Chapitre 17: Finalement on est pareil

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La nuit enveloppait toujours le parc dans son épaisse étreinte, mais l'atmosphère avait changé. Assises côte à côte sur le banc, Oria et Louna, plongées dans la douceur nocturne, continuaient de discuter, leurs voix à peine plus audibles que le bruissement des feuilles sous l'effet du vent.

Leurs silences entre chaque échange étaient ponctués par les murmures de la nature endormie, par les étoiles scintillant au-dessus d'elles, et par ce lien presque imperceptible qui se tissait peu à peu entre elles.

« Tu sais, » commença Louna après une longue pause, « l'amour peut parfois ressembler à ces crises d'angoisse. Elle te prend par surprise, te coupe le souffle, et tu as cette sensation étrange d'être à la fois vulnérable et complètement perdue. »

Oria tourna légèrement la tête pour la regarder. La fatigue était toujours présente, mais quelque chose d'autre commençait à s'éveiller en elle, une curiosité et une envie d'en comprendre plus sur ce que Louna voulait dire.

« Tu penses vraiment que l'amour et l'angoisse se ressemblent ? » demanda-t-elle doucement, un brin sceptique.

Louna sourit faiblement, fixant un point invisible dans l'obscurité, comme si elle cherchait ses réponses là-bas, dans l'immensité du ciel. « Oui, d'une certaine manière. L'amour peut provoquer les mêmes sensations que la peur. Tu te retrouves démunie, incapable de tout contrôler, et pourtant tu te jettes dedans tête la première, espérant que tout ira bien. Mais parfois, cette perte de contrôle te fait paniquer. »

Oria resta silencieuse, son esprit vagabondant entre ses propres expériences et les paroles de Louna. Elle repensa à ses dernières relations, aux moments où elle avait cru aimer, où elle avait ressenti ce vertige d'être au bord du gouffre, incertaine de ce qui l'attendait de l'autre côté.

« Je ne sais pas, » finit-elle par dire. « Pour moi, l'amour a toujours été... différent. Plus apaisant, même si parfois, il y avait de la peur. Avec l'angoisse, c'est comme si tout devenait incontrôlable, comme si je me noyais. Alors que dans l'amour, même dans les moments de doute, il y a toujours cette part de moi qui voulait croire que ça allait marcher. »

Louna acquiesça, écoutant attentivement. « Je comprends. L'amour peut avoir cet effet apaisant, c'est vrai. Mais tout dépend de la manière dont tu l'abordes, de tes expériences, de ce que tu as vécu avant. Pour certaines personnes, aimer, c'est se perdre un peu trop. Et ça peut déclencher des crises d'angoisse, sans même qu'elles s'en rendent compte. »

Oria fronça les sourcils, réfléchissant aux paroles de Louna. Elle avait raison, du moins en partie. Elle connaissait des personnes pour qui l'amour était une source de stress constant, une attente de l'autre si forte qu'elle en devenait étouffante. Peut-être qu'elle avait simplement eu de la chance jusqu'à présent.

« Mais toi, » demanda-t-elle après un moment, « tu as déjà ressenti ça ? Je veux dire... ce mélange d'amour et d'angoisse ? »

Louna laissa un rire amer s'échapper de ses lèvres. « Plus souvent que je ne voudrais l'admettre. L'amour, pour moi, a toujours été une montagne russe émotionnelle. Un moment, tu es au sommet, tu touches presque les étoiles, et l'instant d'après, tu descends en chute libre, sans savoir si tu vas t'écraser ou non. Et dans cette descente, les crises d'angoisse ont souvent trouvé leur chemin. »

Oria se surprit à ressentir une pointe de tristesse en écoutant Louna parler. Elle n'avait jamais vraiment réfléchi à la manière dont les autres pouvaient vivre leurs relations amoureuses, en particulier celles qui semblaient si fortes de l'extérieur, comme Louna. Et pourtant, sous cette apparente maîtrise d'elle-même, il y avait un océan de tourments.

« Tu n'as jamais trouvé quelqu'un qui... apaise tout ça ? » demanda-t-elle doucement, espérant ne pas franchir une limite.

Louna hésita, ses yeux fixés sur les étoiles au-dessus d'elles. « Je pensais avoir trouvé, une fois. Mais la réalité, c'est que parfois, on se rend compte que la personne qu'on aime ne peut pas guérir nos blessures. Parfois, elle ne fait que les exacerber, malgré elle. Et là, tu te retrouves seule avec tes propres démons, et les crises d'angoisse se multiplient. »

Un silence lourd s'installa entre elles. Oria, ne sachant pas quoi dire, se contenta de rester là, à écouter la respiration régulière de Louna et à sentir le poids de ses propres pensées sur le sujet.

L'amour... Si vaste et si complexe. Elle avait toujours eu cette vision presque idéalisée de ce sentiment, pensant que tout finirait par s'arranger, que tout amour véritable était un remède aux maux de l'âme. Mais en écoutant Louna, elle commençait à se demander si elle n'avait pas été un peu naïve.

« Tu crois qu'on peut aimer sans se blesser ? » demanda-t-elle, sa voix à peine plus forte qu'un murmure.

Louna prit un moment avant de répondre, réfléchissant profondément à la question.

« Je pense que l'amour vient toujours avec un risque. Le risque d'être blessé, le risque de perdre, le risque de s'abandonner à quelque chose qui pourrait ne pas durer. Mais ce risque fait partie du jeu. C'est ce qui rend l'amour si beau et si douloureux à la fois. »

Oria hocha lentement la tête. « C'est vrai. Mais parfois, je me demande si ça vaut la peine. Si l'amour, avec toutes ses complications et ses douleurs, mérite vraiment tout ça. »

Louna lui lança un regard compatissant. « C'est une question que je me suis souvent posée, surtout dans les moments où l'angoisse prenait le dessus.

Mais je crois que la réponse est oui. Parce que, même dans la douleur, même dans la peur, l'amour te fait ressentir quelque chose de réel, quelque chose de puissant. Et c'est cette authenticité qui rend tout le reste supportable. »

Le silence retomba une fois de plus entre elles. Oria repensait à ses propres expériences amoureuses, aux moments où elle avait ressenti cette intensité, ce besoin presque vital de se connecter à quelqu'un d'autre. Peut-être que Louna avait raison. Peut-être que, malgré tout, l'amour était ce qui donnait un sens à la confusion, même quand l'angoisse menaçait de tout emporter.

« Tu sais, » dit finalement Oria, « je n'ai jamais vraiment parlé de mes crises d'angoisse à quelqu'un avant ce soir. C'est comme si, en parler les rendait plus réelles, comme si je ne pouvais plus faire semblant qu'elles n'existaient pas. »

Louna tourna son regard vers elle, ses yeux brillants dans l'obscurité. « C'est déjà un grand pas que de les reconnaître, Oria. Les affronter, même en paroles, c'est un signe de force, pas de faiblesse. Je sais que ça peut sembler effrayant, mais en parler, c'est aussi commencer à les comprendre, et à les apprivoiser. »

Oria sourit faiblement, reconnaissante. « C'est juste que... Parfois, j'ai l'impression que tout pourrait s'écrouler à tout moment, que je n'ai aucun contrôle sur ce qui m'arrive. Et c'est là que tout devient flou, que mon cœur s'emballe et que je me perds dans mes propres pensées. »

Louna hocha doucement la tête, comme si elle connaissait parfaitement ce sentiment. « Je connais ça. Ce sentiment de perdre pied. Mais c'est important de se rappeler que ces moments, aussi terrifiants soient-ils, ne durent pas. Ils finissent toujours par passer, même si ça ne semble pas être le cas sur le moment. »

Oria prit une profonde inspiration, essayant de laisser ces paroles la réconforter. Peut-être que Louna avait raison. Peut-être que ses crises, aussi puissantes soient-elles, ne pouvaient pas la définir entièrement.

La conversation continua ainsi, alternant entre de longs moments de silence et des échanges intimes sur l'amour, la peur, les incertitudes de la vie. Oria se surprenait à parler avec une telle aisance, à se confier sans retenue à Louna. Et plus elles parlaient, plus elle réalisait à quel point elles se comprenaient, à quel point leurs parcours étaient semblables, même si elles l'exprimaient différemment.

La nuit avançait doucement, le ciel commençant à légèrement s'éclaircir à l'horizon, signe que l'aube n'était plus très loin. Le froid s'intensifiait, mais ni l'une ni l'autre ne semblait vouloir partir, comme si ce moment suspendu hors du temps était trop précieux pour être interrompu.

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