Lundi 6 aout, 16h14
La lumière blafarde du néon continue de clignoter sous la porte, projetant des ombres dans le couloir. Chaque éclat semble appuyer sur les cris étouffés venant de l'intérieur. Le temps s'étire. Les cris ont une qualité presque rythmique à force de répétition. Ils montent, s'étouffent, recommencent.
À l'intérieur, Ezrah est à l'œuvre. Je sais que dans cette pièce, la réalité se transforme en cauchemar. Je ne m'inquiète pas. Je connais Ezrah. Sa manière d'opérer est méthodique, mais sans limite. Il pousse toujours les choses à l'extrême, mais c'est dans sa nature. Son esprit est une toile sur laquelle la douleur est peinte avec soin. Je me permets un instant de détente, et sors une cigarette. La chaleur de la nicotine se diffuse dans mes poumons, une sensation familière. Cette quiétude contraste avec ce qui se passe dans la pièce.
— Qui... qui es-tu ? sanglote l'otage.
La voix d'Ezrah résonne, douce, presque moqueuse, comme un serpent sifflant dans l'ombre. Il prend plaisir à jouer avec ses victimes, manipulant leurs émotions comme un marionnettiste.
— Cette information ne te servira à rien, réplique Ezrah. Ce qui compte, c'est qui m'envoie.
L'homme tente de reprendre son souffle, mais sa respiration est rapide, désordonnée. Chaque inspiration semble être une lutte, une quête désespérée pour s'accrocher à la vie. L'hémoglobine qui coule de son bras tache ses vêtements, formant une mare écarlate sous lui. La couleur de son sang contraste cruellement avec la pâleur de son visage. La douleur devient une prison, une marée inévitable qui noie tout autour.
— Que voulez-vous ? De l'argent ? demande-t-il, sa voix brisée.
— Ce que je veux .. De la musique, qu'en penses-tu ? rétorque mon acolyte, son sourire s'élargissant tandis qu'il s'approche nonchalamment d'une table située au fond de la pièce.
Il savoure chaque instant, comme un chef d'orchestre annonçant le début de sa symphonie macabre.
Je pousse la porte pour mieux observer. Ezrah allume un vieux tourne-disque, et les premières notes de We'll Meet Again envahissent la pièce, comme une douce ironie mortuaire. La mélodie transforme la scène en une représentation grotesque. Je croise les bras, appuyé contre l'encadrement de la porte, les yeux fixés sur l'otage. Je pourrais intervenir, mais pourquoi me priver de ce spectacle ? Je savoure la scène.
Les pensées du pauvre homme sont presque tangibles. « Vais-je revoir mes enfants ? », « J'aurais dû dire à ma femme où se trouvent les comptes offshore », « Si j'avais su, j'aurais baisé ma secrétaire une dernière fois ». Son esprit vagabonde, cherchant des regrets, des adieux jamais faits. C'est un cheminement mental que je reconnais, inévitable pour ceux qui sont sur le point de mourir. C'en est presque touchant.
— Je veux des réponses, murmure Ezrah, son sourire carnassier s'étirant. Mon petit doigt m'a dit que tu as déjeuné avec Dante Falco la semaine dernière... et je doute qu'il soit venu pour parler météo. Nous avons un souci, mon ami.
— Je ne sais pas de quoi vous parlez, balbutie-t-il enfin, la peur se lisant dans ses yeux.
Le sourire d'Ezrah disparaît instantanément. Le changement est rapide, brutal, comme un prédateur qui attaque sans avertissement. Sans un mot, il enfonce sa lame dans la jambe de sa victime, et le hurlement qui suit résonne dans toute la pièce. Je ferme les yeux un instant, inspirant profondément la fumée de ma cigarette.
Je laisse mon camarade savourer l'instant. Il est doué dans son rôle, mais ce goût pour le dramatique l'éloigne toujours un peu plus de la raison.
— Tu devrais vraiment être plus coopératif, commente Ezrah en retirant lentement la lame, un éclat sadique dans ses yeux.
Les secondes s'étirent. Je me décide à entrer, calme, maître de chaque pas. La pièce est désormais mienne. L'atmosphère change immédiatement, se fait plus lourde, comme si le temps lui-même retenait son souffle. Notre proie lève les yeux, et je vois le point de bascule fatidique : celui où il me reconnait. Ses pupilles se dilatent, une sueur glacée perle sur son front.
— Non... murmure-t-il, presque pour lui-même. Ce n'est pas possible.
L'incrédulité, puis la terreur, se peignent sur son visage. Un frisson parcourt son corps entier. La peur le paralyse, plus efficace que n'importe quel coup. Elle le ronge de l'intérieur, le vide de toute volonté de résister. Il sait qui je suis, bien sûr, comme tout le monde dans ce milieu.
— Samaël, souffle-t-il, sa voix brisée.
Mon nom est un verdict. Une sentence avant même que je ne prononce le moindre mot.
L'homme est tremblant, ensanglanté, les yeux suppliants. Ezrah, toujours souriant, me regarde avec un amusement non dissimulé. Nous savons tous les deux que le jeu touche à sa fin, mais c'est moi qui décide quand. Il a joué sa partie, maintenant, c'est à moi de prendre les rênes.
Je laisse un sourire lent se former sur mes lèvres, profitant du pouvoir que son effroi me confère. C'est cette peur, cette soumission totale qui rend l'instant si satisfaisant. Ce n'est pas tant ce que je fais qui importe, mais ce que je suis.
Je me penche légèrement, les yeux rivés sur lui. Il ne peut détourner le regard, prisonnier de l'emprise que j'exerce.
— Ce que tu choisis de dire maintenant va décider de la durée de ta souffrance, dis-je d'un ton glacial, presque suave. Ezrah ici présent, est un artiste, tu sais. Il aime rendre la douleur inoubliable.
— C'est simple, vraiment, lâche Ezrah en appuyant sur la plaie pour arracher un autre gémissement. Le sang gicle, la douleur s'accroît, mais le choix t'appartient. Soit tu parles, soit je continue de jouer. Je ne fais jamais les choses à moitié.
L'homme tente désespérément de fuir, mais il est ligoté, entravé par sa propre terreur autant que par les liens. Sa panique se transforme en désespoir, et il sait qu'il ne peut échapper à ce cauchemar. Son souffle devient erratique, ses lèvres tremblent. Je l'observe, indifférent. Rien ne m'atteint, je contrôle chaque seconde, chaque mouvement.
— Je... je parlerai, je parlerai, lâche-t-il, sa voix se brisant sous la pression.
Je souris, satisfait. Je n'avais aucun doute sur sa décision. Peu importe l'issue, je contrôle la situation. C'est un pouvoir que je chéris, et je n'ai aucune intention de le partager.
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Samael
RomanceHannah Pierce, une étudiante en criminologie tourmentée par un passé douloureux, cherche à combler le vide de sa vie. Lorsque le meurtre d'un étudiant secoue l'université, son obsession pour la vérité la pousse à se lancer dans une enquête dangereus...