Elle est a Moi

3.

Je restai assis quelques instants, mais quelque chose attira mon regard, brisant la routine. Elle était là, derrière le bar, servant des verres et discutant avec les clients, mais ce n'était pas ça qui m'intrigua. C'était son regard, calme, distant, presque absent de ce monde de bruits et de chaos autour d’elle. Elle n’avait pas l’air de faire partie de ce décor. Il y avait quelque chose de... différent chez elle.

Les gens autour de nous se perdaient dans leurs discussions, dans leur folie de la nuit, mais moi, je ne pouvais pas détacher mes yeux d'elle. Elle bougeait avec une fluidité tranquille, comme si ce lieu bruyant et agité ne l'affectait pas, comme si elle n’appartenait pas à cette réalité où l’argent sale circulait à chaque coin de rue. Elle n’avait pas cette même énergie que les autres, cette urgence.

Ses cheveux noirs étaient attachés en un simple chignon, ses traits fins et son regard un peu perdu trahissaient une sensibilité qui n’avait pas sa place ici. Elle semblait presque fragile, comme une fleur qu’on aurait oubliée dans une ruelle sombre. Elle semblait... déconnectée, comme si ce club, cet environnement, était un simple décor derrière lequel elle se cachait.

Je lui lançai un autre coup d’œil furtif. Il y avait une beauté discrète chez elle, sans fard ni exagération. Elle était belle, d’une manière simple, mais ce n’était pas ça qui me perturbait. C’était son air... comme si elle ne faisait que passer, mais qu’elle ne voulait pas vraiment être là.

Ali remarqua ma distraction et tourna lentement la tête vers la direction où je regardais. Il suivit mon regard et soupira légèrement, comme s’il savait que quelque chose allait venir.

"Elle, tu veux dire ?" dit-il en hochant la tête.

Je n'avais même pas remarqué qu'il avait remarqué. "Ouais," répondis-je brièvement, sans vraiment savoir pourquoi. "Elle ne semble pas vraiment... à sa place ici."

Ali haussait les épaules, ses yeux restant toujours attentifs aux moindres signes autour de nous. "Les gens viennent ici pour différentes raisons. Peut-être qu'elle n'a pas le choix. Peut-être qu'elle cache un secret, comme nous tous."

Je n’étais pas convaincu. Il y avait quelque chose dans son regard, dans sa façon de se déplacer, qui ne correspondait pas à ce genre de vie. J’avais vu des centaines de gens, jeunes et moins jeunes, se perdre dans des endroits comme celui-ci, mais elle était différente. C’était plus que de l’intuition. C’était un sentiment viscéral, comme si elle appartenait à un autre monde, à un monde que je ne connaissais pas.

J'attendis qu’elle se tourne de nouveau, et lorsque nos regards se croisèrent, il y eut un instant, juste une fraction de seconde, où je vis quelque chose qui m'interpella encore plus. Une sorte de malaise derrière ses yeux. Peut-être qu'elle était consciente de l'endroit où elle se trouvait. Peut-être que, tout comme moi, elle savait qu'ici, tout pouvait basculer à tout moment. Mais elle ne fuyait pas. Elle faisait simplement son travail, comme si le chaos autour d’elle ne la touchait pas.

Je n'étais pas sûr de ce que je voulais. Peut-être que c'était l'envie de percer son masque, de comprendre pourquoi elle semblait aussi déconnectée de tout. Peut-être qu'elle représentait pour moi quelque chose que je n'avais plus depuis longtemps : une échappatoire à ce monde de violence et de calculs.

Je me levai lentement, un geste délibéré, m'avançant vers le bar. Je pouvais sentir la tension dans l’air. Ali était derrière moi, sûrement en train de se demander ce que je faisais, mais il ne dit rien. Je savais qu’il me suivrait, quoi que je fasse. C'était toujours comme ça.

Elle me remarqua à peine quand je m’approchai du bar. Son regard se leva brièvement, mais elle ne sembla pas surprise. Elle avait l’air habituée à ce genre de choses, comme si c’était une routine pour elle de servir des hommes comme moi. J’hésitai un instant avant de parler, mes mots choisis avec soin.