𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐈𝐈𝐈

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Rafael

Derrière moi, le grincement sourd de la porte se fait entendre, comme un gémissement étouffé de l'univers lui-même, m'annonçant qu'une âme s'apprête à franchir le seuil. Lorsqu'elle entre enfin dans mon champ de vision, le souffle me manque. Mon cœur se serre, lourd de regrets et de honte. C'est elle. Celle que j'ai brisée, celle à qui j'ai arraché des fragments d'âme avec la cruauté d'un bourreau aveugle, insensible à ses propres actes.

Devant moi se dresse la preuve vivante de mes crimes. Chaque parcelle de son être porte l'empreinte des souffrances que je lui ai infligées. Oh, les blessures ne sont pas visibles pour le commun des mortels, mais pour moi... chaque infime tremblement de ses lèvres, chaque regard fuyant et terrifié, chaque battement de cœur résonne dans l'air comme un cri silencieux de désespoir. J'ai imprimé sur sa chair les stigmates d'une douleur muette, gravé dans son esprit des cicatrices invisibles mais éternelles.

Je la regarde, fasciné, comme un noyé qui contemple une dernière fois la surface de l'eau avant de sombrer dans les abysses. Elle est magnifique dans sa fragilité, hypnotisante dans cette terreur glaciale qui l'immobilise. Elle ne bouge pas, elle ne respire presque plus. Son silence est un ouragan de peur. Mais moi, je suis le déluge.

Je détourne finalement les yeux, incapable de supporter davantage l'ampleur de ce que j'ai fait. Ce n'est pas simplement sa terreur qui me heurte, c'est l'évidence : elle a raison d'avoir peur. Je suis un monstre, un être déchu, et c'est moi qui l'ai détruite. Il n'y a aucun doute, aucune excuse qui puisse atténuer cette vérité accablante.

Chaque parcelle de moi hurle de remords, mais je sais au fond qu'il est trop tard. Comment pourrait-elle me pardonner quand je ne peux même pas me pardonner à moi-même ? Je l'ai réduite à l'état de spectre, une ombre d'elle-même, et c'est ma faute. Mon cœur se consume, rongé par le feu des souvenirs, par les images de ses supplices, de ses larmes qui coulent sans bruit dans la nuit noire de nos silences partagés.

Je hais cette existence que je traîne comme une croix pesante, une chaîne dont je ne peux me libérer. Kidnapper, torturer, tuer... Ces mots résonnent dans mon esprit comme des malédictions que je n'ai jamais voulu prononcer. Ces actes, ces horreurs que j'ai commises, ne m'appartiennent pas. Ce n'est pas moi. Ou du moins, ce n'est pas celui que je rêvais d'être.

Depuis toujours, je n'aspirais qu'à une vie simple, faite de petits bonheurs et de tendresse, loin de cette spirale infernale. Une vie où la lumière douce du matin viendrait réchauffer les cœurs, où les rires remplaceraient les cris. Mais ce rêve s'est évanoui, brisé comme du verre sous le poids de mes actes. Il ne me reste plus rien que des regrets amers, des fantômes et des vies dévastées.

Et elle, là, devant moi, est le plus cruel rappel de ce que je suis devenu.

Le temps a filé, implacable, insensible à la douleur qu'il laisse dans son sillage. Pourtant, malgré la fuite des jours et l'illusion d'un apaisement, les traces de mes méfaits demeurent, indélébiles. Elles se sont enracinées dans la peau de nos vies comme des cicatrices que même les années ne peuvent effacer. Les horreurs que j'ai infligées sont gravées bien au-delà de la chair, dans des couches profondes de l'âme, là où le temps n'a pas de prise.

Je l'observe encore, cette femme que j'ai détruite, et je vois que les années n'ont rien effacé. Rien adouci. Les marques sont toujours là, invisibles aux yeux du monde, mais terriblement évidentes pour celui qui les a tracées. Chaque frémissement de ses mains, chaque mouvement hésitant, me rappelle l'ampleur du mal que j'ai semé. Son regard fuyant est comme un miroir brisé dans lequel je me perds, incapable de supporter le reflet de mes propres monstruosités. Le poids du temps n'a rien guéri. Il n'a fait que renforcer les chaînes de cette culpabilité qui me ronge, jour après jour.

Hate me if you can-TOME IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant