Chapitre 4: Ombres du passé

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PDV Marco

Je n'aurais jamais imaginé que cette journée,
en apparence ordinaire, marquerait un tournant dans ma vie. Je m'étais accoutumé à la monotonie de ce village, à ses visages familiers, aux habitudes que j'avais adoptées pour effacer tout ce qui me rattachait à mon passé. Mais voilà qu'une nouvelle venue avait bouleversé ce fragile équilibre. Chaque jour, son mystère s'épaississait, et je me surprenais à être de plus en plus obsédé par elle, par ses allées et venues, par cette distance qu'elle mettait entre elle et le monde.

Et moi.

Ce soir-là, après notre courte conversation dans la ruelle, je ne parvenais pas à me débarrasser de ce sentiment étrange, comme si quelque chose d'invisible m'avait happé. Sa voix, son regard... Tout chez elle me semblait à la fois familier et étranger.

Cela m'intriguait et j'aimais ça.

J'aimais ça? Oui.

Qui était-elle vraiment ? Pourquoi ses réponses étaient-elles si évasives ? Pourquoi ressentais-je cette connexion inexplicable avec elle, alors que nous ne nous connaissions que depuis quelques semaines ?

Je retournai chez moi, mais mes pensées restaient fixées sur elle. Il y avait un poids dans l'air, une tension invisible que je ne pouvais pas expliquer. Depuis son arrivée, je ressentais une étrange angoisse, comme si une menace silencieuse planait au-dessus de moi. Le village, habituellement si calme, semblait soudainement imprégné d'un mystère que je ne comprenais pas. Et au centre de tout cela, il y avait Clémonte. J'étais incapable de me sortir cette idée de la tête : elle n'était pas ici par hasard.

Les jours suivants, je la croisai à nouveau, à plusieurs reprises. Elle continuait de m'éviter, ne me saluant que brièvement avant de disparaître. Et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de sentir que quelque chose la retenait ici. J'avais commencé à remarquer des détails que j'avais ignorés au début. La manière dont elle se tendait lorsque nos regards se croisaient, le léger tremblement dans ses mains lorsqu'elle s'éloignait de moi trop rapidement.

Elle me cachait quelque chose, j'en étais certain.

Alors que la nuit tombait sur le village, une étrange résolution prit forme en moi. J'avais besoin de savoir. De comprendre qui elle était et pourquoi sa présence me troublait autant. Je me surprenais à vouloir percer ses secrets, comme si mon instinct me poussait à découvrir une vérité que je redoutais.

Je enfin pris une décision. Je devais la confronter, en savoir plus sur elle, sur ce qu'elle cherchait réellement dans ce village.

Je me rendis donc chez elle, le cœur battant d'une étrange nervosité. Le petit chemin de terre qui menait à sa maison semblait plus long que d'habitude, comme si mes pas traînaient sous le poids des questions non résolues. Lorsque j'arrivai devant sa porte, j'hésitai un instant avant de frapper.

Clémonte ouvrit la porte avec un regard surpris, presque inquiet. Pendant une fraction de seconde, j'hésitai, me demandant si je ne faisais pas une erreur.

— Je suis désolé de te déranger, dis-je, tentant d'adopter un ton calme. Mais je pense que nous devrions parler.

Son visage se referma instantanément, comme si elle savait ce qui allait suivre. Elle me fixa, sans un mot, puis ouvrit la porte en grand, m'invitant silencieusement à entrer. L'intérieur de sa maison était aussi sobre et neutre que je l'avais imaginé : peu de meubles, des objets soigneusement rangés, presque aucun signe de personnalité. Mais ce qui me frappa, ce furent les coupures de journaux empilées sur une petite table, des articles datant de plusieurs années, couvrant des événements que je n'avais pas revus depuis longtemps.

Mon regard s'attarda sur l'un des articles. Une image s'imprima immédiatement dans mon esprit : une explosion. Des visages flous, un chaos indéfinissable, et au milieu de tout cela, un nom qui me glaça le sang. « Pravin ».

Je relevai les yeux vers Clémonte. Elle se tenait là, immobile, ses bras croisés, me fixant avec une intensité qui me fit frissonner.

— Pourquoi tu t'intéresses à tout ça ? murmurai-je, bien que je devinai déjà la réponse.

Son visage se durcit. Ce masque de vulnérabilité qu'elle portait d'ordinaire semblait s'être fissuré.

— Tu ne te souviens pas, n'est-ce pas ? lâcha-t-elle, sa voix froide et tranchante. Tu ne te souviens de rien.

Je restai silencieux, sentant que ce qui allait suivre ne serait pas facile à entendre.

— Je... balbutiai-je, incapable de trouver les mots. Je ne savais pas de quoi elle parlait.

— Que quoi ? Tu ne savais pas qu'il y avait des innocents ? siffla-t-elle, les yeux brillants de colère et de larmes retenues. C'est facile pour toi de prétendre que tu ne savais pas, de changer de vie, de changer de nom, mais moi, je vis avec ça chaque jour.

— Clémonte, je... commençai-je d'une voix cassée.

Elle me regarda avec une telle intensité que j'eus l'impression de voir toute sa souffrance, toute sa rage concentrée dans un seul regard.

— Et maintenant ? demanda-t-elle doucement, presque en un murmure. Qu'est-ce que tu comptes faire ? Tu vas me dire que tu regrettes ? Que tu es désolé ?

Ses mots étaient comme des lames, chaque question une nouvelle coupure dans ma conscience déjà meurtrie. J'avais passé des années à fuir cette partie de ma vie, à me convaincre que j'avais fait ce qu'il fallait pour survivre. Même si je ne savais pas de quel événement elle parlait exactement, en voyant Clémonte devant moi, en sentant le poids de sa douleur, je réalisais que ma fuite n'avait jamais suffi. Ce passé me rattrapait, et il n'y avait plus d'échappatoire.

Le silence s'installa entre nous. Je pouvais sentir sa confusion, son tourment. Elle avait bâti sa vie autour de cette quête de vengeance, et maintenant que j'étais là, la réalité était bien plus complexe que ce qu'elle avait imaginé.

-Maintenant dégage de chez moi!

Elle me poussait presque dehors. Je n'ai elle pas eu le temps de de lui demander de quel drame elle me parlait, il y'en a eu tellement.

La porte claqua derrière moi, me laissant seul dans la nuit froide. Ses mots résonnaient encore dans ma tête comme des coups de marteau. Je me sentais étouffé, incapable de comprendre entièrement ce qu'elle m'avait reproché, mais une chose était claire : quelque part dans mon passé, dans cet océan de violence et de trahisons que j'avais laissé derrière moi, il y avait quelque chose qui la concernait directement. Quelque chose qui avait détruit sa vie.

Mais il y avait eu tellement de violence à cette époque, tellement de vies brisées par les décisions impitoyables que nous avions prises. Je ne pouvais pas me souvenir de chaque détail.

Je marchai sans but précis, cherchant des réponses dans l'obscurité du village endormi. Mais elles ne vinrent pas. Seules les ombres du passé dansaient devant moi, insaisissables, comme des fantômes qui me narguaient. Mon esprit s'embrouillait sous le poids des souvenirs refoulés. Des visages, des événements se mélangeaient. Ce village, cette paix que j'avais cru pouvoir trouver ici, tout cela semblait soudainement dérisoire.

Je m'étais toujours efforcé de garder une distance avec mon passé. De ne jamais trop regarder en arrière. Mais la vérité est que ces années ne m'avaient jamais vraiment quitté. Et maintenant, Clémonte, ou peu importe son vrai nom, me forçait à ouvrir cette boîte de Pandore que j'avais scellée si soigneusement.

Pas de rédemption sans vengeance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant