II.

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Nous étions le 27 août, j'avais 21 ans ce jour. Depuis que je m'étais levée ce matin, j'avais mal au ventre et l'estomac noué, je n'avais rien pu avaler. Le déjeuner de midi allait bientôt être servi, je devais rester dans ma chambre en attendant. Soudain, on frappa à ma porte. Qui cela pouvait-il être à une heure pareille ? J'ouvris, et restai stupéfaite sur le pas de la porte.

Il était là, planté devant moi, plongeant son regard bleu ciel dans le mien. Un sourire se dessina sur ses lèvres.
« J'ai eu peur de m'être trompé de chambre... » me dit-il.

Je l'invitai à entrer. Pourquoi était-il ici ? Depuis que j'étais arrivée, je n'avais pas eu de nouvelles, et il réapparaissait au bout de deux mois...
Nous nous assîmes sur mon lit, en silence. Nous nous dévisagions l'un l'autre, comme pour essayer de lire les pensées de l'autre. Il était toujours aussi beau, j'avais envie de lui sauter au cou et de l'embrasser, mais j'avais peur qu'il me repousse.

« Comment as-tu fais pour venir jusque ici ? Je ne suis pas sensé avoir de la visite...

— J'ai simplement dit que je venais pour ton anniversaire, ils on vérifié, m'ont fouillé sommairement, et m'ont laissé passer sans trop de questions; me coupa-t-il.

— Hmm je vois... Et que viens-tu faire ici, au juste ? Tu ne donnes plus signe de vie, tu ne réponds même pas à mes lettres, et tu te pointes comme un fleur aujourd'hui... Je t'avoue que je ne comprends pas.

— Laisses-moi t'expliquer... Je ne suis plus chez ma mère, on s'est disputé, et je suis parti. J'ai un appartement, avec une nouvelle adresse, et ma mère ne m'a pas fait parvenir tes lettres, on ne se parle plus depuis un mois et demi environ, juste après que tu sois... venue ici. Je ne savais pas que tu m'avais écrit, et comme tu n'as pas accès au téléphone... »

Silence. Il plongea son regard dans le mien encore une fois, comme avant... Il était vraiment très près de moi, je pouvais le toucher juste en tendant la main. Inconsciemment, nos mains se sont rejointes. Il effleura ma joue du bout des doigts, ses lèvres cherchèrent maladroitement les miennes. Contact. Je fus parcourue d'un frisson lorsque je sentis son souffle chaud sur ma peau. Ses lèvres étaient aussi douces et délicieuses que dans mes souvenirs. Puis il m'attira vers lui, et me serra contre son corps. « Bon Anniversaire » me souffla-t-il à l'oreille. C'était le meilleur cadeau d'anniversaire qu'on m'ai jamais fait, il m'avait tellement manqué.

Je ne savais pas quoi faire, ici, avec lui. Il n'y a rien à faire, tout était silencieux, triste et blanc. Il se leva, prit ma main, et me fit me lever. Un grand sourire barrait son visage, il avait une idée en tête, et avec lui je craignais le pire. Il se dirigea vers la porte, et marqua un temps d'arrêt.

« Kathy, à quelle heure est la pause du personnel ?

— Toutes les deux heures, ils ont dix minutes de pause.

— Ils y vont tous en même temps ? Dans quelle salle ?

— Euh oui, oui je crois, ils vont à l'étage, il y a leur salle de repos vers le réfectoire commun.

— Et personne ne surveille ?

— Non, ce n'est pas la peine, on ne va pas se sauver, on est en pyjamas, et à pied, on irait pas bien loin... Mais pourquoi toutes ces questions ?

— Tu verras, j'ai un cadeau pour toi. »

Il attrapa ma main à nouveau, regarda le radio-réveil sur la table de nuit, et m'entraîna derrière lui. Il courait presque, j'avais un peu de mal à le suivre. On traversa les couloirs en un rien de temps ; « Vite ! » me dit-il.

Je n'en croyais pas mes yeux, on passa l'accueil vide, la secrétaire était en pause avec les autres sans doute. Il poussa la lourde porte d'entrée à double battant, traversa la cour en me tirant toujours par la main. Nous arrivâmes sur le parking, notre course se terminait ici.

Il monta dans sa voiture, et me dit de faire de même. Nous voilà partis sur la route. Il fila à vive allure et le paysage défilait sous mes yeux comme un spectacle. Le vent affluait dans la décapotable et faisait voler mes cheveux. C'était si bon de sentir à nouveau l'air pur du dehors sur mon visage.

« Où allons-nous maintenant ? Dis-je.

— Je ne sais pas, où veux-tu aller ? C'est ton anniversaire aujourd'hui !

— Je ne sais pas... J'ai envie de me reposer, je ne tiens plus debout, et les cachets qu'ils me donnent m'assomment.

— Alors je vais te faire visiter mon appartement ma Chérie. »

Il m'avait appelée "Ma Chérie" ! Ça faisait si longtemps...

Nous arrivâmes chez lui un quart d'heure plus tard. Il habitait dans un petit immeuble en ville, au deuxième étage. Son appartement n'était pas très grand, mais il suffisait largement pour une personne seule. Il y avait deux pièces : un salon/cuisine et une chambre, en plus d'une salle de bain. C'était chaleureux, et la décoration était bien choisie. Il alla chercher à boire, puis nous nous installâmes dans le canapé. Nous avons bavardé pendant plusieurs heures, nous riions beaucoup. Mais dehors, il commençait déjà à faire nuit, ils devaient me chercher partout, à l'hôpital...

« Je pense qu'il me cherchent... Dis-je.
Tu penses qu'ils vont appeler la police ?

— Je ne sais pas, mais maintenant que je t'ai retrouvée, il est hors de question que je te perde à nouveau ! Tu restes avec moi ce soir, et demain nous verrons ce que nous faisons, dit-il posément.

— D'accord, puis de toute façon je n'ai pas très envie d'y retourner, je veux rester avec toi, tu m'as tellement manqué. Je t'aime tu sais...

— Je t'aime aussi Kathy, et jamais je ne les laisserai nous séparer. S'il le faut, on quittera le pays, mais quoi qu'il arrive, je ne laisserai personne t'emmener loin de moi. »

Nous avons mangé ensuite, puis nous sommes allés dormir, il était déjà minuit passé.

Il était 11h lorsque l'on se réveilla. Le soleil brillait déjà haut dans le ciel, la journée allait être chaud. J'avais dormi comme un bébé dans ses bras, je n'avais pas dormi comme ça depuis... environ deux mois.

Je décidai de préparer des œufs brouillés pour le petit déjeuner, je savais qu'il adorait ça. Pendant que je cuisinais, il se plaça derrière moi et m'enlaça tendrement. Comment avais-je pu imaginer une seule seconde qu'il m'avait oubliée ?
Je ne savais pas ce que nous allions faire, je n'avais même pas de vêtements à me mettre. Il me proposa d'aller en ville cette après midi, pour m'acheter de nouveaux vêtements. Je n'avais pas trop envie d'aller dans les magasins, si quelqu'un me reconnaissait, ils allaient me prendre, et m'enfermer à nouveau, mais je n'avais pas vraiment le choix, je n'avais aucun vêtement. C'était donc décidé, cette après-midi-là, nous allions en ville.

Je choisis des vêtements simples, c'est lui qui me les a offert. Je n'avais pas d'argent, pas de papiers d'identité, rien qui me permettait de me débrouiller seule. Heureusement, il avait l'héritage de son père, et il m'assurait que tout allait bien se passer, et que dans deux jours nous serions loin de cet endroit, nous partions vers le sud, il avait une cousine là-bas qui pourrait nous héberger. En attendant, je n'avais aucune nouvelle de l'hôpital, et nous ne quittions pas son appartement, c'était trop risqué...

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