Alors que je pénètre dans l'appartement en essayant de faire le moins de bruit possible, ma mère est assise à la table de la cuisine. Etonnamment, elle a l'air réveillée, presque en forme, je dirais.
- T'étais où ?
- Pourquoi ? Tu t'es inquiétée peut-être ?
- C'est pas la question ! Où t'as dormi ?
- En fait, t'en as rien à foutre en réalité, t'as juste peur que je te cause des ennuis, c'est ça ? Tu peux aller te recoucher sans crainte, j'ai dormi chez un ami, c'est tout.
Elle me regarde sans vraiment me répondre, mis à part une sorte de grommellement. Je décide de l'ignorer et d'aller dans ma chambre.
- Et cet ami, t'as couché avec hein !
Je me fige alors que j'allais sortir de son champs de vision. Je n'ose pas me retourner. Comment peut-elle me dire ça avec tant de certitude. Comment peut-elle aborder un sujet si personnel avec moi, elle qui m'ignore depuis si longtemps. Une larme pointe à l'horizon quand je me mets à rêver d'avoir cette discussion que tant de de jeunes comme moi idéalisent, au moment d'avouer leur différence. Et si...
- Je te parle !
Au ton tranchant qu'elle vient d'utiliser, je ne pense pas que nous rêvions des mêmes choses, elle et moi. Ca fait longtemps que la magie qui opère entre une mère et son fils a cessé de briller dans ce foyer. Dans ce demi-foyer, devrais-je même dire. Je me retourne et :
- Maman.
Ca fait des siècles que je n'ai plus utiliser le plus beau nom au monde, celui que l'on devrait prononcer le plus, celui, comme un cadeau, qui vous réconforte en toute circonstance, celui que les soldats qui meurent sur le front prononcent tous, dans un torrent de larmes, quand ils se rendent compte que la vie s'échappe de leurs veines.
Sur le front, j'y suis mais l'amie est une ennemie, la mère, une prédatrice. Je décide d'en faire fi et jouer au petit gay qui veut se blottir très fort dans le réconfort de celle qui l'a mise au monde. J'y ai droit, bordel ! Et si elle s'obstine à ne rien comprendre, alors je claquerai la porte, définitivement.
Elle me regarde. Le ton, tout doux, que j'ai utilisé, la manière dont je l'ai regardée dans le fond des yeux, elle a compris que je moment était solennel.
- Maman, je ne comprends pas tout ce qui m'arrive ces derniers temps mais je pense bien préférer les garçons aux filles. J'espère que ça ne changera rien pour toi. Je veux dire, je ne suis pas certain que tu m'aimes tant que ça, je commence à penser que, moi non plus, je ne sais plus trop comment t'aimer depuis que papa est parti mais, c'est peut-être l'occasion de se réconcilier, toi et moi.
Au fur et à mesure que je lui déroule ce que j'avais envie de lui dire, tout au fond de mon coeur, les larmes se sont faites bien plus abondantes que je ne m'y attendais. Ma voix tremble de plus en plus, ma respiration suit le même chemin.
- J'aimais bien comment tu étais avant, pas ce que tu es devenue. Ce que je suis en train de t'avouer, autant à toi qu'à moi-même, ça pourrait nous aider à refaire des pas l'un vers l'autre. Moi, je veux bien te comprendre, accepter ce que tu es devenue et t'aider à remonter la pente et toi, ça me ferait tellement de bien si tu m'aidais à gravir la mienne.
Je ne sais plus continuer, les sanglots se multiplient, m'empêchant d'aller plus avant. Elle en profite pour intervenir. Enfin.
- Mon chéri.
Elle pleure mais elle ajoute :
- Je suis devenue un monstre alors que je croyais être une victime. Et toi, tu ressembles tellement à ton père que je t'en voulais comme à lui. Viens-là.
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Le vestiaire
General FictionDeux inconnus dans un vestiaire. Attention, c'est chaud... A ne pas mettre devant tous les yeux.