Masters : l'éveil des dominants

Chapitre 31

Silas

Je balayai distraitement la table du regard, la bouche pleine d'une omelette un peu trop cuite. Mes compagnons vaquaient à leurs occupations, d'un air désabusé. Aithne perdue dans ses pensées s'épanchait sur son bras, le regard vide. Ruri, elle, dégustait avec appétit son assiette de fraises et de mangues coupées en petits morceaux carrées. Quant à Joyce, elle jouait lassement avec l'eau de son verre et balançait sa chaise, le regard endormi de fatigue ou plus certainement d'ennuie.

Madame Rosetta s'était éclipsée quelques minutes plutôt, prétextant une urgence auprès de ses voisins. Attablés et éreintés, un silence confortable avait remplacé l'ambiance chaotique.

Je repensais alors à la nuit agitée que nous venions de passer.

***

Je m'étais réveillée en sursaut après un rêve étrange. Je ressentais l'énergie occulte noir de la femme aux cheveux corbeaux ; sans pour autant la voir.

Connal dormait à poing fermés, mais ses traits durs et plissés en disait long sur son état.

J'hésitais à prendre le risque de le réveiller malgré sa convalescence. Après tout, même si Connal était en bonne phase de guérison,  il n'était pas encore au top de sa forme.

Cependant, alors que je me levai en sa direction. Je croisai des yeux miels, argentés et cernés. Kaël m'observait d'une expression à faire fuir les plus courageux.

- Ça fait longtemps, me contentais-je d'articuler.

- Je me suis réveillé y'a deux minutes, murmura t-il en retour.

Je hochai et replaçai mes bras en dessous de ma tête. Je m'apprêtais à lancer une vanne au hasard pour nous changer les idées. Malheureusement, de légers ronflements m'indiquèrent que le corps de Kaël avait finalement abdiqué.

Je roulais des yeux.

***

Je secouai la tête essayant de m'ancrer dans le présent.

La longue abscence du grand brun aux yeux verrons me semblait d'autant plus suspicieuse.

Je m'avachis brusquement sur la table écrasant mon front au passage. Je me crispai soudainement prêt à recevoir un sermon de Ruri, mais elle n'en fit rien. Joyce, en revanche soupira pour la énième fois tordant ses courtes mèches blanches.

La fenêtre entrouverte tolérait de brefs courants d'air dans la pièce à vivre. Je tournai la tête. Le ciel autrefois nuageux accueillait maintenant un soleil franc. Je m'amusai alors malicieusement avec la brise et la modulait en de fines bourrasques ; assaillant notamment les cheveux de Aithne et Joyce.

Tandis que Ruri me lança un regard de biais avant de se reconcentrer sur sa nourriture. Aithne se saisit d'une carafe en mosaïque, d'un saumon malade, comme un avertissement. Joyce, sans grande surprise, m'attaqua d'un souffle glacé au visage qui me fit reculer, la mine ébahie.

- J'attends, continua t-elle un léger rictus aux lèvres.

Le buste relevé, ses beaux yeux clairs pétillaient de malice. Nos sourires se croisèrent l'espace d'un instant. Mon regard se porta ensuite sur Aithne et Ruri qui peinait aussi à contenir leur amusement.

Au même moment, les deux individus tant attendus passèrent finalement le pas de la porte. Kaël plissait le nez prit d'un fou rire avec Connal qui s'en tordait l'estomac, les fossettes apparentes.

Moqueur, je haussai un sourcil. Mais, Ruri prenait déjà la parole.

- Comme c'est mignon, lança-t-elle légèrement piquée. Ils se barrent à l'aube et reviennent comme des fleurs après l'heure du repas.