Comment allons-nous sortir de là ?
Je m'essuie les yeux du revers de ma manche, la gorge serrée. La femme sous moi ne dit mot, les yeux fixés sur moi. Je me relève et recule de plusieurs pas, libérant l'inconnue de ma prise, étudiant ces réactions du regard. Je n'arrive pas à penser cela possible.
Amel est en vie.
Amel, cette esclave que j'avais rencontrée dans le bateau.
Amel est parvenue à s'échapper du convoi.
Une nouvelle vague de tristesse et de culpabilité mêlées me prend à la gorge et me force à m'asseoir sur le sol. Je prends une grande inspiration tremblante, et appuie ma tête entre mes mains agitées de soubresauts. Le soleil d'août me brûle le dos, lancinant. Il assèche la végétation et fait perler la sueur sur mon front. Amel se lève et vient se placer devant moi en se massant la nuque. Ses yeux lancent des éclairs.
Elle croise les bras sur sa poitrine et son regard brûlant rencontre le mien. Je renifle en me frottant les paupières, telle une enfant. Ma tête tourne douloureusement et ma vision se teinte de noir.
— Je suis désolée, ai-je murmuré. Excusez moi de vous avoir lâchement abandonnée sans éprouver le moindre remord. Excusez moi de n'avoir cherché à vous retrouver. Bien que cela soit impossible, je vous demande pardon.
Je plante mes iris dans les siens, aux tonalités glaciales, relevant le menton. Amel se mord machinalement la lèvre, retenant je ne sais quelles paroles.
— Moi qui vous pensais morte, lançais-je en me relevant maladroitement, brisant le silence de plomb qui s'était installé entre nous.
Mon interlocutrice s'est raclé la gorge, éclaircissant sa voix.
— Que vous ne me croyiez ou non, c'était le cas, m'a-t-elle finalement répondu, me laissant dubitative.
Puis elle m'a tendu son bras, toute trace de colère ayant quitté son corps.
— Marchons.
J'ai accepté son bras avec hésitation. Notre marche s'est d'abord faite rapide, alors que nous cherchions à nous éloigner des oreilles indiscrètes. Puis, lorsque nous avons atteint une clairière aux arbres desséchés par la chaleur ambiante, nos pas se sont fait plus lents, presque hésitants. Il me semblait que j'hallucinais, je ne parvenais pas à me dire qu'elle était là. L'esclave que je jugeais autrefois bien plus faible que des tas d'autres marchais près de moi, après avoir évité la mort qu'un bon nombre n'avait su essuyer.
Amel a jeté un regard autour d'elle, fuyant mon attention. Sa mâchoire s'est contractée, ses muscles se sont tendus. Soudain, elle m'a attrapée par les épaules et m'a plaquée au sol. J'ai grogne lorsque mon dos a rencontré l'herbe sèche avec un bruit sourd. Amel a verrouillé ses jambes sur moi, déchirant sa longue tunique, révélant la braie qu'elle portait en dessous.
Mes yeux se sont écarquillés. La jeune femme a sorti une lame d'une poche intérieure puis l'a approchée de ma poitrine, sa carabine étant posée sur le sol derrière elle. Elle a souri de toutes ses dents, ses yeux bleus luisants d'une menaçante lueur.
— Cinq ans que j'attends ce moment, a murmuré Amel. Cinq ans.
J'ai levé un sourcil, feignant d'être indifférente du danger qui pesait sur ma tête. Enfiler un tel masque m'était aisé désormais. Mais mon coeur palpitant et la sueur froide qui coulait le long de mon dos, trahissait la peur qui m'accablait.
— Qu'attendez-vous exactement ? lui ai-je lancé, un rictus moqueur étirant la commissure de mes lèvres.
Ma remarque a dû l'énerver, car pour toute réponse, j'eu droit à un coup violent dans la mâchoire. J'ai étouffé un grognement entre mes dents. Le goût métallique du sang a empli ma bouche.

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Storie d'amoreVengeance... vengeance... vengeance. Ce même mot qui tournait en boucle dans son crâne sans jamais s'arrêter. Un véritable monstre qui l'empêche d'avancer. Car son nom signifie « paix » mais elle apportera vengeance. Chaque jour, chaque heure de sa...