Chapitre 2 - Wilhelm

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Onze heure trente. Le prof nous laisse sortir une demi-heure à l'avance et je lui en suis reconnaissant. J'ai un papier à finir pour ma mère à envoyer ce soir et j'ai à peine commencer.

- Will' ! Tu viens pas manger ? M'appelle Henry.

- Je dois faire un truc, je vous rejoins après. Commencez sans moi.

Lui et son meilleur ami, Walter, ne se font pas prier et courent en direction du réfectoire. Moi, je vais en sens inverse d'eux, vers les dortoirs.

J'aurais aimé ne jamais avoir à envoyer ce papier disant que je suis apte à reprendre les rennes de l'entreprise quand mes parents ne le pourront plus. Il y a encore quelques semaines, c'était Erik, mon grand frère, qui devait le faire. Il n'est malheureusement plus de ce monde et, étant le prochain de la lignée, tout me retombe dessus. En un mois, j'en ai fait autant que lui en vingt ans.

La porte de ma chambre s'ouvre toute seule, sans que j'ai besoin d'introduire les clefs. Je suis pourtant sûr de l'avoir verrouiller avant de partir en cours ce matin. J'ai dû avoir une absence et oublier de le faire, ça m'arrive souvent ces temps ci. Je balance mon sac sur mon lit et me pose à mon bureau. Mes affaires de cours partent aussi sur mon lit, mais je garde les papiers de l'entreprise avec moi. Tous ce petit ménage fait un boucan monstre mais bon, il n'y a per...

- On t'a jamais appris à respecter le sommeil des autres ?

Je me tourne vers la droite, où un homme est couché dans le lit. La couette jusqu'au menton et ses boucles brunes qui lui tombent devant les yeux, je n'arrive pas à savoir à qui j'ai affaire.

- Qui es tu  ? Et qu'est-ce que tu fous dans ma chambre ?!

Il s'assit dans son lit et fait passer ses boucles derrière ses oreilles pour les maintenir en place.

- Ton nouveau coloc, il me répond simplement.

Mon nouveau coloc ? On m'en avait jamais parlé. Ou alors, c'est encore une absence de ma part. Putain, j'aimais bien ma solitude, moi...

- Je suis aussi heureux que toi de devoir partager la chambre, Wilhelm. Donc je te propose que tu fasses tes trucs de ton côté, et je fais les miens de mon côté. Mais n'abuse pas sur le bruit, je dors.

Il ne dit rien de plus et se recouche, dos à moi. Il connait mon prénom, mais comment s'appelle-t-il ? Il n'a pas l'air de très bon humeur, n'a pas l'air d'être souvent de bon humeur, alors je ne demande rien. J'ai un papier à finir, de toute façon.

J'ai toujours détesté les papiers comme ça, même quand Erik était à ma place. Il me montrait parfois ce qu'il devait faire, et je détestais. C'est maintenant mon tour à moi de remplir tout ça. Apte à reprendre l'entreprise familial, quelle blague. Je n'arrive même plus à suivre en cours depuis le jour fatidique de sa disparition. Le papier ne demande rien d'important. Mon nom, mon prénom, ma date de naissance. Comme si mes parents ne le savaient pas... On finit par entrer dans des termes plus compliqué, surtout quand on est qu'en première année. Les études que je ferais après mon diplôme ? Aucune idée. Je ne sais déjà pas si je serais toujours là demain, alors savoir ce que je ferais dans trois ans...

J'aimerais aller en art. Felice me dit que j'ai un vrai talent pour l'art plastique, et c'est vrai que j'adore ça. Mais maman ne voudra jamais, ce n'est pas ce qu'elle veut pour notre famille. Rien que m'acheter une tablette graphique, il a fallu que je fasse des pieds et des mains. J'ai fini par lui promettre que, si elle me l'achetait, je serais plus assidu en cours. Puis Erik est partie... Désormais, je dessine dès que j'ai un petit temps libre, pour m'éviter de penser. Mes notes sont en chute libre, tout comme ma santé mentale, mais ma mère s'en fou du deuxième, il n'y a que la première qui compte.

Je finis par inscrire l'école que maman adorerait que je fasse sur le papier. Je n'irai peut être pas, mais, au moins, cette discussion ne sera pas maintenant.

Puis on me demande mes handicaps, et je bloque. Un handicap ? Je n'ai jamais été diagnostiqué de quoi que ce soit, même si je pense qu'un psy dirait rapidement un verdict. J'ai essayé d'aller voir celui de l'école, mais je trouvais l'endroit pas assez privé, personnel, alors je n'ai pas réussi à parler.

Sur mon bureau, mon téléphone vibre. Je l'ouvre pour voir un message de Felice.

Felice : Tu es où ?

Wilhelm : Chambre. Je dois finir le papier pour ma mère.

Felice : Oh. Et ça va ?

Wilhelm : Ouais, il demande des choses simples.

Felice : Non, mentalement. 

Wilhelm : Oh. Mentalement, non. Erik le faisait, avant. C'est pas vraiment le fait de devoir le faire, qui me met mal. C'est plus le fait que ça me rappelle sans cesse que mon frère n'est plus là.

Felice : Tu veux que je passe ?

Wilhelm : J'adorerais, mais je crois pas que mon nouveau coloc serait du même avis.

Felice : Ton nouveau coloc ? 

Wilhelm : Ouais, on a décidé de mettre quelqu'un dans ma chambre.

Felice : Toi qui adorais la solitude et le calme de ta chambre...

Wilhelm : Je suis dégouté...

Wilhelm : Retrouve moi à la cafet. J'ai besoin de ton soutient.

Situation familial. Nombre de frère et de sœur. Zéro, il est mort.

I draw your songs. I sing your drawings.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant