RAFAEL
Une semaine. Cela fait une semaine que nous sommes mariés, et aujourd'hui, elle a enfin emménagé. C'est étrange de dire « enfin », comme si ce moment avait une saveur d'attente, de tension suspendue. Elle est arrivée plus tôt avec ses quelques bagages, peu de choses, comme si elle ne voulait rien emporter de superflu dans cette nouvelle vie. Elle s'est installée dans la chambre sans un mot de plus, tandis que je me suis réfugié sur le canapé, allumant la télévision dans une tentative désespérée de combler le vide qui semble flotter autour de nous.
Je fais défiler les chaînes, une à une, mais rien n'accroche mon attention. Les images défilent sans que je parvienne vraiment à les voir, mon esprit ailleurs, prisonnier d'un tourbillon de pensées. Le silence de l'appartement n'est brisé que par le murmure étouffé des dialogues à l'écran, un bruit de fond insignifiant face au poids de la situation.
À un moment, je laisse échapper un long soupir et laisse tomber ma tête en arrière, mes yeux se perdant dans le plafond. Ce soir, même la vue de Las Vegas qui s'étend devant moi n'a pas l'éclat habituel. Du haut du Sky, les lumières de la ville, qui d'ordinaire scintillent semblent étrangement ternes. Mon propre esprit qui les assombrit, comme si la distance qui me sépare d'elle, aussi proche soit-elle physiquement, jetait une ombre sur tout ce qui m'entoure.
La chambre dans laquelle elle s'est retranchée est à quelques mètres de là, mais c'est comme un monde à part. Je me demande à quoi elle pense, ce qu'elle ressent, mais chaque pensée mène à la même conclusion : elle me voit encore comme l'homme qui l'a brisée, qui a détruit une partie d'elle. Cette distance entre nous est aussi profonde qu'un gouffre.
Un bruit subtil rompt le silence : le léger grincement de la porte de sa chambre. Mon cœur se serre, et je comprends que Jade vient de sortir. Elle est là, tout près, mais je reste immobile, le regard toujours fixé sur l'écran, feignant une attention qui n'existe pas.
Chaque fibre de mon corps est consciente de sa présence, de chacun de ses mouvements à peine perceptibles. Pourtant, je fais de mon mieux pour ne rien montrer, pour ne pas croiser son regard, pour ne pas risquer de l'étouffer d'une attention qui pourrait lui peser. La vérité, c'est que je n'ai aucune idée de ce qu'elle pense, de la manière dont elle perçoit cette vie partagée, ce mariage qui n'a pas le moindre éclat de bonheur. Et je me dis que peut-être, si je reste silencieux, si je l'ignore juste un instant, elle se sentira moins oppressée, plus libre.
L'atmosphère est étrange, chargée d'une tension douce-amère. J'entends ses pas légers contre le sol, chacun résonne dans mon esprit, et je lutte pour ne pas tourner la tête vers elle. Pourtant, l'envie est là, presque irrésistible, comme un besoin de vérifier qu'elle est bien réelle, qu'elle n'est pas simplement une ombre que je me contente de traquer du coin de l'œil.
Je prends une inspiration discrète, m'efforçant de me détendre, de faire semblant de ne pas attendre la moindre interaction.
La vibration dans ma poche brise le silence pesant et me sort de ma tentative d'indifférence. D'un geste presque machinal, je sors mon téléphone, et mon regard se pose sur l'écran. C'est un message de Jade. Juste quelques mots, simples, mais qui me touchent d'une manière que je n'aurais pas imaginée :
"Elle est où la cuisine, s'il te plaît ?"
Sans réfléchir, mes yeux glissent vers elle. Elle est là, debout, son regard vague mais attentif, attendant une réponse. Pour la première fois, je prends vraiment le temps de l'observer. Sa silhouette est soulignée par un pantalon en coton noir et un t-shirt à manches longues, une tenue sobre qui, pourtant, met en valeur chaque courbe de son corps. Mais ce n'est pas sa silhouette qui m'attire, bien qu'elle soit impeccable dans cette simplicité brute. Non, ce qui m'aspire irrésistiblement, c'est son visage.
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Hate me if you can-TOME II
RomanceMensonge, meurtre, rivalité et...mariage ? Un amour qui devait laisser es cicatrices peut également réparer