L'horloge affiche trois heure.
Il fait nuit noire. Le moment idéal. Je souris, soulève lentement mes jupes, et descends rapidement les marches de marbre.
J'ai entendu des domestiques parler d'un local près des écuries. Un local !
Qui prend la peine d'aménager un local ? Dans un Manoir ! Quelle utilité ?Mon esprit a de suite imaginé des possibilités infinies. La curiosité emporte toute prudence, j'arrive en bas des marches, essoufflée. J'ai pris la décision d'explorer le Domaine d'Oberlaine. Une femme qui a connaissance de son territoire est une femme puissante, me disait mon père.
Mon père. Ma gorge se serre à son souvenir.
Où se trouvent les écuries ?
Je passe la grande porte à double battants, et me retrouve les pieds dans l'herbe humide, frappée par un vent glacial. Je respire sans restriction, la brise matinale. Que j'aime ça !
Je ne m'attarde pas plus, en m'enfonce plus loin dans le Domaine. Je m'enfonce dans les ténèbres de la nuit, ma légère robe flottant au vent, me fondant dans le décor. L'herbe, si fraîche contre mes orteils... tout cela me fait remonter tant de souvenirs...***
12 septembre 1845
— Je ne comprends plus rien... ils disaient que mon père s'était fait tuer au front, en héros ! Ai-je chuchoté.
Agnes a éclaté d'un rire nerveux, manquant de renverser son verre de vin dans l'herbe. Son sarcasme m'a fendu le coeur. Elle s'est arrêtée, et m'a attrapé le poignet, me contraignant à l'attendre, et à la fixer dans les yeux.
— Ma jolie, quand il s'agit de cet homme là, la vérité ou le mensonge n'existent plus !
Les larmes me montent aux yeux. De tristesse ou de soulagement ? Je ne sais plus.
Mon père est-il vivant ? M'attend t-il quelque part ?
— Colombine, ne vous accrochez pas à lui. Votre père est mort. Il n'y a aucun doute.
Ses mots brusques et violents me font l'effet de coups de poignards, enfoncés toujours plus profondément dans mes chairs. J'en suis blessée au point d'en avoir la respiration coupée.
— Cet homme vous a surement menti sur la façon dont il a trépassé, mais il ne l'aurait laissé vivant. Votre père est décédé. Assassiné. Par Gabriel Brown. Vous n'y pouvez rien, ma chère, souffle Agnes.
Tué. Gabriel Brown. Ton père.
Ma conscience m'a répété ses mots, qui me restaient en travers de la gorge.
Tué. Brown. Père.
Tue. Brown.
Agnes m'a prise dans ses bras. J'ai lentement posé ma tête sur son épaule, j'ai fondu en larmes.
— Tout ira bien, ai-je finis par articuler.
Rien n'allait. Rien n'irai bien tant que cet homme serait en vie. Je relève le menton en essuyant mes larmes. Il était de mon devoir de venger mon père.
Je serre mes poings tremblants. J'en fais la promesse.
***
6 août 1844
Je marche, toujours plus loin. Le corps abîmé, le cœur déchiré. Je marche. Encore, et encore, sans jamais parvenir à m'arrêter. Je marche.

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STUCK
RomantikVengeance... vengeance... vengeance. Ce même mot qui tournait en boucle dans son crâne sans jamais s'arrêter. Un véritable monstre qui l'empêche d'avancer. Car son nom signifie « paix » mais elle apportera vengeance. Chaque jour, chaque heure de sa...