Chapitre 3: Enquête discrète

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PDV Marco

Peu de gens en ville semblaient la connaître, et elle se tenait toujours à l'écart des autres. Même son nom est inconnu. A vrai dire le mien aussi.

Il était rare de la voir échanger plus que quelques mots avec quelqu'un, et lorsqu'elle le faisait, c'était de manière furtive, presque pressée. Son arrivée était récente, et bien que personne ne pose trop de questions ici, sa présence n'était pas passée inaperçue. Pour un village aussi petit que le nôtre, l'arrivée d'une nouvelle personne suscitait toujours un certain intérêt, même si elle semblait tout faire pour s'effacer.

J'aurais tendance à penser qu'elle est sans doute trop timide pour tenir une conversation avec des inconnus. Mais mon côté parano ne veut pas y croire.

Je savais déjà qu'elle venait de la ville. C'était ce qu'elle avait répondu à ceux qui s'étaient aventurés à l'interroger, expliquant vaguement qu'elle cherchait une vie plus tranquille après des "événements difficiles".

Mais il y avait plus.
Je pouvais le sentir.

Elle n'était pas simplement là pour fuir un passé douloureux, comme tant d'autres l'avaient fait avant elle. Non, chez cette fille, il y avait autre chose, une lueur dans son regard, quelque chose qui n'avait rien à voir avec la fuite. C'était une détermination brûlante, comme si elle était venue ici pour un objectif bien précis, un but qu'elle poursuivait discrètement.

Mes journées se suivaient, toujours marquées par cette étrange fascination que j'éprouvais pour elle. Ce n'était pas de la simple curiosité. C'était plus profond, plus viscéral, comme un avertissement silencieux, me poussant à rester sur mes gardes. Et pourtant, je continuais à l'observer de loin. Chaque matin, je buvais mon café sur le porche, scrutant la rue où elle passait rapidement, la tête baissée. Ses allées et venues étaient toujours les mêmes : des sorties discrètes, des retours tardifs, souvent avec des sacs ou des livres sous le bras. Il y avait quelque chose de presque méthodique dans ses gestes, comme si chaque déplacement était calculé.

Ces sorties nocturnes m'intriguaient encore plus que ses habitudes diurnes. Pourquoi sortir aussi tard, dans une ville où il ne se passait jamais rien après la tombée de la nuit ? À chaque fois que je la voyais disparaître dans les ruelles sombres, je sentais ce même tiraillement au fond de moi, comme un appel que je ne pouvais ignorer.

C'est ainsi qu'un soir, alors que je l'apercevais de nouveau, j'ai décidé de la suivre. Ce n'était pas vraiment prémédité. J'avais simplement agi sur une impulsion. Peut-être que je cherchais des réponses, ou peut-être que je voulais juste comprendre pourquoi elle m'obsédait à ce point. Quoi qu'il en soit, je me suis retrouvé à marcher dans l'ombre, à une distance raisonnable, mes pas silencieux dans les rues pavées.

Ce soir-là, elle revenait de la bibliothèque municipale. Je l'ai vue en sortir avec une pile de vieux journaux sous le bras. Elle avait l'air plus préoccupée que d'habitude, comme si elle avait trouvé quelque chose dans ses recherches, quelque chose qui la troublait. Elle marchait rapidement, ses yeux jetant des regards furtifs autour d'elle, vérifiant si elle était suivie. J'ai ralenti, restant hors de sa vue, mais assez près pour ne pas la perdre.

Après quelques minutes, elle tourna dans une ruelle sombre, une de celles qui longeaient le vieux quartier du village. J'ai accéléré le pas, sachant que cette rue n'avait pas d'issue directe. J'avais déjà parcouru ces ruelles des dizaines de fois, et je savais qu'elle n'avait pas beaucoup de directions possibles pour échapper à une conversation. Je ne savais pas pourquoi je voulais lui parler, mais je sentais que le moment était venu de briser cette distance silencieuse entre nous.

Je l'ai rejointe alors qu'elle s'apprêtait à sortir de la ruelle, les bras toujours encombrés par ses journaux.

— Tu es nouvelle ici, n'est-ce pas ? lui ai-je lancé, d'une voix plus douce que ce que j'avais prévu.

Elle sursauta légèrement, surprise par ma présence soudaine, puis se tourna vers moi. Ses grands yeux bruns me fixaient, remplis d'une méfiance à peine voilée. Elle resta un instant immobile, comme si elle évaluait si elle devait fuir ou répondre.

— Oui, répondit-elle finalement, sa voix à peine audible. Depuis peu.

Je sentais sa réticence, mais quelque chose me poussait à continuer. Je ne pouvais plus me contenter de l'observer de loin.

— Marco, me présentai-je, brisant le silence qui s'était installé entre nous.

Elle hésita avant de répondre, comme si elle pesait chaque mot.

— Clémonte, dit-elle enfin, avec une certaine réserve.

Je notai le prénom dans mon esprit, comme une pièce manquante d'un puzzle que je tentais de résoudre depuis des semaines. Clémonte. Original. Je dirais que ça ressemblait un peu comme à de l'italien. Il sonnait étrangement doux, presque innocent, mais en même temps, il y avait quelque chose de plus. Une histoire cachée derrière ce prénom, quelque chose que je ne comprenais pas encore.

Un silence s'installa de nouveau entre nous. Elle semblait prête à s'éclipser à tout moment, ses pieds déjà orientés vers la sortie de la ruelle, comme un animal sur le qui-vive. J'essayai de la mettre à l'aise, de trouver un terrain neutre pour que la conversation se poursuive.

— Si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, je suis juste en face, ajoutai-je maladroitement en me grattant la nuque.

Elle devait me prendre pour un idiot.

Elle hocha légèrement la tête, sans vraiment répondre. Puis, sans un mot de plus, elle tourna les talons et disparut rapidement dans l'obscurité.

Je restai là, seul dans la ruelle, le cœur battant encore. Cette brève rencontre ne m'avait pas apporté les réponses que je cherchais, mais au moins, je savais maintenant son prénom. C'était un début, mais il me fallait plus. Il y avait encore trop de mystères autour d'elle, trop de zones d'ombre que je ne pouvais ignorer.

Le lendemain, je me leva et d'un bon j'attrape un pantalon brun et un t-shirt blanc que j'enfilais en vitesse. Je noua mes lacets de chaussure comme un pro. En fait je décidais d'aller fouiner à la bibliothèque municipale. Si elle y passait tant de temps, il devait bien y avoir une raison. Les vieilles archives du village pouvaient peut-être m'apprendre quelque chose, un indice sur ce qu'elle cherchait. Une fois sur place, je parcourus les rayons, cherchant à voir quels documents ou journaux elle avait pu consulter récemment. Heureusement, la vieille bibliothécaire, Madame Dupuis, se souvenait de tout.

— Ah, cette jeune femme ? Elle vient souvent ces derniers temps, dit-elle en ajustant ses lunettes. Elle demande beaucoup de vieux journaux, principalement des archives locales. Je crois qu'elle fait des recherches sur une famille d'ici, les Pravin, mais elle n'a pas donné beaucoup de détails.

Les Pravin ? Ce nom me disait vaguement quelque chose. Une vieille famille du village, disparue depuis des décennies. Que pouvait-elle bien chercher sur eux ? Intrigué, je demandai à consulter les mêmes archives que Clémonte.

En feuilletant les journaux, je tombai sur une série d'articles évoquant des événements tragiques qui avaient frappé la famille Pravin dans les années 1950. Leur fils unique, Gabriel, avait mystérieusement disparu à l'âge de vingt ans, et malgré des recherches intensives, on n'avait jamais retrouvé sa trace. Les rumeurs allaient bon train à l'époque, certains parlaient de meurtre, d'autres de fuite. Mais une chose était claire : la disparition de Gabriel avait marqué la fin de la lignée des Pravin.

Pourquoi s'intéressait-elle à cette histoire ? Je ne comprenais pas encore, mais une chose était sûre : ce n'était pas un hasard si elle était venue dans ce village. Et d'une manière ou d'une autre, cette ancienne affaire devait être liée à sa présence ici.

Le mystère autour de Clémonte s'épaississait, et je sentais que j'étais en train de me mêler de quelque chose qui me dépassait. Mais il était trop tard pour faire demi-tour.

Pas de rédemption sans vengeance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant