se séparer en deux couloirs qui desservent l'aile gauche et droit du bâtiment, il y a un petit salon près de l'escalier. Je décide de me poser sur le canapé avec un livre et des écouteurs en attendant l'heure de rendez-vous que l'on s'est fixée avec Aaron. De là où je suis, je peux voir une partie de la porte en bois rouge au bout du couloir sombre. Cette partie du bâtiment fait vraiment peur, elle provoque chez moi une sensation d'étourdissement, comme si l'obscurité du couloir était infinie. Je replonge dans la lecture de mon livre avant d'être à nouveau attirée par la porte. Cette fois, c'est une sensation d'appel que j'ai. La porte est en train de me chuchoter de m'approcher ! C'est la goutte d'eau qui fait débordée le vase, je décide plutôt de descendre explorer le rez-de-chaussée, dommage, c'était un bon spot d'observation ce petit salon.

   Lorsque l'on descend les escaliers, on tombe sur la grande salle, d'un côté se trouve le réfectoire, de l'autre le salon et une bibliothèque. Je m'assois sur un fauteuil de la bibliothèque. Je devrais être tranquille par ici. Comme la plupart des pièces, la bibliothèque parait immense une fois qu'on y entre, depuis le salon elle parait singulière. Samson et Molly sont en train de jouer sur la télé du salon. Il n'y a qu'eux. Je me demande ce que tout le monde fait de ses heures de libres sachant que l'on a pas le droit de s'éloigner de notre bâtiment. L'heure du repas approche et mon rendez-vous aussi.

   18h40, je me lève et monte les escaliers avec une certaine appréhension. Je prends le temps de déposer mon livre sur la petite table du salon de l'étage puis je me tourne en inspirant tout le courage que j'ai. Mon dernier souvenir de cette porte c'est mon rêve et je ne l'ai pas franchement aimé. Je m'approche doucement et je sens la chaleur rassurante d'Aaron qui vient d'arriver à mes côtés.

-Bien dormi mon cher Watson? , je demande les yeux rivés sur la porte.

-Mouais.

-Et d'ailleurs, cher acolyte, je n'ai aucunement besoin de protection.

-Mouais, répète-t-il.

   Je tourne finalement la tête vers lui : il a une mine boudeuse et fatiguée.

-Tu t'es reposé au moins?

   Il me regarde l'air de dire "tais-toi et avance, j'suis pas d'humeur".

-Bon j'ai compris, prêt?

-Prêt.

   Nous arrivons après ce qu'il nous parait être une éternité devant la porte. L'affiche d'avertissement est toujours là. Il fait plutôt sombre et la porte parait moins menaçante que dans mon rêve. Je remarque qu'il y a bien une serrure mais pas de clé.

-Bon, eh bien on fait quoi maintenant? demande Aaron.

-Je ne sais pas, et si on cherchait une clé?

   Nous regardons autour de nous et je comprends alors.

-Aaron, je pense que c'est Hortense qui garde les clés.

   Je regarde alors la chambre d'Hortense qui est évidemment close. Nous avons interdiction d'y entrer. Je regarde ensuite Aaron et il comprend de suite ce que j'ai en tête.

-Non Crys, non, non et non mauvaise idée. Déjà qu'on est flippé tous les deux à l'idée de rencontrer la propriétaire alors entrer dans les appartements d'Hortense... Impossible crois-moi. Puis, ce doit être verrouillé à double voir triple tour.

   Je fais la moue et décide de revenir plus tard, seule quand tout le monde sera à table, même Hortense. Et je n'en dis évidemment pas un mot à Aaron, une enquêtrice doit savoir mener son enquête seule parfois.

-Eh les jeunes, venez manger, nous passons à table.

   Hortense s'approche de nous un  grand sourire aux lèvres.

-J'espère que vous ne faisiez rien d'interdit tous les deux et que vous attendiez simplement que les toilettes se libèrent?

   J'acquiesce, un peu intimidée de la trouver là, ce n'était pas elle que nous attendions, mais je me lance à l'eau:

-Dites, cette porte nous intrigue, elle est plutôt menaçante cette pancarte, c'est normal de la trouver là alors que ce bâtiment accueille des jeunes?

-Nous n'avons pas réussi à l'enlever avant que ce bâtiment ne devienne une auberge, dit simplement Hortense en souriant.

-Qu'est-ce qui se trouve derrière la porte?

-Oh juste un débarras maintenant, j'imagine qu'à l'époque cette pièce devait servir de geôle ou autre, mais je l'ai vu cette pièce et elle ne renferme plus rien. Attention aux fantômes tout de même, plaisante-t-elle en fixant Aaron, un sourire éclatant aux lèvres. Maintenant descendez à table et que je ne vous reprenne pas ici tous les deux près de mes appartements.

   Aaron part devant et, le suivant de très près, j'aurais juré voir le regard d'Hortense planté sur mon bandage que je m'efforce de cacher, le visage fermé et froid à mon passage près d'elle. Je rejoins Mara et Saëlle sur ce que renvoie cette fille : elle cache forcément quelque chose.

-Un débarras hein? dis-je en descendant les escaliers derrière Aaron, je n'y crois pas une seconde.

-Pourquoi pas? Si ça se trouve on se fait des films Crys.

   Je lui montre à nouveau mon bras avec un regard insistant.

-Bon d'accord, ce n'est peut-être pas un débarras. Mais j'ai l'impression qu'on est coincé Crys, il faut qu'on laisse tomber.

   Laisser tomber? Depuis quand il me croit capable de laisser tomber? J'attrape son épaule pour le regarder dans les yeux.

-Aaron tu vas bien?

   J'écarquille les yeux de stupeur lorsque je croise son regard : un regard vide, presque sans vie.

Crystal.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant