Chapitre 4

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Agatha était une enfant que le monde semblait avoir oublié. Ses longs cheveux noirs, toujours en bataille, flottaient autour d'elle comme une ombre insaisissable. Dans le village, les rires des autres enfants résonnaient, créant une mélodie joyeuse qui l'isolait davantage. Elle les observait jouer, leurs éclats de rire lui parvenant comme une douce mélodie, tandis qu'elle errait, invisible et silencieuse, à la recherche d'une étincelle d'attention de la part de sa mère.

Sa mère, une sorcière redoutée et admirée, était souvent absente, plongée dans des rituels mystérieux qui lui étaient inconnus. Agatha avait appris très tôt que l'amour était un luxe qu'elle ne pouvait pas se permettre. Chaque matin, elle se levait avec l'espoir que ce jour serait différent, qu'elle pourrait prouver sa valeur à cette figure majestueuse qui était son unique référence. Les échos des incantations maternelles la hantait, comme des chants de sirène, et chaque murmure, chaque geste, semblait lui rappeler qu'elle était destinée à vivre dans l'ombre.

Pour combler ce vide, elle se tournait vers les forêts environnantes, ses seules compagnes étant les créatures des bois, les oiseaux malicieux et les écureuils curieux. Elle s'aventurait dans les recoins les plus reculés, ses pas légers la guidant vers des mondes invisibles. Elle s'imaginait conversant avec un dragon, partageant des secrets avec un esprit des bois, espérant que l'une de ces rencontres pourrait lui apporter la compréhension qu'elle cherchait désespérément.

Ses escapades étaient ponctuées de petits larcins et d'actions révoltées. Elle collectionnait des trésors : des plumes scintillantes, des pierres aux couleurs éclatantes, des fleurs aux parfums envoûtants. Chaque objet était un symbole de sa rébellion, un moyen de s'affirmer face à l'indifférence qui l'entourait. Mais ces petits gestes, bien qu'innocents, la menaient souvent à des punitions sévères. Le soir, après une journée d'évasion, elle rentrait chez elle, la tête basse, le cœur lourd, prête à affronter la colère de sa mère.

La maison était un lieu de tension, où le silence pesant était interrompu uniquement par les éclats de voix. La colère maternelle s'abattait sur elle, parfois sous la forme de mots cinglants, parfois sous des coup et parfois d'un silence lourd de reproches. Agatha se sentait déchirée, oscillant entre la peur et la tristesse. Chaque punition lui rappelait qu'elle n'était rien sans sa mère, que sa valeur dépendait uniquement de l'approbation de celle qui l'avait mise au monde.

C'était lors d'une de ces journées d'évasion qu'elle croisa le regard d'une autre jeune fille. La nouvelle du village, avec son rire éclatant et son esprit intrépide, semblait tout ce qu'Agatha n'était pas. Elle était un souffle d'air frais, une lumière éblouissante dans l'obscurité de son existence. C'était une signe pour Agatha, elle aperçut une promesse d'aventure et de rébellion. L'idée d'une amie, d'une complicité, lui était si étrangère qu'elle n'osait y croire.

Pourtant, La jeune fille ne la jugeait pas. Elle l'encourageait à s'exprimer, à libérer la magie qui sommeillait en elle, et Agatha commença à rêver d'une vie où elle pourrait être plus qu'un simple reflet de sa mère. Chaque rencontre avec cette jeune fille était une promesse d'évasion, mais derrière cette lumière, une ombre planait. La mise en garde de sa mère, prononcée dans un murmure angoissé, résonnait encore dans son esprit.

Agatha, avec son cœur affamé d'affection, se tenait à la croisée des chemins. Le choix entre la sécurité de l'ombre maternelle et la lueur intrigante de l'amitié. Elle savait que chaque pas vers Rio était un pas vers l'inconnu, un risque qu'elle n'avait jamais osé prendre. Mais en elle, une flamme commençait à s'allumer, une envie de briser les chaînes de son passé et d'affronter le monde, enfin libre d'être elle-même.

Elle se mit à rêver de jours meilleurs, de forêts enchantées où elle pourrait laisser libre cours à sa magie, non pas pour plaire à sa mère, mais pour elle-même. Chaque aventure avec Rio la rapprochait un peu plus de cette réalité, et pour la première fois, Agatha ressentait le frisson de l'espoir.

Cette jeune fille mystérieuse éveilla en Agatha une nouvelle force, la transformant peu à peu en une femme presque émancipée, libre des chaînes invisibles qui l'avaient si longtemps retenue. Grâce à elle, Agatha put enfin découvrir et développer son potentiel, toucher à des pouvoirs qu'elle n'avait fait qu'imaginer, elle qui avait vécu sous l'interdiction absolue d'apprendre ou même d'évoquer la magie, imposée par sa mère.Ce n'est pas toi le monstre, Agatha. C'est ta mère. C'est ce que cette jeune fille lui avait toujours répété. À l'époque, et même aujourd'hui, Agatha ne pouvait comprendre la raison derrière l'avertissement de son amie. Mais là, dans cette pièce sombre et délabrée où aucune lumière ne s'infiltrait, où même la mort semblait absente, elle réalisa enfin pourquoi. Elle comprit l'importance de l'existence de Rio et la nécessité de maintenir l'équilibre.

Dans cette forteresse, la vie elle-même ne signifiait plus rien. Elle n'était ni pleine ni vibrante ; elle semblait artificielle, comme un simulacre privé de sens puisque la mort n'y avait pas sa place. Les êtres ici-bas étaient condamnés à un déséquilibre éternel, à une errance perpétuelle dans une existence sans fin. Une punition pire que la mort, car ici, la décomposition et la magie noire dominaient, dénaturant ce qui était réel, corrompant jusqu'à la moindre étincelle de vitalité. Sans la mort, il n'existait personne pour juger, personne pour établir le juste et l'injuste. Ce lieu se présentait comme une imitation sinistre de la vie, une déformation perverse de la réalité. Agatha comprit alors : il n'y avait pas de vie sans la mort. Cette pensée résonna en elle et la rapprocha un peu plus de son amante.

Soudain, le grincement lourd d'une porte en fer fit écho dans l'obscurité. Agatha, épuisée et douloureuse, redressa faiblement la tête. Ses membres, alourdis par le long voyage et la contrainte, répondaient à peine. Une silhouette élancée émergea de la pénombre ; Agatha sentit un espoir fugace en elle, celui de revoir Rio, mais celui-ci s'évapora aussitôt qu'elle aperçut le visage ridé d'une vieille femme aux traits austères et bien marqués. Ses paupières lourdes ombrageaient ses yeux bridés, et son nez aquilin, sous des lèvres fines et pressées, la faisait ressembler à la sorcière d'un conte de fées.

Pourtant, la vieille dame n'éveillait pas la crainte ; au contraire, elle inspirait une étrange sensation de sécurité, un réconfort instinctif. Agatha, les épaules jusque-là tendues de nervosité, les relâcha peu à peu. La vieille femme s'approcha de la cellule, observant Agatha un long moment, avant de parler d'une voix douce et mesurée :

- Votre mère souhaitait que je m'entretienne avec vous, Agatha, dit-elle.

- À quel sujet ? Je n'ai plus rien à voir avec elle, répondit Agatha en fermant les yeux, comme pour fuir ces mots. Elle ajouta, plus sèchement : Je ne veux rien savoir de ce qu'elle a à dire. Dites-lui que j'ai cessé de croire en ses mensonges.

La vieille femme hocha la tête sans insister et s'éloigna, respectant le souhait de la jeune sorcière sans broncher. Mais, avant de disparaître dans l'ombre, elle s'arrêta et murmura quelques mots :

- Mon enfant, vous serez jugée avant la prochaine manifestation du soleil. Ici, ni l'aube ni le crépuscule n'existent, tout comme le jour et la nuit. Un gong résonne pour annoncer la venue de la lune ou du soleil, et c'est mon rôle de vous ramener à la surface. J'en suis désolée, mon enfant...

Elle allait se retirer lorsque la voix d'Agatha s'éleva, brisée et désespérée.

- Attendez ! Vous ne pouvez pas partir... Vous devez m'aider, ou au moins me donner des réponses ! Pourquoi m'emmener ici ? Pourquoi ?

La vieille femme soupira, le regard empreint d'une compassion retenue.

- C'est à votre mère de vous donner les réponses que vous cherchez. Il m'est interdit de m'exprimer à ce sujet. Et, pour être franche, je ne comprends pas moi-même les raisons de votre emprisonnement. 

avant de disparaître la vielle sorcière se retourna une dernière vers agatha 

- mon nom est Lilia.

Les mots résonnèrent dans la cellule, remplissant Agatha d'un sentiment d'impuissance et de colère. Dans cette forteresse, la vérité semblait aussi inaccessible que la lumière elle-même.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 16 ⏰

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